vendredi 18 décembre 2009

Solstice d'hiver

Mes journées se confondent avec mes nuits. Avec le solstice d'hiver qui arrive, la durée d'ensoleillement qui est à son minimum, la nuit domine sur le jour. Et avec la fatigue et le stress et l'alcool et les jeux vidéos tout cela ne s'arrange guère. Mes journées passées les volets baissés me font penser à la vie parallèle dans le métro.
Dans le métro j'ai l'impression d'entrer dans un espace hors du temps. Qu'il soit 6h du matin, 15h ou 1h du matin il y a toujours des gens, il y a toujours des clodos, il y a toujours du bruit et de la lumière. L'espace se réduit à deux dimensions : des lignes qui zigzaguent sur un plan, l'heure n'existe plus, le temps se réduit à des intervalles de 7 minutes. Et quand on sort rien n'est pareil. Soit on a l'impression qu'il fait plus froid, soit la nuit est tombée entre temps, ou alors le jour s'est levé, ou simplement le paysage a changé, les gens dans la rue n'ont pas le même style.

Bref, tout cela se mélange. Dans mes rêves je suis amoureuse, dans la vie je suis concupiscen
te. Dans la vie je tue des gens dans mes jeux vidéos, dans mes nuits je hurle sur mes élèves. Je ne sais plus vraiment ce que je fais et ce à quoi je rêve.
L. passe fugitivement par Paris, il me manque mais pas au point de lui courir après. Il a raté un train, reste quelques heures, cherche un hôtel, me prévient à l'arrache mais à quoi bon.
Mon jeu vidéo est décidément
glauque. Des drogués en manque recroquevillés, un type sataniste... En fait ça m'est vaguement familier. Comme je descends des bouteilles en même temps que des méchants tout cela se trouble un peu dans ma cervelle ramollie. Un collègue est sadique avec les élèves mais en même temps il possède beaucoup d'humour. Il m'a scotché un mot doux sur mon casier "Je t'ai démonté Léa, elle ne devrait plus te faire chier. N'hésite pas à la pourrir cette connasse" J'aime les sadiques. En fait je comprends mon ex qui avait été démoralisé lorsqu'à la question "Pourquoi tu es avec moi ?" je lui avais répondu "Ben... t'es gentil" Et je me suis rendue compte que je n'aime pas les trop gentils. Je ne cherche pas forcément à ce qu'on me passe tout, qu'on me chouchoute. Je sais assez me chouchouter toute seule.

Mes journées étant très denses en événements et riches en émotions, le temps passe à 200 à l'heure. Puis comme dans un cauchemar, je perds mon téléphone portable, la fatigue et la nuit me jouent des tours. Je ne sais plus quel jour on est lorsque mon ordinateur attrape un virus. Entre deux verres je tente tout pour le supprimer mais mon antivirus s'affole, mon cœur aussi. En moins de deux j'ai définitivement planté mon ordi qui refuse alors de démarrer. La nuit, le cauchemar, non, c'est un rêve, je vais me réveiller. Mais non. Une journée passée face à un écran à tenter de bidouiller dans le BIOS pour réparer le bordel, puis formater, puis réinstaller, faire un scan. Les volets toujours baissés, le chauffage à fond, la neige trop blanche dehors. Les bandes-dessinées trop noires.

Un matin, 8h15 des hommes sonnent chez moi. C'est la livraison. J'avais oublié. Je dois descend
re leur ouvrir. Deux hommes à 8h30 me montent un clic-clac tandis que j'émerge à peine. Lorsque le jour se lève enfin ils repartent. Moi je reste en plein milieu, jouant au jeu des sept différences avec mon appart, comme si je n'avais pas remarqué la présence d'un énorme convertible en plein milieu.

J'ai plein de boulot mais aucun courage. Il faut que je fasse ma valise pour demain. Pour repartir en Alsace. J'ai l'impression que le nouvel an 2009 était hier. Je n'ai même pas tous mes cadeaux de Noël et n'ai encore aucune idée de où ni comment et dans quel état d'ébriété je vais encore passer la Saint Sylvestre cette année. Tout ce que je sais c'est qu'il fera encore nuit et que je rêverai de choses étranges.

dimanche 22 novembre 2009

Déphasage de l'onde

"Madame, vous êtes mariée ?" Eh ben alors Walid, t'as de la merde dans les yeux ou quoi ? Tu vois pas que je n'ai aucune bague à aucun de mes dix doigts (si tu sais compter jusqu'à dix toutefois). Des cicatrices, certes (couteau à pain, verre cassé, cutter, et récemment lame de massicot), mais pas de bague. Et j'te dis tout de suite, c'est pas la peine d'essayer de me maquer avec le prof de techno car il est déjà pris, ni avec le (beau et ténébreux) prof d'Espagnol qui se barre à la fin du mois mais qui avait suscité l'enthousiasme des filles qui ont choisi Espagnol LV2 (et je les comprends). Quant au surveillant, il est bien sympa mais bon....
Oui, je sais, j'ai l'air fatiguée, merci Lyes, dis tout de suite que j'ai une sale gueule. Comment ça je suis tout le temps fatiguée ? Mettez vos tabourets sur les chaises, non, montez les tables, euhh sur les... Enfin bref quoi. Allez à vos places, non, en récréation ! Ouais ouais Boubacar, c'est pas la récréation, il est déjà midi... d'accord et alors ? Sortez, je vous ai assez vus. Prends pas cet air apitoyé toi là-bas, j'ai tout à fait le droit d'avoir la tête dans le cul un lundi midi.
Et vire-moi tes longues jambes de beau gosse de service sale jeune, laisse-moi passer, et n'essaye pas de me mettre la main au cul comme à la prof de bio sinon tu vas t'en prendre une tu vas rien comprendre. Allez rangez-vous bande de branques, on va entrer en cours.
Désolée Idriss je suis bordélique, j'ai pris ta fiche de suivi pour un papier brouillon, j'ai pas fait gaffe. Promis je fais une photocopie et je t'en rends une propre. Et au fait, désolée pour ton devoir à la maison qui est tombé dans l'évier, bon, c'est un peu gondolé mais ça reste lisible...C'est vraiment grave si j'ai oublié de distribuer les papiers pour la vaccination ? Et pour l'histoire du vol d'un petit flacon de soude, j'ai rien dit parce que je ne voulais pas qu'on m'accuse de négligence mais en même temps y a intérêt à ce que le petit malin jette ça fissa dans une poubelle, car si ça refait surface je suis dans une merde internationale... Comme la note de cahier que j'ai mise au hasard dans le bulletin car j'avais oublié de la relever sur mon carnet de note. En même temps, 17 c'est plausible, ça a l'air d'être une fille sérieuse, et si c'était moins elle n'ira pas râler au moins.
Ça y est, je viens de confirmer la rumeur odieuse selon laquelle certains profs notent "à la tête du client" je fais honte à toute la profession sur ce coup-là. C'était qu'une note m'sieur le juge, une toute petite note de cahier de rien du tout coefficient un-demi... Allez quoi, une note au pif sur 260 élèves, c'est pardonnable, ça fait 0,4% d'erreur à peine.

Non. C'est merdique. C'est n'importe quoi, c'est juste merdique.
Vendredi matin à 6h15 j'ai vraiment eu du mal à me lever. Une fois de plus je me suis demandée "et que se passerait-il si tout simplement je me recouchais ? Si je n'allais pas travailler ? Si je ne préparais pas mes cours ? Si je me levais à dix heures pour ensuite passer la journée devant mon écran d'ordinateur à fumer des clopes et à descendre la bouteille déjà bien entamée de Martini ?" C'est vrai ça, il se passerait quoi ? La Terre s'arrêterait-elle de tourner si je refusais de monter dans le wagon de mon train-train quotidien ? Les aiguilles des montres fileraient-elles à toute vitesse dans le sens "inverse" avant de se détacher du cadran ? Mon téléphone se jetterait-il à ma figure pour me rappeler à l'ordre ? Ou alors au contraire personne ne s'apercevrait de mon absence et lundi matin lorsque je me pointerai au collège on me dira "vous êtes prof de quoi ? C'est quoi la physique-chimie ? Non, c'est une matière qui n'est pas enseignée ici, vous devez vous tromper..." Et là j'ai senti que j'étais bonne pour retomber dans les bras de Morphée, pour une fois qu'il y a une autre paire de bras dans mon lit. (oui j'avoue, en ce moment je me contenterais même de bras mythologiques...) Donc j'ai essayé de ne pas trop réfléchir, et de m'extirper, moment le plus tragique de la journée, de mon lit.
Encore une journée à tenter de ne pas paraître trop déphasée.
A oublier ma montre chez moi, à remarquer des fautes dans mes présentations powerpoint ("-2 pour la prof !! - Ta gueule Kévin...") oublier de prendre un verre à la cantine, désespérément chercher mes clés de voiture partout avant de les découvrir dans ma poche de pantalon, à enfin rentrer chez moi, fermer la porte, redescendre voir si j'ai du courrier, remonter, redescendre vider la poubelle, remonter, redescendre chercher mes clés tombées à côté de la poubelle, remonter enfin. Et enfin accomplir mon rêve, me scotcher devant un écran, fumer et picoler en regardant Les chansons d'amour enfin accepter mon déphasage mais pas vraiment ma solitude. Un message sur mon répondeur, une voix déplorant le fait que je "n'entende pas mon téléphone". Comment pourrais-je l'entendre depuis mon nuage aux saveurs éthyliques ? Il fait froid dans mon appart mais je rajoute quand même des glaçons dans mon Martini. Enfin détendue, j'ouvre mon portable, je lis un message étrange de la part d'une collègue : "Je viens de passer devant un stand de casse-tête qui s'appelle Bozo Bozo mais en réalité c'est le déphasage de l'onde". A moitié endormie et anesthésiée, je ne comprends pas grand chose à ce message, je me dis que je ne suis pas la seule à picoler toute seule un vendredi soir. Un peu perplexe, je réponds néanmoins "eh ben t'as l'air de t'éclater toi" en me disant que peut-être j'en comprendrai le sens à tête reposée (mais on est dimanche soir et je ne comprends toujours pas). Le film me déprime un peu. Encore un film à Paris, maintenant ça me semble moins exotique mais bizarrement plus mystérieux. Pourquoi moi je ne croise pas de Louis Garrel dans la rue ? Bordel...
Encore une soirée bien avancée, j'étais censée bosser à fond aujourd'hui et j'ai passé le plus clair de mon temps à vérifier que mes légumes poussent bien dans la ferme virtuelle que je tiens sur facebook (j'ai un peu honte). Encore un week-end un peu gâché. Bon, la semaine prochaine il faut que je fasse un effort et que je me bouge de chez moi, que j'aille me déphaser ailleurs.


