mardi 28 avril 2009

Un disque RW

J'ai la neuvième symphonie de Beethoven qui me trotte dans la tête. Cet air m'obsède et j'ai envie de passer à autre chose. Alors je joue un morceau très fort sur ma chaîne hifi pour chasser Ludwig van de ma tête. Une autre chanson prend la place de la première. Et c'est toujours ainsi. J'empile les couches de musique dans ma tête. Je réinscris. Mon cerveau est un disque RW.

Il en est de même pour les situations gênantes. Je rejoue tellement le sénario dans ma tête que j'en arrive à ne plus distinguer le vrai de l'imaginaire. Ai-je vraiment vomi dans les narcisses ou est-ce encore un fantasme ? Est-ce que je connais réellement ces gens, ou est-ce à force d'élaborer des centaines de conversations avec eux que j'en suis arrivée à cette familiarité ? Je ne suis pas "folle" tu sais, peut-être un peu, euh, frustrée... Je n'ai
simplement pas évolué depuis le temps où j'avais des amis imaginaires en cinquième. En fait non, pas imaginaire, bien réels mais à qui je ne parlais pas. Toujours fascinée par la "cool attitude" tel un papillon de nuit attiré par la lumière artificielle d'un spot jusqu'à s'y cramer le bout des antennes. J'écris et réécris mon histoire jusqu'à en avoir une version potable.
Heureusement que mon cerveau est réinscriptible ! J'espère juste qu'il conserve mes brouillons quelque part...

jeudi 9 avril 2009

Des amis et une planche de bois

Mais arrêtez d'essayer de me consoler ! Ne me dites pas ce que je veux entendre. D'ailleurs je ne veux rien entendre. Il n'y a rien à dire. J'allais bien finir par partir. Ce qui me réconforte, c'est que mes amis ne sont pas faux-culs : avec eux pas de "on s'appellera" ni "on se fera des week-ends à Paris". Ils n'y font pas allusion, et profitent du fait que je sois encore dans le coin pour me voir. Ils sont contents, et se contenteront des fois où je serai dans le coin.
En voulant rattraper son billet de 20 € balayé de la table par une bourrasque, F. m'asperge d'une bonne partie de sa bière rouge et poisseuse parfumée à la cerise. Le liquide collant coule le long de la table pour s'engouffrer dans mon sac à main et imbiber mon porte-monnaie mais je ne m'en rendrai compte qu'en rentrant chez moi. Pour l'instant je profite du soleil et je suis sereine car heureuse de voir mon amie. Je puerai la bière dans tout le cinéma mais j'ai déjà vécu pire.


J'ai connu une fille que je n'oublierai jamais car c'était mon modèle absolu de la cool-attitude (indépendante, sensuelle, naturelle, fort caractère, inaccessible etc...) Cette fille n'avait pas de point d'attache, elle pouvait déménager presque du jour au lendemain selon son envie et les boulots qu'elle dénichait ici ou là. Lorsque je l'ai rencontrée pour la première fois, sûrement déjà un peu pétée, cette fille m'a garanti que je ressemblais terriblement à sa cousine, et nous avons donc commencé à nous appeler mutuellement "cousine". Je passe sur le fait que cette fille me fascinait, et que j'enviais sa spontanéité, son aura naturelle blablabla moi qui suis si terne blablablabla. Bref, cette fille trimballait dans ses affaires une planche de bois, à peu près 1m sur 50 cm, sur laquelle figuraient des petits mots des différents amis ou relations qu'elle s'est faits à travers ses voyages.
Moi-même, le cerveau complètement chamboulé par les différents produits que j'avais bus, fumés et surtout snifés chez elle une nuit d'hiver, j'y ai apposé ma signature précédée d'une déclaration d'amour.
C'est ainsi que j'ai, pour la première fois de ma vie, osé exprimer mes sentiments. Et il a fallu que ce soit sous la forme d'un pâté ressemblant à un "Je t'aime, cousine !" sur une planche en bois, et sous l'effet d'un taux anormalement élevé de sérotonine et de dopamine dans le corps. J'ai dû écrire ces mots vers 4h du matin. A midi, la honte m'avait déjà envahie. Heureusement, la fille idéale n'y a jamais fait allusion par la suite. D'ailleurs elle n'a pas tardé à se barrer de la ville, presque sans prévenir, emportant certainement la fameuse planche dans ses affaires.

