lundi 29 décembre 2008

Faire partie du passé

C'était comme revenir sur le lieu de son crime. Une foule de personnes dont je connais la tête mais dont je ne me rappelle plus le prénom. Oui, je me souviens de cette fille avec les poches sous les yeux. Je me rappelle avoir débattu avec elle des ondes de four à micro-onde entre deux verres, avant de lui demander une aspirine. C'est drôle comme on se souvient toujours du moment où on arrive chez les gens, avec un peu de bonne volonté on visualise même le canapé où on a posé ses fesses, mais jamais du moment où on a levé ces mêmes fesses pour repartir.
Toujours est-il que quand j'ai poussé la porte métallique qui étouffait les basses de cette "musique de sauvages" je me suis sentie en terrain hostile.
On me jetait des coups d'œil en coin. J'ai néanmoins claqué la bise à quelques personnes qui se souvenaient de moi, me contentant d'un "salut ! ça va et toi ?". Mal à l'aise parmi des gens que je n'avais pas vus depuis au moins deux ans, et qui commençaient tous leur première phrase par "tiens, t'as coupé les cheveux !".
Oui, j'ai coupé les cheveux, j'ai un boulot à vie, j'me suis rangée les gars.

Soudain, une fille avec une doudoune fuchsia m'agrippe le bras avec un grand sourire "Salut, tu te souviens de moi ?" Non je ne me souviens absolument pas d'elle. Je le lui avoue piteusement. Elle me dit être une amie de Machin et Chose mais je ne la remets pas, ce qui n'est pas bien grave. Il faut dire que quand j'étais avec N. j'ai du faire un gros effort pour mémoriser d'un coup des dizaines de prénoms, et vu le contexte souvent alcoolisé ce n'était pas chose évidente.
Après de longues minutes de solitude, je me décide à m'approcher de S. pour lui faire la bise. Toujours aussi décharné, ses traits sont tirés, et les rides de son visage semblent encore plus marquées que "jadis". A le voir sous cet éclairage ingrat, on lui donnerait facilement dix ans de plus. C'est marrant mais je n'avais pas l'impression qu'il avait l'air si vieux...
Au bar, je connais le type qui me sert ma bière. Il me dit, tout en surveillant la mousse "on s'est déjà vus quelque part". Je confirme, juste avant qu'il ne retrouve mon prénom. C'est marrant mais à l'époque, il parait que ce type m'adorait, je n'ai jamais compris pourquoi. La première fois qu'on nous avait présentés et que nous avions échangé quelques paroles, je lui avais fait extrêmement bonne impression, et il était surexcité les rares fois où l'on se croisait. C'est drôle que je sois passée de ce statut d'idole à celui de la fille qu'on a déjà dû croiser quelque part.
A part ça, je suis seule, on ne s'approche pas de moi, d'ailleurs on s'en fout de moi. Je prends alors conscience que si tous ces gens voulaient bien me parler, c'est parce que j'étais "la nouvelle copine de". Un temps, j'ai voulu croire qu'on avait certaines choses en commun, mais maintenant j'ai compris qu'en fait je n'étais qu'une pièce rapportée.
Enfin, une de ses exs qui à l'époque semblait me vouer un mépris indécrottable s'approche de moi pour me faire la bise. Charmante, elle demande de mes nouvelles, s'enquiert de ce que je deviens. Je lui raconte un bout de ma vie et elle m'écoute gentiment.
Enfin quelqu'un qui semble ne plus avoir de rancœur. C'est que nous avons un point commun maintenant : nous faisons toutes deux partie du passé.


dimanche 21 décembre 2008

Bientôt Nouvel an

Ça fait maintenant un peu plus d'un an que j'ai commencé ce blog. Et voilà que le temps des bilans arrive... avec Nouvel an.
Je me souviens que l'année dernière, à la même époque, je me posais aussi la question du bilan. J'en parlais d'ailleurs avec L. dans ce fameux bar où il y a mon prénom sur un mur (si si je vous assure, c'est vrai). J'évoquais le Nouvel an, et nous avons entamé toute une conversation debout en attendant que de la place se libère. Je lui expliquais que je n'aime pas le 31 car je n'aime pas me sentir obligée de faire la fête. Je supporte mal devoir faire semblant de m'amuser.
Et en plus je me sens contrainte de me bourrer la gueule pour me détendre.
J'ai de très mauvais souvenirs de Nouvel an. Cette période représente un stress pour moi, le fait de devoir s'incruster à une fête de peur de passer la soirée chez ses parents à regarder un film et se coucher à 23h.

C'est aussi à cette occasion que j'ai trouvé les mots pour raconter à L. cet étrange sentiment que j'avais de me sentir en dehors de tout ça, de ne pouvoir m'empêcher d'adopter un regard extérieur et distant, comme si je planais au-dessus de la foule :
il m'arrive de me sentir soudain comme une étrangère. Alors je m'enferme dans le silence, et mes pensées défilent à toute allure, et j'ai envie d'être devant mon ordinateur et de l'écrire sur mon blog parce que ça sonne vachement bien.
Tandis que je déballais tout ça, je me suis sentie libérée, c'était la première fois que je trouvais une oreille attentive et qui avait l'air de me comprendre. Je m'accrochais à lui comme à une bouée de sauvetage. A chaque fois que L. et moi retournions dans ce bar, j'étais étrangement bien .
Avec le recul, je crois que nous ne nous aimions pas, nous aimions juste ce bar, nous aimions ces murs avec mon prénom dessus.