samedi 7 novembre 2009

Prévoyance et imprévu, des gens connus et un inconnu

En faisant ma valise pour repartir une semaine à Strasbourg, sélectionnant les tenues que j'allais emporter et étudiant ma silhouette dans le miroir, je n'ai pu que constater que j'avais bien maigri. Peut-être même trop maigri. Et pourtant je ne fais pas exprès de m'affamer comme j'aurais pu a priori le prévoir. Non, je mange à ma faim et quand j'ai faim. Ainsi il m'est parfois arrivé de me faire à dîner pour 18h ou à déjeuner pour 15h. Mais c'est comme ça.
Autre phénomène étrange, depuis que je vis seule j'arrive enfin à faire des grasses matinées, à n'émerger qu'à onze heures alors que chez mes parents je ne dormais jamais au-delà de 10h même si je m'étais couchée à 5h du matin. Peut-être qu'inconsciemment je me réveillais car je savais que cela serait très mal perçu de se lever tard. Car chez moi on ne faisait pas de grasses matinées, car d'abord on ne se couchait pas tard et qu'ensuite il fallait être frais et efficace dès le matin pour travailler dans les meilleures conditions. Chez moi on n'avait jamais la tête dans le pâté, on n'avait jamais la gueule de bois (quelle horreur), on travaillait beaucoup et on méprisait par dessus tout l'oisiveté. On prévoyait tout à l'avance, avait une vénération pour le verbe "anticiper". Il fallait prévenir les hautes autorités au moins trois jours à l'avance si on n'avait pas l'intention de prendre le repas à la maison car il n'y avait pas de place pour l'improvisation ou l'imprévu.
Mon problème à moi c'est que j'aime l'improvisation, ces petits challenges quotidiens, ces agréables surprises, ces invitations à la dernière minute. Toujours partante pour la "fête", pour boire un coup au lieu de rentrer, pour prolonger la soirée encore un peu et partager ces instants avec des gens que je connais depuis quelques heures. Alors forcément mes petits yeux, ma voix enrouée et ma mauvaise humeur consécutive à une nuit trop courte choquaient.
Heureusement tout cela est fini et c'est avec pla
isir qu'en rentrant chez mes parents pour les vacances je retrouve cette organisation, la bouffe cuisinée toute seule et prête à midi pétantes. J'ai donc passé beaucoup de temps à manger avec ma famille même si je n'avais pas faim, et énormément à boire avec mes amis même si je n'avais pas soif. Retrouver enfin des lieux familiers où la bière n'est pas à un prix exorbitant, se retrouver chez F, commencer la soirée comme toujours et finir la soirée comme toujours à compter les cadavres de bouteilles sur la table tout en écoutant les garçons chanter et jouer de la guitare. Sourire car c'est comme ça qu'on est heureux, en reproduisant les mêmes rites, les mêmes habitudes, les mêmes blagues, toujours les mêmes mais toujours hilarantes. Chacun tient son rôle : B. fait le pitre, P-L fait de l'esprit, F. rigole et moi, la seule fille, je les aime. Ces rôles, nous nous les sommes attribués depuis des années et jamais cela ne changera. Car même si notre vie à côté part complètement en live, même si on déprime, même si on est triste, qu'on fait n'importe quoi, qu'on file un mauvais coton, on devra tenir nos rôles quoiqu'il se passe et cela nous fera oublier un moment l'autre personne qu'on tente d'être en société, ce qui n'est pas plus mal.Certaines personnes ne changent pas et c'est un soulagement quelque part d'avoir quelques certitudes.

Depuis quelques semaines j'ai appris à faire face à de nombreuses situations tendues avec un détachement et un calme étonnant. Ainsi hier soir lorsque ce type ébouriffé et portant un masque chirurgical a surgi des banquettes du métro pour se diriger d'un pas énergique vers moi et s'asseoir à mes côtés je n'ai pas bougé d'un poil. Lorsqu'il m'a adressé la parole pour critiquer le groupe de
touristes se photographiant à grands coups de flashes qui étaient derrière nous et qui ne "donnent jamais rien" j'ai acquiescé d'un air compréhensif. Lorsqu'il m'a demandé où on était, je lui ai aimablement répondu. Lorsqu'il a commencé à frapper la tête d'une des touristes derrière nous et lui intimant de dégager d'un signe de la main, je ne me suis qu'à peine tassée sur mon siège, me demandant toujours pourquoi il fallait qu'il vienne se poser à côté de moi alors que la rame était presque vide. Ok tout ça est parfaitement normal, un type portant un masque chirurgical vient de se réveiller dans le métro, il est complètement à l'ouest et commence à devenir violent, et alors ? Il en faut plus pour m'effrayer et mieux vaut ne pas trop se faire remarquer... Alors je ne bouge pas d'un pouce, j'attends. Et finalement il finira par bondir hors de la rame quelques stations plus loin. Et c'est seulement quand sa tignasse blonde sera hors de ma vue que je prendrais conscience de la boule dans ma gorge et de ma difficulté à respirer normalement.Pourtant lorsqu'il était là tout allait bien, j'avais conscience des regards lointains tous tournés vers nous, va-t-il agresser la jeune-fille ou pas ? En le regardant de près je le trouvais même plutôt mignon sous son masque. Ma curiosité et ma faiblesse me perdront un jour...

samedi 24 octobre 2009

Help

Voilà, ça y est, je n'en peux plus. Tout ça car je viens de poster la jenesaiscombient'ième note sur mon boulot. Déjà je saoule toute ma famille avec mes anecdotes, mes problèmes, mes doutes, mes angoisses, puis la deuxième salve est pour mes amis, et enfin la dernière salve pour mes quelques lecteurs. Je suis complètement obsédée par le travail. Non pas par les cours à préparer ni les copies à corriger (ça je m'en fous) mais par les rapports humains, la confrontation permanente avec les mômes, la discipline... J'en rêve la nuit, j'y pense avant de me coucher puis en me levant le matin. A la fin de huit heures de cours j'ai les oreilles qui sifflent. J'ai tellement pris sur moi pendant toute la journée que j'ai accumulé énormément d'énervement et que je n'arrive pas à m'endormir. Je refais le match.
Je n'arrive plus non plus à lire, ce qui me désespère. Je décroche au bout de trois lignes et en arrivant en bas de la page je me rends compte que je n'ai pas enregistré ce que j'ai lu, d'autant plus si le bouquin est un peu chiant. Je suis donc obligée de reposer le bouquin, fermer les yeux et essayer de penser à des choses agréables.

J'ai réglé mon radio-réveil sur Radio Courtoisie car le matin c'est le seul moment de la journée durant lequel je ne me sens pas agressée. Je n'ai plus l'habitude d'entendre des gens parler sans se couper la parole, sur un ton poli et avec un vocabulaire recherché. Ce matin j'ai presque eu les larmes aux yeux lorsque la présentatrice qui parlait d'un "second" roman a rectifié par "deuxième" en évoquant la possibilité de la parution d'une troisième oeuvre. Cela faisait des années que je n'avais plus entendu personne faire la subtile différence entre "second" et "deuxième". Merci à radio courtoisie d'exister.

Pile à l'instant où j'écris je me sens comme une cocotte minute prête à péter. Je suis vraiment en train de devenir dingue et j'ai le pressentiment que ça ne va pas forcément bien finir si je ne trouve pas rapidement un moyen de décompresser. Déjà qu'au départ je ne suis pas la fille la plus équilibrée du monde, toujours à cogiter et à essayer d'analyser le moindre truc. Et à force de se décortiquer soi-même on finit par faire des dégats.
Bon, je vais peut-être aller écouter radio courtoisie ça va me calmer...

lundi 5 octobre 2009

Un clou chasse l'autre

Merci au "Prince des monte-en-l'air" qui a refermé la portière de ma voiture après l'avoir fouillée et qui m'a laissé mes lunettes de soleil et tous mes CD. Merci aussi d'avoir pété la petite vitre côté rétroviseur plutôt que la grande vitre... Merci aussi d"être passé côté passager, ça m'a évité de me blesser avec les morceaux de verre partout. Enfin, merci de ne rien avoir dégradé dans ma voiture, j'ai apprécié...
Merci d'avoir ainsi pimenté ma semaine : je trouvais qu'après m'être fait jeter une cartouche d'encre dessus lundi matin puis voler du matériel de physique dans ma salle mardi il me manquait encore quelque chose mercredi matin. Non vraiment, merci.
Merci aussi à G. Brassens d'avoir accompagné chacun des mes départs de vacances en famille depuis ma plus tendre enfance (ce qui finissait par saouler mes parents qui se demandaient ce qu'une gosse pouvait bien trouver à Brassens "On met la casseeeeeeetteuhh !") qui m'a permis de découvrir dès dix ans des expressions telles que "la Camarde" "Monte-en-l'air" ainsi que des mots dont je ne suis toujours pas sûre de la signification comme "codicille", "tabellion" et j'en passe...

Je ne sais pas si je suis masochiste ou quoi, mais bien souvent je me mets toute seule dans la "merde". Phénomène étrange qui consiste à partir hyper en retard, à moitié consciente du truc. Ainsi mercredi soir, après avoir passé ma journée entre le commissariat et le garagiste, j'avais rencard avec un type que je connais depuis moult années sur le net mais que je n'avais jamais rencontré. Je devais le rejoindre lui et ses potes chez lui pour ensuite bouger sur Paris. Eh bien je me suis inconsciemment débrouillée pour avoir presque une heure de retard. J'ai inconsciemment raté le bus puis me suis perdue puis ai marché 30mn en suivant la ligne de bus... Mais après j'ai compris. J'ai compris que ma manière à moi d'éviter le stress de la rencontre c'était de le camoufler sous l'angoisse d'être en retard. Un clou chasse l'autre comme on dit. Le clou de semaine merdique qui avait à peine commencé a été remplacé dans mon esprit par le clou tout bête de celui de trouver mon chemin. Bien souvent je me suis perdue exprès, par ennui, par défi, par désoeuvrement... Peut-être parce que quand je suis perdue je chasse de mon esprit toutes les préoccupations graves pour ne songer qu'à des petits soucis immédiats et instinctifs : trouver mon chemin, être à l'heure.
Du coup évidemment quand enfin je suis arrivée à destination, j'étais tellement bouleversée et désolée que je ne pensais même plus à autre chose, je m'en foutais de le voir, c'était un pote comme un autre que j'avais fait poireauter. "Salut, ça va ? Désolée pour le retard. Ohlala j'ai eu une semaine de merde je te raconte pas : je me suis fait péter une vitre de la voiture blablabla..."