Cette idée de planche m'est restée, et bien que je n'aie l'intention de ne m'installer que 500 km plus à l'ouest, j'ai bien envie de faire de même, demander à mes amis et connaissances de signer sur un bout de bois... Je la poserai dans un coin de mon minuscule appart, les gens qui passeront chez moi la regarderont, et peut-être qu'un jour l'un d'entre eux sera assez désinhibé pour y graver une déclaration d'amour dont il aura honte quelques heures après. Et je serais heureuse.

samedi 4 avril 2009

Grandir

Alors c'est ça grandir ? C'est tenir un verre de vin blanc dans une main, une part de Kougelhopf délicatement posé sur une petite serviette en papier pour ne pas faire de miettes dans l'autre, et discuter de sa grossesse et de son accouchement, détails techniques à l'appui, avec d'autres femmes ? Si tel est le cas, je crois que je ne suis pas encore prête. Et pourtant, c'est au milieu de ces femmes que je me suis retrouvée coincée hier, verre de vin blanc trop sucré de rigueur après le conseil d'administration. De toute façon je n'avais pas le choix, c'était les femmes ou le principal du collège. J'ai regretté mon choix quand elles ont commencé à parler de leurs vergetures "J'te jure, j'ai éclaté comme un pop-corn, j'avais des vergetures qui apparaissaient de partout !" et de se lancer dans des bruits de pop-corn qui éclate.
J'aurais préféré une bière. J'aurais préféré être ailleurs. J'aurais préféré ne pas revivre la palpitante évolution de la dilatation de leur col de l'utérus.

La veille, j'étais à un concert et j'ai encore ressenti le besoin vital de me marier avec le chanteur. De cette expérience aussi j'en ai déduit que je n'étais pas encore prête pour grandir...
La semaine dernière j'en ai aussi profité pour revoir des potes. Des soirées comme je les aime : à quinze au 17è étage d'un appart à proximité de la fac, je parle à peine à la moitié des gens mais je les aime tous. C'est con mais j'arrête pas de me dire "il n'a pas changé", comme si ça faisait dix ans que je ne les avais pas vus. Juste dix mois... Et d'ailleurs je ne vois pas pourquoi ils changeraient.
E. par
le toujours de politique, et finit la soirée en critiquant le patronat, J. commence très vite à picoler, puis à être câlin avec une fille quelconque, avant de finir la soirée chagrin à boire du café dans la cuisine et à nous expliquer combien il est amoureux de sa copine qui est parfaite. Il y a ensuite toujours un petit groupe qui se met à part pour faire de la psychologie de comptoir, genre "comment sait-on si on est amoureux" et je ne peux jamais m'empêcher d'y fourrer mon nez et attendre le bon moment pour faire une remarque cynique et méprisante.
Ma
is la vérité c'est que j'ai un cœur de pierre. Et pourtant j'étais contente de les voir. J'étais tellement contente que mon verre se remplissait constamment. Je les aime, ces étudiants qui vieillissent avec le bon vin. Je n'aurais pas voulu que la soirée se termine, je n'aurais pas voulu rentrer chez moi. Ici ce ne sont pas des miettes de Kougelhopf, mais de la cendre et de la bière qu'on risque de mettre par terre. Et on n'a pas de serviette en papier mais de l'essuie-tout. On met la musique tirée de Deezer trop fort. On est quinze dans un petit appart et on refait le monde.

Pour me remonter le moral, je pense à ces soirées, et je sirote mon vin blanc. Le monde dans lequel ces femmes vivent me semble bien étranger et bien lointain du mien. Le seul point commun : quand j'estime avoir assez picolé, je me casse. Sans dire au revoir à personne.