mercredi 29 octobre 2008

A Paris

Et toujours cette eau qui ruisselle dans le caniveau. Où qu'on marche dans Paris, j'ai remarqué que les bouches d'égout vomissent de l'eau qui finit toujours par couler à flots dans les rues. Il ne pleut pas particulièrement, pourtant il y a toujours de l'eau qui dévale le long des trottoirs sans qu'on sache trop d'où elle vient. C'est comme les tickets de métro par terre, on dirait que la seule végétation qui pousse comme rien sur le bitume c'est des tickets de métro usagés. Et F. qui râle toujours, elle ne sait faire que ça, se plaindre et ronchonner. Emmitouflée dans ma parka molletonnée bien chaude, je commence à avoir des doutes quant à l'étanchéité de mes chaussures, subissant déjà les désagréables conséquences de la remontée par capillarité de l'eau du caniveau le long de mon pantalon. Et pourtant on n'a à peine honte, ma parka énorme et moi, bien que faisant tache au milieu des bobos parisiens branchés. Je n'avais encore jamais réalisé à quel point les bottes-collants-veste courte en laine-queue de cheval-frange en diagonale étaient à la mode cette année. Alors je suis peut-être totalement ringarde avec mon pantalon au-dessus de mes chaussures et ma parka-bibendum, mais au moins ça tient chaud...
F. est malade, pourtant on arpente toujours les rues dans le froid à la recherche d'un endroit où se poser bar dessus-bras dessous. Enfin, on retrouve son copain devant l'Opéra et on marche jusqu'aux Halles ; eux main dans la main, moi mains dans le froid. Je commence à en avoir assez de perpétuellement tenir la chandelle, ras le bol du déguisement de cowboy solitaire qui me colle à la peau.
F. tousse et moi j'éternue. On me souhaite, merci. En général, après "à tes souhaits" vient "à tes amours" mais je n'éternue jamais deux fois de suite.


samedi 25 octobre 2008

toujours seule

Comme dans un film, deux femmes se croisent dans le tram, l'une reconnaît l'autre et lui adresse la parole : quatorze ans auparavant elles étaient dans la même classe, préparant toutes deux un BEP quelconque. Maintenant l'une est mariée et a deux enfants (8 et 5 ans) ; l'autre non, rien. La femme mariée finit par quitter le transport en commun, laissant son ancienne camarade un sourire poli aux lèvres. Ce sourire s'estompe à mesure que le tram prend de la vitesse, et à présent elle regarde dans le vide. Moi aussi, car je me demande quel effet ça doit faire d'avoir un mari et des enfants. Je repense à une phrase lue un jour dans le manga dont j'étais fan ado (oui j'avoue j'étais fan de Nana, ne vous moquez pas....) qui disait à peu près "à force de faire la fière tu finiras seule". Mais qui voudrait d'une fille qui en pleine rue hurle "raaaah putain de bordel de merde fait chier !!" quand elle trébuche sur un pavé ?
Tout m'énerve en ce moment, à commencer par cette même litanie, ces "Strasbourg, ici Strasbourg, le TER numéro 96 843 en pro
venance de ......" qui bourdonne dans mes oreilles, et résonne lorsque je passe sous la verrière. A cet instant, la voix enchaîne généralement en Anglais et quand vient l'Allemand, je quitte la gare. Là, je suis agressée par le vent froid et les "ROUGE PIETONS ....... ROUGE PIETONS" du passage protégé (les gens qui connaissent la gare de Strasbourg voient de quoi je veux parler). Je trouve ça d'une ironie monstrueuse : on aide les aveugles à traverser, mais on les largue ensuite dans une gare avec 8 quais, et là personne pour leur lire les panneaux et les horaires de départ des trains.
Avec la fièvre et la fatigue, le matin je ne sais j
amais dans quel lit je me trouve, dans quelle maison j'ai passé la nuit, dans quelle ville je suis entre Strasbourg et Saint-Louis. Une chose est sûre : je suis toujours seule. Et je suis toujours en train de squatter chez quelqu'un.
Hier j'ai pourtant fait une tentative d'approche auprès de Monsieur "de toute façon je n'ai pas d'attaches ici". Manque de bol, j'avais oublié qu'avec mon début de bronchite j'étais sous traitement Exomuc. Ils auraient quand même pu rajouter dans les
Contre-indications / Précautions d'emploi : ne pas prendre en cas de rencard avec un mec : celui-ci pourrait finir par être dégoûté de vous voir évacuer en masse vos sécrétions nasales et bronchiques.