vendredi 25 septembre 2009

burn out

Démarrer en moins de deux secondes au feu vert, coller au cul des voitures, dépasser les limites de vitesse et zigzaguer entre les voies, jamais sur celle de droite car réservée aux voitures garées à l'arrache en double-file, jamais non plus sur celle de gauche, réservée aux gens pressés qui dépassent encore plus les limites de vitesse : je commence à maîtriser la conduite en région parisienne. Chaque matin je dégringole la N7, plongée en apnée dans les tours au loin, virage à droite, klaxonnée car freine pour tourner (bordel). Chaque matin j'ai envie de continuer tout droit, de grimper sur le périph, de m'enfoncer dans les tours pour mieux les fuir. En continuant tout droit tout droit, peut-être que je finirai par rencontrer la mer.
Mais c'est quoi ce pays où t'as l'impression qu'il y a une contre-soirée dans le métro quand tu rentres à minuit un samedi soir et où même les trentenaires salariés qui ne sont plus étudiants depuis longtemps habitent dans un studio de 23 m² ?
Les mêmes bottines à talons bizarres claquent dans les escaliers, ça me donne envie d'en acheter mais bon... Trop de choses à voir, trop d'endroits où aller du coup je ne bouge pas. Je vais passer une annonce "nana ayant pour objectif principal d'oublier son taf obsédant et frustrant en se noyant éventuellement dans l'alcool cherche compagnie". Me revient l'image d'une camarade de classe traçant de son doigt des lettres inversées dans la buée qui se formait sur la vitre du bus en hiver de façon à ce que les mots "cherche ami" soient lisibles depuis l'extérieur. J'oublie l'idée : dans le métro il n'y a pas de buée et qui me lirait à part les rats...
Il faut que je me lance dans quelque chose, faut que je trouve quelque chose, n'importe quoi, un hobby (autre que celui consistant à buter des méchants avec un M16 dans un jeu vidéo), un club de sport, une amicale, une association, des maquettes, du tricot, du crochet, de la peinture sur coquille d'oeuf... un mec, chais pas, n'importe quoi ! Une collègue, critiquant une autre collègue militante syndicaliste et qui s'investit à fond dans son boulot disait d'elle qu'elle devait faire tout ça car "sa vie est vide". Eh bien moi j'assume : eh oui ma vie est vide, aussi vide que le vide entre le noyau de l'atome et les électrons tournant autour. Rahhh et voilà, c'est reparti : putain de boulot de merde !!!
Bon enfin vous l'aurez compris, j'ai besoin de me changer les idées là...



lundi 7 septembre 2009

Dans la jungle, terrible jungle, une biche est morte ce soir

Nouvelle humeur, nouvelle playlist.

Bon alors cette fois ça y est, la prof de physique est dans la place. Une journée plutôt "facile" avec seulement deux classes pénibles sur quatre. Demain ça va être pire avec les deux pires classes de cinquième qui sont "gratinées". Ils ont déjà réussi à faire pleurer ma collègue de SVT, nouvelle comme moi et que j'ai récupérée complètement démotivée, dégoûtée, frustrée et en larmes dans sa salle. Il faut dire qu'ils lui ont bousillé ses insectes et, par vengeance d'une punition, répandu du liquide vaisselle sur ses affaires posées sur son bureau. Charmants bambins dont je ferai la connaissance demain.
Aujourd'hui je n'ai fait que montrer crocs et griffes, fusillé du regard et agressé tout individu qui ouvrait la bouche sans demander la parole, mais je pense que j'aurais pu être plus efficace. Ainsi en tout je n'ai distribué que trois punitions et rempli cinq ou six carnets de correspondance. D'abord j'engueule, après je discute.

En mettant ma tenue de combat, toute de noire vêtue afin de décourager ceux qui voudraient salir mes vêtements en y jetant de l'encre, je ne pensais qu'à une chose "je vais les bouffer, je vais les bouffer, je vais les bouffer". L'enjeu est capital pour moi qui vais rester coincée ici un paquet d'années : si je n'arrive pas à instaurer le respect tout de suite c'est mort pendant longtemps. Aujourd'hui je n'ai pas encore commencé "le cours", je n'ai fait que les remettre gentiment dans le bain, et présenter les règles du "jeu". Aujourd'hui j'étais en forme, prête à me battre, prête à les interpeler dans le couloir, prête à hausser le ton, prête à crier. Aujourd'hui ça n'a pas dégénéré, mais aujourd'hui je n'avais pas les pires classes.
C'est une corde raide, tout peut basculer en un quart de seconde, le bordel n'est jamais bien loin : un imprévu, mon attention qui est relâchée une seconde et tout est foutu, la demi-heure passée à instaurer le calme fond comme neige au soleil et les élèves reprennent bien vite le dessus.
Ma salle de classe c'est mon territoire et il faut que je pisse dans les quatre coins pour le marquer. Et c'est épuisant.
Ici on ne fait pas du cours, on fait avant tout du dressage. Oups, j'entends d'ici les récriminations des bien-pensants (bouhhh elle compare les élèves à des animaux, bouhhhh !) et oui je l'assume : ce sont des animaux instinctifs, pour certains sans éducation et il faut arrêter de se voiler la face. Le politiquement correct je lui pisse à la raie (ça fait deux fois que je pisse dans ce blog, ça va finir par sentir mauvais). Oui il y a des gamins qui ont un contexte social très chargé, oui il y a des gamins qui n'ont pas de papiers et qui en fin de troisième ne trouvent pas d'apprentissage car aucun patron ne veut les prendre, oui il y a des gamins qui sont là uniquement pour foutre le bronx et qui, sortis du collège à seize ans, iront traîner dans la rue comme leurs grands frères l'ont fait avant eux, qui n'ont pas de cahier, qui perdent leur manuel au bout de deux jours, qui n'ont pas de feuille de papier, ni de règle, de colle, de stylo vert, et j'en passe.
A eux il faut juste leur faire croire qu'on a une plus grande capacité de nuisance qu'eux, qu'on est davantage susceptibles de leur pourir la vie qu'eux ne le pourront jamais.
Ma collègue, telle une biche blessée dans la savane risque de se faire dévorer en moins de deux si elle ne réagit pas tout de suite. Mon avantage par rapport à elle, pour l'instant, c'est que ma priorité n'est pas de faire mon petit cours sur l'intensité du courant dans un circuit avec dérivations, ma priorité c'est qu'ils la bouclent et que ça ne dégénère pas. Le plus dur c'est d'être assez impresionnant pour qu'ils n'aient pas envie d'essayer. Car s'ils essayent je suis foutue je ne saurai pas quoi faire. Mais ça ils ne doivent pas le sentir. Non non non. Je ne suis pas une biche je suis un rhinocéros, ma carapace est tellement épaisse que tout ce que tu peux faire ne m'atteint pas. Par contre, moi si je te file un coup de corne tu vas la sentir passer.
D'abord tu obéis, après on discute.

A propos du "tu", aujourd'hui j'ai beaucoup hésité, entre le vouvoyement et le tutoiement je n'ai pas été très claire, j'ai donné dans les deux bizarrement alors que l'an dernier je tutoyais tout le monde. Mais quand je m'adresse à eux je me sens plus à l'aise en les vouvoyant, ça déstabilise et crée une certaine distance. En revanche, par habitude lorsque j'engueule j'ai tendance à tutoyer. C'est plus rapide de dire "donne-moi ton carnet" mais plus commode de dire "mademoiselle, au fond, vous avez une remarque à faire ?". Entre les deux mon coeur balance. J'aimerais bien tenter de les vouvoyer, ça peut être marrant. "Donnez-moi votre carnet de correspondance Mehdi" "Bon, Grady, pour la prochaine fois vous me recopierez cette feuille - Non, pas vous et votre voisin, juste vous... Rahhh mais t'es bouché ou quoi, bordel, tu m'recopies c'te feuille quoi ! (eh meeerde j'l'ai tutoyé) "

J'espère aussi qu'ils ne traîneront pas trop par chez moi et qu'il ne sauront jamais où j'habite "Wesh les mecs, regardez y a les p'tites culottes de la prof de physique qui sèchent sur son balcon, truc de ouf !". En tous cas, gamins ingérables ou pas, demain la guerre est déclarée, l'adrénaline va couler dans mes veines parce qu'il ne faut pas oublier que ces monstres de cinquièmes je vais me les taper entre trois loooooongues années (pitié ne les faites pas redoubler) et que si je ne suis pas assez aggressive je vais amèrement le regretter. Je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir continuer à ce rythme-là. Demain, huit heures de combat c'est long.

En tous cas même si j'ai à subir un tsunami comme ma collègue, je crois que je ne pleurerai pas, car ils n'attendent que ça, mais que ça fera pousser mes griffes plus vite.

samedi 29 août 2009

l'école

Une petite playlist qui exprime assez bien mon état d'esprit.

L'autre jour, allongée seule dans l'herbe sèche et jaunie par la chaleur de cette fin d'été, contemplant les nuages, je me disais que finalement toute ma vie sera rythmée par les vacances et la rentrée. Que je passerai ma vie à l'école, sauf qu'au lieu de m'élever chaque année, c'est moi qui resterai. Des générations défileront devant moi. Chaque année je prendrai un an mais eux auront toujours le même âge. Des milliers d'ados en crise...

Tandis que je couvre mes nouveaux manuels flambant neufs achetés sur internet (oui je précise ACHETES, pas qu'on pense que nous autres profs ont ait nos manuels GRATUITEMENT faut pas pousser non plus !) j'ai une foutue boule au ventre. La rentrée j'ai toujours détesté ça, les jours qui raccourcissent, les promos sur les paquets de 500 copies format A4 petits carreaux et sur le lot de trois cahiers A4 96 pages grands carreaux avec spirale, les affaires à rassembler, la trousse à préparer, et pouf ça y est on est en septembre et paf c'est la rentrée et tu te prends en pleine tronche 11 classes, soit environ 260 personnalités différentes à gérer et dresser et autant de prénoms à retenir.

