samedi 29 novembre 2008

folk et électro

La tête contre la vitre froide du bus, je déchiffre, mélancolique, des chiffres lumineux 26/11/2008 20:35. Les caractères tremblotent sous les vibrations de la carcasse du bus à l'arrêt, à moins que ce ne soit une fois de plus sous l'effet des quelques bières que je me suis enfilées en un temps record avant de courir jusqu'à mon arrêt.
Une blonde est assise non loin en diagonale. Elle s'emploie à engloutir un hamburger sans pour autant saccager son rouge à lèvres, tâche ambitieuse que je ne peux qu'admirer.
"En tout cas, ça m'a fait très plaisir de te voir" ai-je coassé au téléphone tout à l'heure. Phrase que je n'ai fait qu'imiter, car entendue de la part de mon interlocutrice quelques minutes plus tôt.
La blonde me jette à présent des coups d'œil, tandis que je fixe la bande d'arrêt d'urgence de l'autoroute. Blanc-noir-blanc-noir.
Et Matt Elliott crie dans mes oreilles. Matt Elliott, putain ! Mon héros. Cet homme parfait que j'ai vu pour la deuxième fois en concert quelques jours plus tôt. Le genre de mec, lorsque je l'entends jouer, je me dis "lui il a compris quelque chose". A la fin du concert, je voulais lui faire dédicacer mon album. Tout le monde avait quitté la galerie d'art dans laquelle il a joué, et lui-même était en train de ranger son matériel. Timide et (très) impressionnable comme je suis, j'ai passé cinq bonnes minutes à faire semblant d'être captivée par les photos trônant sur les murs de cette galerie d'art avant d'oser m'approcher du "Maître". Après avoir commandé plusieurs bières, connaissant à présent les moindres détails des monochromes exposés, j'ai enfin trouvé le courage de lui parler.
Au final, je crois que ça lui a fait très plaisir. Cette nuit-là, à mon grand bonheur, j'ai rêvé de lui : Matt Elliott à la piscine, nageant le dos crawlé...
Ca fait quelques années qu'il me fascine. D'ailleurs N. en était jaloux. Lui qui aurait tant aimé que je sois une de ses fans. Que j'aime SA musique à lui. Mais j'ai toujours émis une réserve, n'osant porter un jugement de ma propre initiative, ou me contenant d'un "ouais, c'est chouette" les rares fois où il me soumettait un extrait de ses morceaux.
Parachutée dans son monde électro, je hochais la tête en rythme comme le faisaient ses amis qui avaient l'air d'apprécier. Au bout d'un moment, trop saoule pour être critique, je me laissais moi aussi bercer par le bruit ambiant.
Le sol collait à mes chaussures, avant de coller à mes fesses. De cette période comme de cette musique, je ne me souviens de presque rien, sauf de bruits sourds et de l'impression que mon cerveau dansait la carmagnole. De cette période où quand on me disait "hey, t'as déjà vu [...] en concert ?" j'étais incapable de trancher : "Peut-être..."
J'aime Matt Elliott parce qu'il mêle sans complexe la folk la plus mélancolique à l'électro parfois bruyante. Et que la rencontre de ces deux univers a priori opposés me rappelle vaguement quelque chose : une alchimie complexe dont lui seul est capable de tirer du bon.



samedi 15 novembre 2008

Plus rien à dire

Le moment que je craignais est arrivé : je crois que je n'ai plus rien à dire.

Il fallait bien que cela arrive un jour. Ça me fait penser à un jeune-homme que j'ai croisé une seconde il y a des années puis dont j'ai retrouvé la trace par hasard sur Internet, et avec qui j'ai brièvement lié une amitié virtuelle. Un jeune-homme qui, quand je l'avais croisé à ce festival, m'avait fasciné par son look et son appareil photo. Je l'ai tout de suite repéré dans la foule, son corps chétif, son allure maladive avait attiré mon attention. Il avait à l'époque le crâne presque rasé. J'essayais de me rapprocher discrètement de lui mais il ne m'a pas remarquée, l'œil vissé à son appareil photo. Même lorsqu'à force de le coller, il m'a un peu bousculée en reculant et que je lui ai légèrement marché sur le pied, il n'a pas quitté la scène des yeux à travers son objectif.
Des mois plus tard, je naviguais sur la toile quand je suis tombée pour la première fois sur la page "myspace" du jeune-homme. Aucun doute : c'était bien lui, je l'ai tout de suite reconnu malgré la crête qu'il avait à l'époque de ses photos. Prenant mon courage à deux mains, et risquant le ridicule, je l'ai contacté et lui ai écrit que je m'excusais de lui avoir marché sur le pied la première et dernière fois qu'on s'est croisés.
Par chance, le jeune-homme est spirituel et assez ouvert pour s'amuser de ce genre de messages. On a donc échangé nos adresses mail puis MSN et des mois durant, avons correspondu régulièrement.
Le jeune-homme m'a initiée à myspace. Il tenait également un blog que je consultais régulièrement. Il écrivait avec un français impeccable et un esprit que j'appréciais beaucoup.
Le jeune-homme est obsédé par la musique, c'est lui qui m'a fait connaitre certaines choses bien curieuses et originales, je l'en remercie.
J'ai donc appris à le découvrir via le virtuel. J'aimais son côté artiste refoulé et souffreteux qui pense trop. Pour la première fois, j'ai rencontré quelqu'un qui se lasse bien plus vite que moi de toutes les choses nouvelles. Nous partagions la même tendance à l'obsession pour des choses dont nous nous lassions quelques temps plus tard, nous partagions la même incapacité à nourrir des sentiments durables pour quelqu'un.
Mais aussi pour la première fois j'en ai moi-même fait les frais car battue sur mon propre terrain, il s'est lassé de moi avant que je ne me lasse de lui. Il s'est aussi lassé de sa page myspace, puis s'est lassé de MSN, puis enfin, s'est lassé de son blog. Il a usé de la touche "Suppr" comme moi j'avais brûlé mes propres journaux intimes d'adolescente.
J'ai donc perdu sa trace. Il s'est évaporé quelque part dans la nature, aussi naturellement qu'il m'était apparu. Quelque part c'est mieux. Ça m'évite de me faire des films. Sauf que j'aime me faire des films, ça occupe l'esprit.

Mais c'est à mon tour de me lasser.
J'aimerais avoir des choses nouvelles à raconter, des choses originales, des choses drôles, mais non, je tourne toujours en rond. Quelque chose s'est brisé.

Et pourtant, j'aime aussi certaines habitudes.
J'aime toujours autant sortir avec L. et boire des coups, boire des coups à sentir tous les muscles de mon visage, avoir l'impression que mes traits sont tirés, mais peut-être le sont-ils, figés dans le rictus béat qu'affiche le visage des filles qui boivent trop. Je me dis comme d'habitude. Une soirée avec L. qui ressemble à une soirée avec L.
Une soirée à boire et à parler, moi avec ma retenue maladive, lui avec sa franchise déroutante. Je me dis encore une soirée où je vais rentrer je ne sais comment en bagnole, avalant la route comme j'ai avalé tout cet alcool : avec une assurance et une habitude dangereuses. Une soirée où une fois dans mon lit je me dirais mais merde, on est fait pour être ensemble, mais merde, qu'est-ce que je fais, il est trop vieux merde, mais pourtant c'est avec lui que je m'entends le mieux. Et je me dis que peut-être lui aussi aura un doute, mais qu'en faisant l'amour à sa copine il ne pensera plus à tout ça. Il ne pensera plus à moi, il m'aura effacée.

Alors quitte à être effacée, autant m'effacer moi-même.