Et en
plus il pleut.

mardi 21 octobre 2008

la pédagogie

La pédagogie, ou comment braquer une dizaine d'élèves en leur balançant, tremblante de fureur, le contrôle qui était prévu seulement 4 jours plus tard.
Mai 68 dans la salle E01 les amis !
Des petits péteux qui croient encore à la révolution, à l'esprit de solidarité ("personne n'écrit rien !") comme moi-même j'ai tenté d'y croire il y a de ça quelques années. Mais il y aura toujours des personnes qui sauront les réponses et auront peur d'avoir un zéro. C'est facile de ne rien écrire "par principe" lorsqu'on ne sait rien.
Encore un peu et ils taguaient "No pasaran" sur mes murs parce qu'ils font face à un contrôle surprise.

La pédagogie, ou comment essuyer un vent de fureur qui souffle dans la E01. Les bras croisés il faut subir des "Madame vous n'avez pas le droit" "c'est n'importe quoi" "de toute façon on n'a rien révisé, on aura tous zéro" "Madame vous pouvez pas faire ça", les "Sérieux, il faut faire quelque chose, on ne va pas la laisser faire ça !"
Et au bout d'un moment la tornade semble passer, certains se penchent quand même sur le sujet. Mais ce n'est que l'oeil du cyclone, avant que certaines filles se retournent ostensiblement pour se communiquer les réponses, m'ignorant totalement. Tenir bon, faire face et ne rien lâcher, bouillir intérieurement mais garder son sang froid... Avoir envie de claquer une fille insolente, de lui faire bouffer son piercing, de l'électrocuter et de lui verser de l'acide sulfurique concentré sur les cheveux... C'est un combat psychologique qui se mène dans la E01. Des regards noirs, du mépris, du dégoût.
La pédagogie, ou comment ne pas baisser les yeux alors qu'on peut lire "la salope" dans tous les yeux des élèves. Ne pas rire lorsque certains me sortent "si on rate notre brevet on saura à cause de qui !"
La pédagogie, ou avoir les couilles de mettre une heure de colle au bon moment à un élève qui dépasse les bornes;
La pédagogie, ou avoir le sentiment que la situation peut s'envenimer au point de déraper à tout moment.
La pédagogie, ou à la fin faire une leçon de morale à 29 élèves basée sur leur "manque de respect" à mon égard.
La pédagogie, ou ne pas s'écrouler lorsqu'à la question "alors est-ce que oui ou non vous acceptez de faire un effort et de vous tenir correctement à partir de maintenant ?" le plus effronté répond "non !" suivi par une majorité de petits péteux bourgeois qui sont persuadés que les profs sont à leur service et sont dans l'obligation de leur donner des notes excellentes sans qu'ils aient à fournir le moindre effort, tout ça parce qu'à la maison ce sont les rois, que leur maman leur donne toujours raison et que par tradition ils ont une haine du corps enseignant.
La pédagogie, ou monter à leur place les chaises sur leur tables quelques minutes après que, furieux, ils se sont élancés dehors pile à la sonnerie...