J'veux pas y aller, mamaaaaan !!!

lundi 24 août 2009

Flashes

F. quitte M tandis que ma sœur se mariera l'été prochain. Je vis seule depuis une semaine et déjà je commence à faire le ménage moins souvent. Les balades à pieds en ville ou dans les parcs départementaux me font du bien. Ma montre avance soit de 2mn soit retarde de 2mn, pas de demi-mesure. Elle a apparemment décidé de ne jamais être à l'heure. Ma mère a des éclairs dans son œil gauche mais n'a pas le courage de consulter un ophtalmologue. Elle n'en n'a pas parlé à mon père, et je suis la seule au courant car "je suis loin" et je ne peux pas l'obliger à agir. Les gens n'arrêtent pas de me dire "je te téléphone" et rien ne se passe. Hier j'ai vu des poneys.
Décidément, ces hautes herbes bien sèches dans le parc, ça ferait un bien beau feu.

samedi 15 août 2009

Au revoir Bonjour

Bon alors voilà je déménage et laisse temporairement le blog en plan car je n'aurai pas internet le temps que je reçoive ma freebox. Réception qui, soit dit en passant, va être difficile vu que mon interphone est pété.
Comme une jeune conne je pourrais dire que "Strasbourg c'est plus comme avant", que j'ai assisté à la fermeture de quelques cinés et salles de concert et à la délocalisation de quelques personnes importantes pour la vie culturelle du coin. Je pourrais aussi dire que Strasbourg est une ville magnifique, paisible et verte et que j'adore flâner dans les rues pavées, le long des quais en admirant les belles maisons à colombages ou contempler les vitrines des petites boutiques qui changent tout le temps Grand Rue.
Je pense que Strasbourg est une ville que j'aimerais retrouver un jour, que peut-être je me dénicherai un vieil appartement en centre-ville avec des hauts plafonds et des moulures un peu partout. Un ancien immeuble avec les escaliers en bois et "Gaz in allen Etagen" placardé sur la façade.
En attendant je fais étape en banlieue parisienne et vais me chercher un bon vieux guide touristique. Coucou c'est moi !

jeudi 6 août 2009

Des routes et des ponts

Dans une semaine j'emménagerai "définitivement" dans mon studio. Une semaine durant laquelle le "ici" se différencie du "chez moi", ce dernier correspondant pour l'instant encore au "là-bas". Mais bientôt "ici" sera devenu "là-bas"; mes amis quant à eux seront de toute façon dispersés un peu partout en France.
C'est étonnant comme en vieillissant les frontières s'agrandissent, comme la carte de notre territoire se dévoile au fur et à mesure comme dans un jeu vidéo de stratégie. On apprend à repérer le territoire de nos ennemis, on commence aussi à bâtir des murs de défense autour du nôtre pour le rendre inaccessible. Un des premiers souvenirs traumatisants de mon enfance date du jour où, outrepassant les frontières de mon jardin, je me suis aventurée dans la rue jusqu'à en passer le coin. Après quelques mètres de marche, ma maison hors de vue, je me suis aperçue que j'étais égarée. Prise de panique, j'ai cherché ma maison dans toutes les rues, au bord des larmes, oubliant que je n'avais fait que prendre la première à droite. En primaire, chevauchant mon vélo, j'ai dépassé la limite du quartier, poussant jusqu'aux villages voisins au collège. Au lycée, j'enchaînais avec la régularité des horaires de bus les allers-retours me conduisant à la grande ville qui, arrivée en fac, n'avait presque plus aucun secret pour moi ; ma petite fierté étant de pouvoir indiquer avec une précision honnête le chemin d'une bonne vingtaine de bars aux touristes égarés.
Au fur et à mesure, l'espace-temps s'est déformé, les distances se sont réduites avec le train. Une heure de train et on est déjà loin. C'est à cette même période les amis commencèrent à partir faire des études ailleurs. Pour moi cela signifiait quasiment couper les ponts.

Ces dernières semaines j'ai fait pas mal d'allers-retours en voiture, 500 km toute seule, des heures à voir le paysage défiler, à compter les vaches, à compter les barrières, à laisser les lignes blanches se brouiller, à ne plus voir le bout de la N4. De la campagne, des petites villes dont on est bien content de ne faire que les traverser, de la campagne, rien à des kilomètres à la ronde. La pause pipi à mi-parcours au Mac Do de Vitry-le-François est devenue le meilleur moment de la journée. Les vibrations de la voitures que l'on ressent encore dans son lit, et surtout l'odeur de la voiture sur les vêtements et dans les cheveux...
Entre deux aller-retours, voir des gens, des amis, un ex, avant de repartir. Toujours ses lunettes de soleil sur son visage blème, ses traits tirés, ses mains qui tremblent en saisissant sa tasse de café à 16h30. Pas de chance, je tombe encore un lendemain de beuverie : un malencontrueux hasard qui, pour un hasard, s'est répété bien souvent (je connais la musique). Malgré cela on s'entend toujours aussi bien, on plaisante, les répliques ironiques fusent de part et d'autre comme avant, enfin quelqu'un qui a du répondant. Mais c'est trop tard, dans ses yeux bleus je ne vois plus que la cirrhose et le cancer du poumon. Seulement voilà, on a passé un super moment à une terrasse, comme au bon vieux temps où toute notre relation ne reposait que sur des bons moments en terrasse, rien d'autre.
Après tout pourquoi se prendre la tête, pourquoi vouloir toujours faire table rase du passé, couper les ponts, oublier, laisser de côté ? Il n'existe pas de contrat stipulant que pour rester "ami" avec quelqu'un il faut le voir au moins quatre fois dans le mois... Ce n'est pas parce qu'on va vivre à quelques centaines de kilomètres qu'on devient seul au monde. Ca me paraît tellement évident maintenant que je me demande pourquoi je n'y ai pas pensé plus tôt. C'est donc ça, "communiquer"...

dimanche 19 juillet 2009

Mon amie Sciences-po

Me voilà encore en train de conduire vers la ville pour retrouver mon amie "Sciences-po" celle des scandales, celle qui m'appelle à la dernière minute pour aller boire un verre, celle qui a 559 amis sur facebook...
Sauf que cette fois-ci, mon amie a changé. Déjà elle est à l'heure, ce qui tient du miracle, ensuite elle ne parle pas tout de suite de ses supposées conquêtes avant d'avoir fini son premier verre. Mais je m'en fous car j'ai déjà décroché.
Un peu plus tard on décide de prendre un troisième verre ailleurs. Je la suis. Là elle m'emmène dans un bar un peu classe, connu pour regorger de parlementaires ou de working-men bossant au
conseil de l'Europe. J'ai l'impression d'être plongée dans l'univers de Brett Easton Ellis, entourée de types en costume, chemise blanche froissée par la journée au bureau. Impressionnée par la page entière consacrée aux Whiskys de la carte, je commande néanmoins un verre de vin blanc à 5€. Je souris car je reconnais bien là les fantasmes de mon amie Sciences-po, et bien que non totalement indifférente au charme du costume cravate, je préfère garder mes distances.
Au bout de cinq minutes, ma comparse s'est déjà fait aborder par un type passablement bourré au gin tonic (?) dont je ne comprends rien aux propos, sa diction étant altérée par l'alcool et la musique résonnant dans mes oreilles. Au bout de quelques instants, le lourdingue tapote déjà amicalement la cuisse de mon amie. Tel un chien de garde, je lance un regard appuyé au type hilare. Celui-ci ne tarde pas à se moquer de moi, disant que
je "me fais chier", que je ne souris pas assez, qu'il faut que je me décoince ou je ne sais quoi encore, ce qui a le don de m'énerver au plus haut point, d'autant que c'est souvent qu'on me fait la remarque. Eh ouais, je suis rigide, je suis autoritaire, en particulier avec ce genre de connards. Ironique, je prends alors part à leur conversation, je lui parle en quelques mots de mon métier, ce qui, comme d'habitude, engage la polémique sur les collèges de banlieue. Je me prends en pleine gueule que de toute façon ces gosses sont perdus, que ce que je ferai ne servira à rien blablabla, ce qui, il faut le dire, m'énerve encore plus. Non mais de quoi il se mêle celui-là ? Comme beaucoup de gens, ce monsieur a une théorie sur l'éducation et de nombreux conseils à me donner, conseils que j'écoute en disant "oui-oui" de temps en temps. Plus il boit et bavarde et plus je bouts intérieurement.
S'ensuit une tentative d'avances pitoyable basée sur une comparaison entre nous et les signes + et - des charges électriques (ben oui, je suis prof de physique donc forcément je suis obsédée par les sciences), image que je fais semblant de ne pas saisir, jouant la naïveté jusqu'au bout "mais enfin, la matière est électriquement neutre, c'est impossible qu
e tu sois chargé négativement et moi positivement enfin, je ne comprends pas...".
Je commence à me lasser de cette situation, d'autant que j'ai fini mon verre depuis un moment déjà. Alors je me retourne progressivement vers mon amie Sciences-po, présentant ma nuque à mon interlocuteur et invitant ma complice à faire semblant d'avoir avec moi une conversation animée et passionnante. Celle-ci joue le jeu, me demandant toutefois "tu as envie de partir ?", ce à quoi je ne sais pas encore quoi répondre. Je pèse le pour et le contre, jusqu'à ce que je sente le visage ébahi du boulet se poser sur mon épaule
gauche, ledit visage éructant mon prénom suivi de "elle se fait chiiiieeeer !" Je ne peux apparemment réprimer une grimace de dégout, face à quoi mon amie affirme "là tu as envie de partir !" Je secoue mon épaule et me retourne vers le parasite, lui expliquant qu'on va s'en aller. Il rigole grassement, se moquant de nous en nous demandant quelle permission on a pour l'heure... Avec spiritualité, mon amie lui rétorque qu'on n'a pas eu la permission de sortir, et qu'on a fait le mur. Sur ce il se marre littéralement, donnant un coup de coude à son voisin "Hey, elles disent qu'elles font le muuuuur !" Excédée mais prise d'un doute sur sa compréhension de cette expression, je lui lance : "Faire le mur ça veut pas dire faire le trottoir Ducon !!!" me maîtrisant pour ne pas être plus violente, et je me dirige vers la sortie, furieuse.
Je suis furieuse car c'est la première fois que je sens la violence monter en moi, voyant bien que j'étais à deux doigts de repousser violemment ce connard, furieuse car une fois de plus je ne peux pas dire que je suis prof sans que cela entraîne des débats interminables, furieuse car chambrée à cause de ma "mauvaise humeur".
Dans ces bars, les femmes servent de faire-valoir, elles sont là pour subir, roucouler et fermer leur gueule. Je trouve ces endroits où des hommes font la cour à des jeunes filles qui ont l'âge de leurs
enfants beaucoup plus glauques que les endroits sordides où j'ai pu mettre les pieds. J'ai beaucoup plus peur d'un homme qui croit avoir du pouvoir que d'un dealer croisé dans une ruelle sombre, même si le premier est bien mieux sappé. Ou alors je n'aurais pas du relire American psycho...