Nouvel an 2008... Quelques jours après, je me baladais dans les rues avec une fille, j'avais une bouteille de champagne à la main, et elle essayait de me convaincre de rester dormir chez elle. J'étais heureuse parce que cette fille m'invitait à des soirées avec des gens cools. J'aime côtoyer des gens cools et même si au final je ne les connais jamais vraiment, je me contente d'avoir l'honneur de les reconnaître et saluer. Pendant quelques semaines j'ai ainsi fait la connaissance de beaucoup de nouvelles têtes, puis la fille est partie
dans le sud de la France recommencer ses études et je suis retournée me cacher dans ma tanière, loin des gens cools.

Que dire de 2008 de toute façon ? On aimerait tous plus ou moins avoir une vie extraordinaire et finalement on se contente de ce que l'on a. Cette année, la mienne a essentiellement consisté à raconter ma vie à qui voulait bien m'écouter, un verre à moitié vide en main, creusant des cernes sous mes yeux.

mardi 16 décembre 2008

bibelot

Mais c'est qu'il devient prévoyant, le coco : il ne sort plus qu'avec sa chère et tendre. Ça doit être le seul moyen qu'il a trouvé de ne pas céder à la tentation, une façon de prendre les devants depuis qu'il m'a confié être attiré par moi. Alors plutôt que de me fuir, il se met des menottes. Plus de tête à tête alcoolisés, rares instants de liberté où il pouvait oublier ses engagements, et se laisser aller à des confidences. Il ne s'autorise plus le doute, il est allé trop loin.
Assis entre nous deux, il tient la main de sa chérie mais passe une bonne partie de la soirée à discuter avec moi. J'aime cette situation, c'est mon côté sadique.
C'est marrant mais j'ai souvent l'impression d'être un accessoire. Une sorte de bibelot vaguement convoité, que certains aimeraient louer et poser sur un coin d'étagère pour faire joli, l'avoir sous les yeux et pouvoir utiliser quand bon leur semble. J'ai déjà été utilisée comme oreiller, comme mouchoir, on a voulu m'emprunter, me voler, on a voulu déjeuner en ma présence pour me montrer, on a même voulu me payer. Récemment un barbu a voulu me kidnapper pour m'empêcher de prendre la voiture après toutes les bières à 8° que j'avais commandées.
Et au lieu de suivre les bons conseils du barbu, je me suis une fois de plus échappée dans la rue, seule dans le froid avec mes mitaines fabriquée à partir de vieux gants et d'une paire de ciseaux. J'ai erré un moment tel le petit papillon de nuit à la recherche d'un peu de lumière, pas encore d'humeur à rentrer. Et là j'ai atterri devant ce que j'appellerais une boite à deux balles pour bobos de droit ou HEC. Des filles toutes habillées pareil, et des mecs tous habillés pareil qui fumaient sur le trottoir. Je me suis arrêtée un instant, faisant semblant d'attendre quelqu'un qui ne venait pas, pour écouter leur conversation. On parlait de crise financière en riant.
Et soudain j'ai eu une envie viscérale de jouer les vrais bibelots, de me mêler à ces gens dont le milieu est à l'opposé du mien, rien que pour voir comment ça fait d'être puant. J'avais envie de jouer un rôle, d'échanger la bière contre le Martini, de renier Interpol pour David Guetta, le temps d'une soirée.
Mais il aurait d'abord fallu que je changeasse de chaussures...

mercredi 3 décembre 2008

les humeurs

Comment ça j'ai "la veine molle" ?! Mais je ne vous permets pas de porter un jugement sur mes veines, madame ! Et d'abord elles sont en pleine forme !
Quand je vois mon sang pourpre couler dans le tuyau, ça me fait penser au vin chaud que j'ai goulument lampé deux heures plus tôt... les quartiers d'orange en moins. Tiens, c'est peut-être à cause de ça que j'ai la "veine molle", va savoir.
Sauf qu'en ce moment, ça me plait assez de ramollir mes veines et mon cerveau par la même occasion. Je suis trop à bloc tout le temps, trop préoccupée parce que je ne sais pas m'organiser et que je fais tout à l'arrache. J'adore traverser la ville dans un drôle d'état. Immédiatement, les mots me viennent, comme tout le monde, j'ai l'impression d'être poète un court instant, de ressentir les choses différemment. Toujours avec un regard narquois et ironique, mais apaisé.
J'aime me sentir douce, comme passée à la pierre ponce, moi qui d'habitude suis si rêche, qui agresse mon entourage, impatiente et intransigeante, impitoyable, infernale enfin. Pouvoir m'émerveiller de rien mais rire de tout, regarder le ciel avec de grands yeux innocents. Juste relativiser, ne plus penser à mon exil futur dans des contrées froides et hostiles (genre les Ardennes...).
Quand mes veines sont enfin molles, j'ai une irrésistible envie de rouler une pelle à la vie.
Je m'étais pourtant juré de ne jamais ressentir le "besoin" de me vider la tête. Je ne sais que trop bien jusqu'où ça peut mener. Et je sais que la pente a beau être douce, ça n'en reste pas moins une pente.
Ah bien, la poche est pleine, je peux repartir. Aujourd'hui j'ai partagé un peu de mon sang, un peu de ma vie, un peu de mes très
passagères bonnes humeurs.