samedi 11 octobre 2008

Blanc et rouge

Eh merde, qu'est-ce que je fais encore chez moi ? Je devrais plutôt être dans une salle où il fait noir, avec du son trop fort qui me rendra sourde avant l'âge.
Un martini, aucun effet. Un deuxième martini, blanc, rouge, blanc, rouge, j'essaye au moins de trouver un équilibre quelque part.
L'autre matin, je me suis assise en face d'un beau gosse dans le bus. Le genre de mec chemise blanche sous pull gris, godasses légèrement pointues, cheveux bruns trop longs, teint hâlé. Je me dis que j'adorerais lui apporter un café le matin.
Je ne sais même pas pourquoi je pense à ça, mais c'est tout ce qui m'est venu à l'esprit. Quelques secondes après, je réalise que c'est pitoyable, cette histoire de café. Ça me fait sourire. En sortant du bus, j'ai presque envie de le suivre, je m'imagine lui courant après, une cafetière à la main et oublie l'idée. Je poursuis ma route vers le deuxième transport en commun. En une journée il m'arrive de me taper 2h30 de transports en commun entre bus, train, tram...
C'est paradoxal mais j'ai l'impression de ne plus trop exister. Je ne parle plus à beaucoup de gens, je rigole beaucoup moins dans une journée. Je suis souvent préoccupée. La rencontre avec les gens me manque. Et en plus, comme je me laisse à nouveau pousser les cheveux j'ai une coupe de merde. Je me suis fait une raison : je n'aurai jamais de crête rouge.
De toute façon, c'est bon, c'est plus la peine de rêver. Moi qui croyais être "originale" ou tout au moins un peu plus originale que mes deux sœurs-chiantes-et-conventionnelles je dois bien admettre que je suis tout aussi chiante qu'elles. Le petit vent de révolte qui avait soufflé un temps est à présent essoufflé. Ou c'est qu'elle est, ma bouteille de Martini ? J'en étais au rouge ou au blanc ? Chais plus.
Ah oui, je sais, je suis quand même plus originale qu'elles, parce que moi je picole.
Tu parles d'une "créative" comme disait ma mère. "Tu devrais écrire, je l'ai toujours dit". Hahaha... Bonne qu'à rêvasser dans son coin sans rien faire, ouais.
Putain, je me fais honte, aucune initiative, que dalle. Le vide intersidéral. Avec ma nouvelle belle éraflure sur le ventre. Maintenant il y a une croûte mais ça ne pique plus.
En ce moment je dors bien. La "fatigue saine" comme disait S. la dernière fois que je l'ai croisé au bar. Qu'est-ce qu'il en connait de ce qui est sain, lui ?!
Tout ça, ça fait chier, je vais me coucher pour oublier, tiens. Bonne nuit mes amis blanc et rouge.


mardi 7 octobre 2008

transformation


Alors c'est ça qu'on appelle le stress ?
Ce métier qui me colle à la peau, une vraie saloperie. "On a du mal à s'en débarrasser, on met du temps à déconnecter le soir, einh ?" me disait Guy en me ramenant à la gare hier soir.
Le matin quand je me lève, je me dis qu'il faut absolument que je pense à dire aux 5èA que je ramasserai leur classeur la fois prochaine. Quand je me couche, je pense que j'ai encore oublié de vérifier les signatures sur les contrôles des 4èD. Dans la journée, je suis rongée par l'angoisse d'avoir déjà trois semaines de retard sur ma progression en 4è, et je me demande comment diable je vais bien pouvoir accélérer sans en paumer les 3/4 au passage. A midi, je m'en veux d'avoir encore crié sur Filip sans lui avoir donné de punition. Je passe mon temps à ressasser, à focaliser sur mes erreurs jusqu'à en avoir la nausée.
Quelques fois je reste dans l'embrasure de la porte, adossée au chambranle les bras croisés, rêveuse, et je contemple le flot d'adolescents qui dans ce contexte particulier portent chacun le même nom "d'élève". Toute cette vie qui grouille de partout dans le couloir. Lorsque j'en reconnais certains, ça me fait plaisir parce que ce sont "mes" élèves. D'ailleurs quelque part je les aime tous, même les plus pénibles. Je souris quand je les vois rouler des mécaniques, des fois il m'arrive même d'en trouver l'un ou l'autre craquant.
Alors je les regarde évoluer avec bienveillance en cachette, jusqu'à ce que "ma" classe soit au complet, en tas comme il se doit devant "ma" salle. La sonnerie a déjà retenti depuis cinq bonnes minutes mais je gagne un peu de temps, encore un peu de paix, avant de me redresser puis j'avance vers eux et leur dis "allez, rangez-vous !" avant d'ajouter "vous pouvez rentrer".
Je ferme la porte et me transforme.