mardi 14 juillet 2009

Des cartons

Pour le déménagement, j'ai acheté des cartons. Dépliés dans ma chambre, les cartons sentent le vomi. Pour couvrir cette désagréable odeur, j'exhume un bâton d'encens du tiroir de ma table de nuit pour le bruler. Règne maintenant, en plus du vomi, une puissante odeur de cramé. Les yeux irrités par la fumée du bâton que je ne tarde pas à écraser dans un reste de bougie, j'évalue la quantité de bordel qui s'est accumulé depuis des années rien que dans ma table de nuit. Décidée, j'ouvre le tiroir et commence à trier : une paire de chaussettes rayées, un livre, une bougie encore neuve, des cahiers dans lesquels figurent dessins, croquis, barbouillages, et des mots que je n'ai plus le courage de relire, en partie par honte mais aussi parce qu'à l'époque ma vie était plus mouvementée et que justement tout cela me manque.
Je continue à gratter, mettant à nu les différentes strates, différentes périodes de ma vie, éparpillant mon intimité dans toute la pièce afin d'y mettre un peu d'ordre. Un reste de tabac à rouler, du papier à cigarettes, et bien planqué au fond d'un minuscule sachet en plastique, quelques feuilles d'herbe. Et des médicaments périmés (?) de toutes sortes. Poubelle. Mon agenda quand j'étais en terminale. Je l'ouvre, le parcours, tous les contrôles sont signalés par des têtes de mort, des photos de mes héros de l'époque sont collées sur les jours fériés. Garder ou jeter ? Allez, c'est pas si terrible que ça, je décide de faire ma star, et visant la corbeille, balance d'un geste théâtral l'agenda qui s'écrase à côté. Je soupire.
De toute façon le lycée c'est loin, comme ces gens que j'y ai croisés, oubliés, puis brièvement revus figés dans une pose sur facebook. C'est con mais à l'époque pour avoir des nouvelles des gens il fallait leur parler, maintenant il suffit de jeter un œil sur leur putain de "mur".

Les cartons sentent toujours le vomi et mon chantier n'avance guère. J'ouvre la fenêtre et éparpille encore plus mon bordel : j'ai besoin d'aérer pour y voir plus clair. J'ai l'impression d'étouffer, j'ai envie d'être enfin chez Moi. Garder des souvenirs dans ma chambre ou vider les lieux ? Je n'ai pas la prétention de transformer la maison de mes parents en musée, mais je me vois mal emporter mes vieux dessins, témoins de rares impulsions créatives. Je les range donc dans un tiroir, préférant laisser tout ça en suspens. Arrêt sur image.
Par correction, j'efface tout de même mes traces, mes tags à la craie ou à la peinture sur les poutres apparentes de la chambre, commence par le "I've lost control again" qui trône au-dessus de mon lit. Celui-ci s'efface aisément, mais l'empreinte de ma main à la peinture noire part plus difficilement. Adolescente égoïste que j'étais, il ne m'est pas venu à l'esprit qu'un jour cette chambre ne serait plus la mienne et qu'en plus le bois est un matériau fragile qui absorbe tout et ne supporte pas l'eau, ce qui rend son entretien difficile...

La nuit tombe tandis que je me bats avec le scotch qui colle que dalle, fermant des cartons dans lesquels je n'ai mis que des affaires neutres, de celles qui ne représentent rien sentimentalement parlant, préférant finalement laisser les souvenirs sur place. Ils seront mieux gardés ainsi. Dans la rue des gens défilent avec des torches. Quelle sorcière va-t-on brûler ce soir ?
C'est le 13 juillet et tandis qu'avec des miettes de tabac à rouler je fume une cigarette accoudée au rebord de ma fenêtre comme je l'ai souvent fait en cachette, apparaissent dans le ciel des étincelles, des lumières de toutes les couleurs. Songeuse, je me rappelle tous les moments que j'ai passés ici : des crises de nerfs, des siestes, des pleurs, des séances désespérées d'abdos, des heures de travail, d'autres à écouter des la musique, beaucoup d'ennui mais surtout des heures à rêvasser et à élaborer des histoires afin de rendre ma vie moins minable.
Arrive le final, des gens applaudissent, je fais une révérence et rejoins mon lit. Rideau.

jeudi 9 juillet 2009

News

Ça y est, j'ai trouvé un appart !
Il ne me reste plus qu'à mettre la main sur des meubles... et des gens pour les porter et les monter.
En ce moment je suis très (pré)occupée donc je n'ai plus vraiment le temps de geindre sur mon blog.
Mais bientôt de nouvelles aventures : Monday Morning et le videur du Monoprix, Monday Morning et le livreur de pizza, Monday Morning casse une assiette chez Fly, Monday Morning embauche des jeunes en survet pour l'aider à monter ses meubles...

samedi 27 juin 2009

Filip_bis

La boucle est bouclée. L'année scolaire se termine par la journée portes ouvertes au collège. Je me balade un peu partout, assistant aux sketchs de théâtre qu'une partie de mes élèves de 5ème a préparé, admirant leurs travaux accrochés aux murs, tenant compagnie aux profs dont l'atelier n'attire personne. Jusqu'au clou du spectacle : la chorale. Entendre ces dizaines d'élèves que je ne reverrai jamais chanter en chœur ça me donne des frissons. "Uneeuh chauve-souriiis, elle met un parapluiiie..."
De plus, j'ai toujours eu un faible pour le piano. Alors voir le collègue de musique, stagiaire comme moi, pianoter et encourager ces enfants modèles à la voix haut-perchée c'en est trop, je sens les larmes me monter aux yeux. Je me dis que c'est la dernière fois avant (très) longtemps que j'enseignerai à des gamins aussi faciles, aussi polis, aussi charmants, des enfants qui à la fin de l'année ont tagué mon tableau de "Bonnes vacances madame, on espère vous avoir l'année prochaine !" "toute la classe vous aimes"
Je prends une part de gâteau et je me dirige vers la sortie, sans me retourner, très émue, pour prendre le train. Aller simple cette fois.
Avant d'atteindre le parking du collège, j'entends "... madame". Je me tourne, je dis "bonjour !" l'élève me répond "au revoir madame !". Je plisse les paupières, soleil dans les yeux, pour identifier le larron. C'est Filip. LE Filip.
Il s'avance vers moi d'une démarche chaloupée, bouteille de Coca à la main, sourire ravageur et insolent, le Filip des grands jours, le Filip ironique et provocateur qui, malgré des heures de colle, des exclusions, des dizaines de punitions et de passages par le bureau du principal adjoint, n'a jamais changé.
-"Alors vous partez, vous allez me manquer madame ! (je leur avais effectivement dit que je ne serai pas là l'an prochain)
-Oui, j'imagine Filip...
-Madame je rêvais de vous toutes les nuits !
-Mais je n'en doute pas, Filip... -sourire-
-Vous partez où ?
-En région parisienne, à Villejuif.
-Ouhla... C'est différent d'ici, madame !
-Je sais, Filip, je sais...
-Y a que des racailles et des délinquants là-bas !
-Hm.
-Villejuif c'est la merde madame ! Je sais, j'ai un cousin qui habite pas loin.
-Mouais, on verra. Merci pour tes encouragements Filip... Et sinon comment il faut faire pour survivre là-bas ?
-Pour survivre ? Hmm Aux élèves il faut leur montrer le droit chemin, mais il faut rester cool !
-Bon... On verra... Allez, j'y vais ! Bonne continuation Filip !
-Merci, à vous aussi madame."

Cette année Filip aura eu le premier et le dernier mot. C'est le premier prénom que j'ai retenu, le premier élève que j'ai puni, et c'est lui que je vois en dernier.
C'est le comble... A bientôt quinze ans mais déjà une sacrée dose de culot et de confiance en lui, Filip est le seul à avoir été sincère avec moi. La merde des quartiers, la violence, il la connait et sait de quoi il parle. Finalement je préfère son "c'est la merde" à tous les euphémismes et paraphrases qu'on me sort pour ne pas me faire peur ni me plomber le moral. Filip est un petit emmerdeur mais c'est un débrouillard et un beau parleur. Il n'est pas fragile comme tous ces mignons p'tits gosses de la campagne. Il s'en sortira, de façon plus ou moins honnête, mais je ne m'en fais pas pour lui.
A mon tour de m'endurcir.

samedi 20 juin 2009

fatiguée

Quand je le regarde, l'autre avec sa gueule éclatée, sourire béat jusqu'aux oreilles, paupières à mi-closes, il est déjà ailleurs et quelque part je l'envie.
Je crois que ça me manque tout ça, les soirées à trente dans un grand appart, la musique à fond que tu entends déjà moins au bout du deuxième verre de vin, les gens déjà bien défoncés qui te décrochent un sourire complice quand tu les frôles dans le couloir pour aller du salon à la cuisine, la queue devant les chiottes : tiens-moi mon verre pendant que je vais pisser, t'es sympa ! Les gens qui vivent au-dessus de leurs moyens et qui te payent une coupe de champagne juste parce que t'as accepté de les accompagner claquer la bise à leur pote dj dans un club pour bobos. "Jolie môme" qu'ils t'appelaient.
Une môme que j'étais, effectivement. A peine si j'avais encore le "A" collé au cul de la voiture de mes parents. Je pouvais boire comme un trou sans jamais avoir la gueule de bois. Mon estomac tout neuf pouvais tout subir, mes reins pouvaient tout filtrer. On m'enviait un peu pour ça, ma capacité à récupérer après un café, à concilier études et week-ends de débauche.
J'avais enfin l'impression de vivre, d'être active, même si je voyais tout à travers un épais brouillard. Enfin je ressentais des émotions, je me sentais attirée vers les autres, j'arrivais à me "lâcher".

En ce moment je suis fatiguée.

mercredi 17 juin 2009

La Grande Ville

"Arghh ! La vache !"
Monday Morning découvre le montant des loyers à Paris.

"Comment ça mon loyer ne doit pas dépasser le tiers de mes revenus ?! Mais vous plaisantez, avec ce que je gagne je ne pourrais même pas me payer un 15m² !"
Monday Morning découvre les exigences des agences immobilères de Paris.

"
Lalala-lalalaaaaaaaaaaaaaaa Lala Lalala-lalalaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa"
A force de téléphoner à Century21, Monday Morning connaît maintenant par coeur les Quatre saisons de Vivaldi.

"Je peux vous laisser mes coordonnées ? Oui, je sais que vous recevez des centaines d'appels par jour, mais.... Bon tant pis, au revoir"
Monday Morning comprend que pour chercher un appartement il faut être réactif.

"A visiter cet après-midi ? Non mais là je suis à 500km alors ça va être dur... Ah... Au revoir alors."
Monday Morning comprend que pour chercher un appartement il faut être sur place.

"Ah, finalement tu ne peux pas m'héberger sur Paris avant le 15 juillet ? Bon...."
Monday Morning est dans la merde.

lundi 1 juin 2009

Plus ou moins seule

Trimballée dans un bus toute une matinée pour arriver en Belgique, y manger du chocolat puis y boire des bières. Là j'y ai aussi découvert que la nana que je considérais comme chiante est vraiment très chiante, et que je ne peux m'empêcher de mépriser un peu les filles maquillées à mort dès 5h du matin même si elles vont passer l'essentiel de leur temps à roupiller contre une vitre. Entrer en K-way et jean/T-shirt fatigués dans un restaurant gastronomique avec serveurs efféminés et dont la marque du slip dépasse du jean me met toujours mal à l'aise, mais déjà un peu saoule je m'assieds parmi mes camarades. Des filles parlent mariage. Une fois de plus je suis la seule célibataire dans le tas, et pourtant je ne suis pas la plus moche ni la plus chiante, ni la plus conne. "T'es pas assez réceptive" comme l'analysait ma mère, ce qui sous-entend qu'il n'y a pas marqué "open bar" sur ma tronche mais "attention je monte la garde".
Me marier me semble tellement étranger, au point qu'à la limite je me vois mieux élever un enfant seule que trouver le grand amour. Perdue dans mes pensées je saisis ma bière. Comme je n'ai pas fait attention en la versant dans mon verre, j'ai généré un champignon atomique de mousse. Huit centimètres de dioxyde de carbone emprisonné dans de l'eau surmonte mon verre, ce qui fait bien marrer mes voisins.

Le lendemain, dans le bus, après trois cafés et deux bières, je me laisse bercer par le bruit du moteur : les grandes gueules qui faisaient les fanfarons le sont beaucoup moins après une nuit très courte. Déjà on néglige de boucler nos ceintures, certains naviguent à vue dans l'allée centrale pour aller rendre visite aux voisins de derrière qui aimeraient pourtant somnoler tranquillement. Le ventre quasiment vide, je n'ai pas très faim, j'attends juste d'être rentrée. Mais une fois arrivée à Strasbourg, j'apprends que le chauffeur ne peut finalement pas me conduire à Mulhouse, car il ne m'avait pas comptée parmi les passagers (étant partie de Strasbourg à l'aller). Le chauffeur me jette donc du bus, m'abandonnant sur un parking à 21h30. J'ai quelques minutes pour nous rendre, moi et mes gros sacs, à la gare afin de prendre le train. La fatigue a cet avantage qu'elle rend les épreuves moins pénibles, car presque irréelles, vues à travers la brume du sommeil.
A la gare, j'appelle mon beau-frère à l'aide, le suppliant de venir me chercher à la gare de Mulhouse à 22h45. Dans le train, les vêtements et la mine chiffonnés après une journée dans un bus, toujours le ventre vide et les idées peu claires, je titube jusqu'aux "toilettes" pour me brosser machinalement les dents avant de rejoindre une place et m'affaler sur une banquette, mes sacs me servant d'oreiller. Seule, sans défense, je m'abandonne pourtant à la rêverie tout en gardant un œil ouvert au cas où.
Là je découvre enfin ce que c'est de voyager seule, de se débrouiller seule avec ses bagages, bref aperçu de ce qui m'attend prochainement. Cela n'est finalement pas si agréable que ça. Cette fois, quelqu'un m'attend encore sur le quai, mais je sens que c'est une des dernières fois. Alors je lui fais un grand sourire.

mardi 19 mai 2009

préoccupations

Hier j'ai raté mon arrêt de train.
En rentrant du boulot, remontant l'Alsace en train, j'ai quatre arrêts et je descends à Strasbourg. Mais pas hier. Hier j'ai juste vu passer l'arrêt Mulhouse, et après, plus rien. Le néant. Et pourtant je suis sûre que je n'ai pas dormi. J'étais juste déconnectée du réel. Lorsque je me suis à nouveau préoccupée de ce qui m'entourait, il était trop tard. J'ai juste réalisé que le train s'arrêtait à nouveau, et en regardant par la fenêtre j'ai vu marqué "Saverne". Le temps que je me rende compte que Saverne est au nord de Strasbourg, j'ai à peine eu le temps de rassembler mes affaires et de sauter du train.

Entre Mulhouse et Saverne je n'avais même pas remarqué que le train s'était arrêté, que des gens étaient montés ou descendus. J'ai essayé de me souvenir de quelque chose, d'une voix annonçant l'arrêt à Strasbourg, mais c'est le trou noir.
Alors j'ai dû prendre le train dans l'autre sens pour rentrer. Je sais que je suis du genre distraite et tête en l'air, mais d'ici à perdre conscience du monde qui m'entoure pendant une heure sans avoir souvenance de rien, ça ne m'était encore jamais arrivé.

Dans le train redescendant un bout de l'Alsace pour me ramener à bon port, j'ai cherché ce qui a pu me distraire à ce point. Fatigue, énervement, stress, et surtout la découverte toute à l'heure d'un mot d'insultes anonyme et bourré de fautes (même mon nom était mal orthographié...) de la part d'un cinquième qui apparemment me déteste. Sur le coup, j'ai ressenti une honte qui a fait que je n'ai pas parlé de ce mot à la prof principale de cette classe bien qu'elle m'ait ramenée à la gare en voiture à la fin des cours. Partagée entre mon devoir et la gêne, je n'ai rien dit et évidemment je le regrette maintenant. Il aurait fallu réagir tout de suite.

Je sais que ça fait partie des risques du métier, et inévitablement certains élèves nous haïssent, car quelque part c'est dans notre rôle d'être durs et exigeants avec eux. Quelqu'un me disait à juste titre "C'est un métier qui rend très dur. Car si tu n'es pas dur tu te fais bouffer".
Cependant, ces insultes ne m'ont pas fait de peine, car je ne suis pas idéaliste, et ça m'est bien égal d'être haïe ou aimée à partir du moment où j'ai ma conscience pour moi, et que je considère que j'ai à peu près fait mon boulot, c'est-à-dire leur enfoncer quelques maigres connaissances de base dans le crâne.
De toute façon, un prof qui dit que pour lui tout va bien et qu'il n'a jamais d'emmerdes ni de bruit dans sa classe est un menteur. L'autre jour devant le CDI j'ai été témoin d'une scène cruelle : le documentaliste, bonne pâte de service qui se faisait chahuter par des petits qui le traitaient comme un chien et se foutaient ouvertement de sa gueule sans qu'il ne s'en rende compte, ce qui les amusaient beaucoup. Ils ne lui montraient aucun respect. Et le documentaliste y allait de ses "chuuut chuuut allez ça suffit", me souriant avec un air gêné lorsque je passai devant lui et le troupeau d'élèves. Ce même documentaliste me confiait la veille "les gamins m'adorent !" Maintenant je sais qu'il essayait juste de s'en persuader.

Dans ce métier, il y a toujours un prof qui essaye de cacher ses problèmes, mais un jour tout finit par déborder : les hurlements venant de sa salle débordent jusque dans le couloir, les avions en papier et les emballages de bonbons débordent de sa poubelle...
Personne n'en parle mais tout le monde le sait, et regarde la victime en coin avec un air désolé, mais aussi avec une pointe d'orgueil car nous on s'en sort et pas lui. On est bien content de ne pas être le prof chahuté de service qui se traîne sa réputation sur plusieurs générations d'élèves. Alors on ne fait rien pour sortir le collègue de là, on préfère l'envoyer lâchement en pâture aux élèves. Un jour il bloquera les toilettes de la salle des profs où il se sera enfermé pour pleurer pendant la récréation.

J'espère de tout cœur que ça ne sera pas moi. En attendant je visite l'Alsace en train....

mardi 5 mai 2009

se servir de cobaye

Je suis arrivée devant le bar avec 40mn de retard. Je savais que ça allait finir comme ça à la minute où je suis entrée dans ma salle de bain pour me changer. J'étais alors comme engourdie. J'avais passé une bonne partie de la journée devant un écran, à conduire des voitures et à tirer sur des gens. Je n'avais pas vu le temps filer. Aucune idée de rien, ni de la température dehors, ni du temps, ni de la façon avec laquelle je voulais m'habiller. C'est avec une sorte de désespoir que j'ai saisi un pull rayé à capuche dans l'armoire, que je l'ai enfilé sur un autre pull noir, puis finalement sur un T-shirt blanc, puis finalement encore sur un autre pull noir, et enfin sur un T-shirt noir. J'étais alors presque à bout de nerfs. Mes cheveux n'étaient pas très propres mais il était trop tard pour y remédier. Et les minutes passaient et j'étais presque paralysée. Mes mouvements étaient inutiles, comme dans un cauchemar. On aurait dit que je faisais tout pour arriver en retard. Sur le chemin, j'ai voulu faire la maligne et je me suis égarée en voiture, j'ai tourné presque quinze minutes avant de trouver une place à plus de dix minutes à pieds du bar.
Presque au bord des larmes, je me suis dépêchée, j'ai marché le plus vite que mes jambes maladroites me le permettaient. Et bien sûr j'ai battu le record absolu de la nana en retard. J'étais tout à fait déconnectée du monde réel. Je ne me reconnaissais plus, j'avais l'impression de vivre ailleurs. Un sentiment de culpabilité m'a envahie. J'avais envie de pleurer.
Mais je crois inconsciemment j'avais envie que cela arrive. J'avais sûrement envie que quelqu'un m'attende, oui ça devait être ça. Comme je l'ai fait remarqué alors au cours de la conversation, j'ai l'impression d'être nulle part, de flotter entre deux eaux. Dans ma tête j'anticipe mon déménagement, ma modeste nouvelle vie, à tel point que je commence à me détacher de mon ancien mode de vie pour tendre vers celui que j'imagine avoir d'ici quelques mois. Et sur quoi est basé ce nouveau mode de vie me demanderez-vous ? Sur de la merde. Je crois que je rassemble tous les clichés que je connais sur les gens un peu décalés qui vivent seuls et que je les adopte les uns après les autres. Alors je me suis mise aux jeux vidéos, je traîne dans les rayons alcools des supermarchés pour regarder ce que je pourrais m'acheter, et je me complais dans un bordel ambiant. Parce que j'imagine que je vivrai ainsi. Peut-être car c'est le modèle que j'ai rapidement eu sous les yeux lorsque j'ai commencé à fréquenter des gens qui vivaient seuls. Je ne vais pas pouvoir m'empêcher de me détruire un peu. C'est sûr. Je vais sûrement me remettre à fumer pour de bon, acheter essentiellement des soupes et de la salade et manger des céréales bio. Mais comment puis-je savoir tout cela ? Est-ce ce que j'ai vraiment envie de devenir ? Comment est-ce possible de se demander comment on réagira, de ne pas se connaître à ce point ? Pourquoi est-ce que je passe tant de temps à me servir de cobaye ? Je crois que c'est trop tard pour être une gentille fille parfaite, comme mes sœurs, mais pourquoi forcément aller dans l'excès inverse ? Chercher la merde tout le temps, friser la catastrophe de justesse...
Toujours sur une corde raide, je peux tomber d'un côté comme de l'autre, entre les deux mon cœur balance. Et forcément avec le temps que je mets à me décider, je ne peux qu'arriver en retard.


mardi 28 avril 2009

Un disque RW

J'ai la neuvième symphonie de Beethoven qui me trotte dans la tête. Cet air m'obsède et j'ai envie de passer à autre chose. Alors je joue un morceau très fort sur ma chaîne hifi pour chasser Ludwig van de ma tête. Une autre chanson prend la place de la première. Et c'est toujours ainsi. J'empile les couches de musique dans ma tête. Je réinscris. Mon cerveau est un disque RW.

Il en est de même pour les situations gênantes. Je rejoue tellement le sénario dans ma tête que j'en arrive à ne plus distinguer le vrai de l'imaginaire. Ai-je vraiment vomi dans les narcisses ou est-ce encore un fantasme ? Est-ce que je connais réellement ces gens, ou est-ce à force d'élaborer des centaines de conversations avec eux que j'en suis arrivée à cette familiarité ? Je ne suis pas "folle" tu sais, peut-être un peu, euh, frustrée... Je n'ai
simplement pas évolué depuis le temps où j'avais des amis imaginaires en cinquième. En fait non, pas imaginaire, bien réels mais à qui je ne parlais pas. Toujours fascinée par la "cool attitude" tel un papillon de nuit attiré par la lumière artificielle d'un spot jusqu'à s'y cramer le bout des antennes. J'écris et réécris mon histoire jusqu'à en avoir une version potable.
Heureusement que mon cerveau est réinscriptible ! J'espère juste qu'il conserve mes brouillons quelque part...

jeudi 9 avril 2009

Des amis et une planche de bois

Mais arrêtez d'essayer de me consoler ! Ne me dites pas ce que je veux entendre. D'ailleurs je ne veux rien entendre. Il n'y a rien à dire. J'allais bien finir par partir. Ce qui me réconforte, c'est que mes amis ne sont pas faux-culs : avec eux pas de "on s'appellera" ni "on se fera des week-ends à Paris". Ils n'y font pas allusion, et profitent du fait que je sois encore dans le coin pour me voir. Ils sont contents, et se contenteront des fois où je serai dans le coin.
En voulant rattraper son billet de 20 € balayé de la table par une bourrasque, F. m'asperge d'une bonne partie de sa bière rouge et poisseuse parfumée à la cerise. Le liquide collant coule le long de la table pour s'engouffrer dans mon sac à main et imbiber mon porte-monnaie mais je ne m'en rendrai compte qu'en rentrant chez moi. Pour l'instant je profite du soleil et je suis sereine car heureuse de voir mon amie. Je puerai la bière dans tout le cinéma mais j'ai déjà vécu pire.


J'ai connu une fille que je n'oublierai jamais car c'était mon modèle absolu de la cool-attitude (indépendante, sensuelle, naturelle, fort caractère, inaccessible etc...) Cette fille n'avait pas de point d'attache, elle pouvait déménager presque du jour au lendemain selon son envie et les boulots qu'elle dénichait ici ou là. Lorsque je l'ai rencontrée pour la première fois, sûrement déjà un peu pétée, cette fille m'a garanti que je ressemblais terriblement à sa cousine, et nous avons donc commencé à nous appeler mutuellement "cousine". Je passe sur le fait que cette fille me fascinait, et que j'enviais sa spontanéité, son aura naturelle blablabla moi qui suis si terne blablablabla. Bref, cette fille trimballait dans ses affaires une planche de bois, à peu près 1m sur 50 cm, sur laquelle figuraient des petits mots des différents amis ou relations qu'elle s'est faits à travers ses voyages.
Moi-même, le cerveau complètement chamboulé par les différents produits que j'avais bus, fumés et surtout snifés chez elle une nuit d'hiver, j'y ai apposé ma signature précédée d'une déclaration d'amour.
C'est ainsi que j'ai, pour la première fois de ma vie, osé exprimer mes sentiments. Et il a fallu que ce soit sous la forme d'un pâté ressemblant à un "Je t'aime, cousine !" sur une planche en bois, et sous l'effet d'un taux anormalement élevé de sérotonine et de dopamine dans le corps. J'ai dû écrire ces mots vers 4h du matin. A midi, la honte m'avait déjà envahie. Heureusement, la fille idéale n'y a jamais fait allusion par la suite. D'ailleurs elle n'a pas tardé à se barrer de la ville, presque sans prévenir, emportant certainement la fameuse planche dans ses affaires.

Cette idée de planche m'est restée, et bien que je n'aie l'intention de ne m'installer que 500 km plus à l'ouest, j'ai bien envie de faire de même, demander à mes amis et connaissances de signer sur un bout de bois... Je la poserai dans un coin de mon minuscule appart, les gens qui passeront chez moi la regarderont, et peut-être qu'un jour l'un d'entre eux sera assez désinhibé pour y graver une déclaration d'amour dont il aura honte quelques heures après. Et je serais heureuse.

samedi 4 avril 2009

Grandir

Alors c'est ça grandir ? C'est tenir un verre de vin blanc dans une main, une part de Kougelhopf délicatement posé sur une petite serviette en papier pour ne pas faire de miettes dans l'autre, et discuter de sa grossesse et de son accouchement, détails techniques à l'appui, avec d'autres femmes ? Si tel est le cas, je crois que je ne suis pas encore prête. Et pourtant, c'est au milieu de ces femmes que je me suis retrouvée coincée hier, verre de vin blanc trop sucré de rigueur après le conseil d'administration. De toute façon je n'avais pas le choix, c'était les femmes ou le principal du collège. J'ai regretté mon choix quand elles ont commencé à parler de leurs vergetures "J'te jure, j'ai éclaté comme un pop-corn, j'avais des vergetures qui apparaissaient de partout !" et de se lancer dans des bruits de pop-corn qui éclate.
J'aurais préféré une bière. J'aurais préféré être ailleurs. J'aurais préféré ne pas revivre la palpitante évolution de la dilatation de leur col de l'utérus.

La veille, j'étais à un concert et j'ai encore ressenti le besoin vital de me marier avec le chanteur. De cette expérience aussi j'en ai déduit que je n'étais pas encore prête pour grandir...
La semaine dernière j'en ai aussi profité pour revoir des potes. Des soirées comme je les aime : à quinze au 17è étage d'un appart à proximité de la fac, je parle à peine à la moitié des gens mais je les aime tous. C'est con mais j'arrête pas de me dire "il n'a pas changé", comme si ça faisait dix ans que je ne les avais pas vus. Juste dix mois... Et d'ailleurs je ne vois pas pourquoi ils changeraient.
E. par
le toujours de politique, et finit la soirée en critiquant le patronat, J. commence très vite à picoler, puis à être câlin avec une fille quelconque, avant de finir la soirée chagrin à boire du café dans la cuisine et à nous expliquer combien il est amoureux de sa copine qui est parfaite. Il y a ensuite toujours un petit groupe qui se met à part pour faire de la psychologie de comptoir, genre "comment sait-on si on est amoureux" et je ne peux jamais m'empêcher d'y fourrer mon nez et attendre le bon moment pour faire une remarque cynique et méprisante.
Ma
is la vérité c'est que j'ai un cœur de pierre. Et pourtant j'étais contente de les voir. J'étais tellement contente que mon verre se remplissait constamment. Je les aime, ces étudiants qui vieillissent avec le bon vin. Je n'aurais pas voulu que la soirée se termine, je n'aurais pas voulu rentrer chez moi. Ici ce ne sont pas des miettes de Kougelhopf, mais de la cendre et de la bière qu'on risque de mettre par terre. Et on n'a pas de serviette en papier mais de l'essuie-tout. On met la musique tirée de Deezer trop fort. On est quinze dans un petit appart et on refait le monde.

Pour me remonter le moral, je pense à ces soirées, et je sirote mon vin blanc. Le monde dans lequel ces femmes vivent me semble bien étranger et bien lointain du mien. Le seul point commun : quand j'estime avoir assez picolé, je me casse. Sans dire au revoir à personne.


samedi 28 mars 2009

Education nationale mon amour

En ce moment je suis très préoccupée par ma mutation, et ce fameux mouvement intra-académique. J'esplique : à la rentrée je suis mutée dans la fameuse académie de Créteil, (le purgatoire des profs) qui comprend trois départements : Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne et Seine-et-Marne.
Là en gros il faut que je "choisisse" (c'est un mot optimiste) l'endroit où je "veux" être affectée l'an prochain. Tous ceux qui vont bouger dans Créteil font partie du "mouvement" et disposent d'un certain nombre de points en fonction de l'ancienneté, de la situation familiale, du type d'établissement dans lequel on travaille etc...
On doit faire 20 voeux. Evidemment, celui qui a le plus de points passe en priorité. A égalité de points c'est l'âge qui départage (le plus vieux gagne).
Comme je suis nouvelle, que je n'ai aucun points de Pacs, et que je suis une des plus jeunes de l'académie, je dispose du nombr
e minimum de points (21) sauf sur mon tout premier voeu (71). Pour faire simple, si mon premier voeu n'est pas accepté, je suis bais*** et je me retrouve remplaçante dans un endroit tout pourri où personne ne veut aller. C'est aussi facile que ça. C'est pourquoi mon premier voeu est décisif. Il ne faut pas que je sois trop ambitieuse sinon il ne sera pas accepté, mais il ne faut pas non plus que ce soit un voeu suicidaire sinon j'aurai gâché mes points pour que dalle.
En ce moment je change de stratégie toutes les heures. Une fois je me dis que je veux être remplaçante en Seine-et-Marne, une autre fois que je veux avoir un poste fixe en Val-de-Marne...

Je suis une girouette. Une fois je veux être loin de Paris (question de loyer), une fois je veux être plus près de Paris (question sorties), une fois je me dis que j'accepterais d'être en ZEP, une autre fois je me dis que je craquerais vite en ZEP.
Sachant que si je choisis un établissement classé merdique, j'accumulerai rapidement des points qui suffiront à me barrer d'ici trois ou quatre ans, mais si je suis dans un établissement qui craint moyennement, je devrais attendre dix ans avant d'espérer avoir mieux.

Je déteste l'idée de n'avoir aucune prise sur mon desti
n, l'impression qu'on mettra tous nos noms dans un sac et qu'on tirera au sort. Alors on me dit "être prof c'est la belle vie". En attendant, des gens vont décider de mon avenir à ma place, et daigneront m'en informer à peine quelques semaines avant la rentrée, me laissant moins d'un mois pour trouver un appart en Ile de France (faciiiiile) et déménager illico presto. On me dit "tu verras, y a une super ambiance parmi les profs de ZEP" ou "surtout il ne faut pas le prendre à coeur, il faut avoir vachement de recul" ainsi que "n'espère pas faire cours : l'objectif c'est que l'heure se passe bien, si t'arrives à les garder en classe sans que ça dégénère tu as gagné". J'ai aussi entendu "Quand tu entres dans ta salle, tu as 10mn pour marquer TON territoire. Ca ne doit jamais devenir le territoire des élèves. Si les élèves gagnent ce combat, tu vas souffrir pendant un an".

Viennent ensuite les questions habituelles "Eh, t'as vu Entre les murs ?" et "Eh, t'as vu La journée de la jupe ?"
Nan j'ai pas vu ces putains de films, foutez-moi la paix. Ce que j'ai vu, c'est la liste de tous les collèges classés "plan violence" d
ans l'académie, et là je peux dire qu'il y en a un paquet...


dimanche 15 mars 2009

Des journées comme ça

Hier Alain Bashung meurt, au même moment j'achète une voiture et tombe amoureuse du vendeur. Il y a des journées comme ça, tout va de travers.
Ça avait pourtant bien commencé. J'ai fait le tour des concessionnaires, journée portes ouvertes oblige. Je sers les habituels "Ahlalala je sais pas, j'hésite... Vous savez, c'est ma première voiture, et vous concurrents me font une meilleure offre...." Puis je vais chez le concurrent et je redis la même chose, jusqu'à faire baisser les prix.
Et là, je tombe sur un jeune-homme charmant dans tous les sens du terme. Je pourrais passer des heures à trouver des qualificatifs, mais pour faire simple on pourra dire qu'il correspond à 100% à mon idéal masculin. En fait, jusqu'à présent je ne pensais pas avoir d'idéal masculin et trouvais même l'idée stupide. Mais je n'avais pas encore rencontré "Machin". Quand il m'a
vue, il a vite compris qu'il lui serait utile d'user de tous ses charmes pour me convaincre.
Oh, il n'avait pas grand chose à faire de toute façon. Un sourire modeste et une petite blague et c'était gagné. Tout l'art du commercial : faire croire qu'on laisse une liberté totale au client, aller jusqu'à vanter les mérites de ses concurrents, le meilleur moyen pour que le client vous estime "honnête" et revienne vers vous au final.
Faire croire au client qu'on lui fait une fleur exceptionnelle, qu'on va se faire engueuler par le patron mais qu'on lui fait quand même la remise... Et quand on est au téléphone avec ledit patron, flatter le client en disant des choses comme "Et la cliente est charmante, elle est étudiante, il faut
l'aider !" ('tain j'ai une gueule d'étudiante... tu m'étonnes que mes élèves soient familiers avec moi)
Et là j'ai honte mais je n'ai pas réussi à ne pas me faire avoir. C'en était trop. Le sosie français de Wentworth Miller mais en moins poseur qui vous qualifie de "charmante", il m'était impossible de ne pas craquer. Seule avec le beau gosse dans la concession illuminée par le soleil qui a enfin fini par percer, je me sentais apaisée.
C'est un peu comme le syndrome de Stockholm : je tombe amoureuse du tortionnaire qui vide de façon cruelle mon compte
en banque. Mon côté masochiste qui ressort encore une fois. Après il a fallu choisir la couleur de la voiture. Alors on a fait un tour dehors pour regarder les différentes teintes au soleil, mais le nuancier en mains, c'est la couleur des yeux du jeune-homme que je redécouvre. Ils avaient l'air bleus mais en fait ils sont verts. Avec un sourire en coin, je glisse "ah oui, au soleil c'est autre chose quand même". Dehors il fait bon. On parle de météo. Le jeune-homme est détendu, il a fait une affaire aujourd'hui. Quant à moi, je fonds comme un côné glacé sorti du réfrigérateur.
Retour dans son bureau, on plaisante, puis je signe et me dirige vers la sortie, il m'accompagne dehors, je suis éblouie pa
r le soleil. En baissant les yeux vers la flaque poisseuse que je devenue, il dit qu'il ira peut-être faire du vélo après avoir fermé boutique. Moi aussi j'aurais aimé faire du vélo par ce temps-là. Là je me dis que si je ne m'étais pas liquéfiée j'aurais déjà tenté quelque chose, ou au moins jeté une perche, mais je ne suis pas assez audacieuse pour me lancer à la conquête d'un commercial charmeur et manipulateur qui a été recruté pour ses beaux discours et son physique avantageux, qui selon toute probabilité doit vivre depuis six ans avec une fille au physique de top model qu'il a rencontré à son club de gym.
Alors il me dit "à bientôt !", me tend une main que je m'empresse de saisir. C'est l'heure de le quitter, alors je m'en vais mais me retourne une dernière fois pour le saluer en secouant la main comme je le ferais si c'était un ami, et lance "bonne soirée !" avec un grand sourire avant de retrouver ma morne existence, un poids en moins sur le compte en banque mais un poids en plus sur le cœur.

Le soir, c'est concert. Comme d'ha
bitude j'y vais toute seule, j'achète trois tickets pour commander des bières, et je me promène d'une salle à l'autre. J'évite des jeunes ados surexcités qui regrettent que "personne ne pogote", déplorant que "c'est même pas marrant". J'ai un pincement au cœur lorsque je compte qu'il y a cinq ans j'étais à leur place, mes premiers concerts, déjà seule. J'étais alors pas loin d'être la plus jeune du public, et j'avoue que j'en retirais une certaine fierté. Maintenant je ne découvre plus les groupes locaux car je les connais déjà. Je me fais d'ailleurs la réflexion que je les ai découverts dans des salles qui sont maintenant fermées. Misère... J'me fais vieille, je pense au passé. Chercher une bière, me frayer un passage dans le public, me renverser une bonne partie de la boisson dessus à cause d'un inévitable coup de coude, ces gestes sont devenus des réflexes. Mais toujours silencieuse. Personne à part le videur ne me parle. D'ailleurs je ne parle à personne non plus. C'est d'une logique infaillible. Je me contente d'écouter les chansons des groupes locaux, mais j'ai plus l'impression d'écouter des reprises d'artistes dont ils sont fans que leurs propres compositions.
On est en mars. Bientôt je déménagerai. Je m'installerai quelque part en Ile de France. J'irai seule à d'autres concerts voir d'autres groupes locaux. Ça ne me changera guère d'ici finalement. Et au moins j'aurai
une voiture. Couleur "sable bivouac". Comme sa veste.

mardi 10 mars 2009

Bon trimestre, mais un certain manque de maturité...

Mes élèves, dimanche après-midi, en ouvrant leur agenda : "Eh meeerde, y a un contrôle de physique demain, j'ai complètement zappé !! "
Moi, dimanche après-midi, en ouvrant mon agenda : "Eh meeerde, faut que je prépare un contrôle de physique pour demain, j'ai complètement zappé !!"

Pendant ledit contrôle :
Un élève : "Madame, j'ai oublié ma calculatrice, je peux utiliser la calculatrice de mon I-phone ?"
Moi : "Ah bon, y a une calculatrice sur l'I-phone ?"
L'élève : "Ben oui !"
Moi : "Ah oui, tiens, c'est marrant ça... Tu es sûr ?"
Un autre élève, toujours pendant le contrôle : "Mais oui, c'est vrai madame, j'vous jure ça fait calculatrice"
Moi : "Ah ben ok, ça m'étonne un peu, mais bon, puisque vous le dites"
L'élève : "Et alors, je peux sortir mon I-phone ?"
Moi : "Euhh, ben je préfèrerais pas, non... Bon allez, silence maintenant einh !"

Moi, pendant un autre cours : "Et alors, cet atome il dit à l'autre atome : ouais vas-y, donne-moi ton électron ! Donc l'atome qui a piqué l'électron de l'autre, ben il se retrouve avec un signe - et il est content, il est devenu un anion.... Vous avez compris ?"
Les élèves : "..."


Moi : "Et donc un oscilloscope c'est comme l'appareil qui vérifie les battements du cœur de quelqu'un, comme dans Urgences ou Dr House vous savez, quand le gars est mort y a un point qui se déplace sur l'écran en faisant tuuuuuuuuuut ben là c'est pareil sauf qu'au lieu de brancher un gars dessus, on branche une pile de 4,5V, bon c'est sûr, c'est beaucoup moins palpitant.... et ça fait pas de t
uut ..."
Les élèves : "..."

samedi 7 mars 2009

top 6

Le top 6 des plans pour éviter de voir quelqu'un le soir tout en se donnant bonne conscience :

n°6 : envoyer des SMS puis "oublier" d'allumer son portable pendant tout le week-end et ne pas répondre aux mails, puis s'excuser le lendemain en prétextant qu'on était "cloué au lit par une crève" Ce n'est pas la solution la plus élégante je le concède...

n°5 : invoquer une excuse qui fait sérieux mais qui est en même temps invérifiable. Exemple : "je peux pas, j'ai un conseil de classe" ou "je peux pas, je suis de garde en oncologie".

n°4 : donner la confirmation d'un rendez-vous quinze minutes avant ledit rendez-vous, sachant que la personne habite à trente minutes en voiture dudit lieu de rendez-vous.

n°3 : inviter la personne chez soi, sachant qu'on habite un coin difficile d'accès, et non déservi par le tram ou le bus après une certaine heure.

n°2 : proposer des heures de rendez-vous incongrues qui emmerdent tout le monde, si possible autour des heures de repas du genre 18h30 ou 20h, surtout si la personne en question a une vie de couple ou de famille.

n°1 : prétendre qu'on a juste quelque chose à faire "en vitesse" avant le rendez-vous, tout en laissant comprendre que ça va prendre des plombes, histoire de décourager la personne qui s'imagine déjà faire le pied de grue dans le froid. Exemple "Ça marche ! Il faudra juste que je trouve un cadeau d'anniversaire pour Machin, bon, j'ai pas trop d'idée là mais je trouverai bien quelque chose..."

Je précise que c'est du vécu...
Ça fait en effet quelques semaines que quelques personnes et moi jouons à ce jeu-là, sans qu'on admette qu'on n'en a pas grand chose à foutre de savoir ce que les autres deviennent. On se renvoie la balle et les excuses, reste à savoir combien de temps la partie durera.