mercredi 30 avril 2008

L'apéro

J'aimerais bien que ma mère m'explique pourquoi je suis une alcoolique en devenir, puisque moi-même je ne suis pas au courant...
De toute façon, même si tout allait parfaitement dans le meilleur des mondes il faudrait bien qu'elle trouve quelque chose pour se ronger les sangs : s'inquiéter à la place de ses enfants, ça doit être ça le principe de la maternité.

D'autant que -faut arrêter- je suis très loin loin loin d'être accro à quoi que ce soit. Et des alcooliques aux mains tremblantes j'en connais, à commencer par celui avec qui j'ai même passé l'essentiel de mes week-ends ces dernières années.
Ce qui me faisait le plus de peine, c'était le voir tenter de se rouler une clope à 14h, une heure après le lever, trois heures avant d'avaler quelque chose de solide, et juste avant son premier "apéro" : plus il crispait ses doigts sur le maigre papier à cigarette, plus forts étaient ses spasmes. Alors il commandait un café et un kir. Lorsqu'il saisissait l'anse, il foutait du café partout, et le fond de la tasse heurtait trois ou quatre fois la coupelle le temps qu'il soulève la tasse qui poursuivait dans les airs son chemin périlleux vers ses lèvres. Je ne pouvais m'empêcher de poser mon regard sur ses mains.
Au début je ne faisais pas le lien, d'autant qu'on se voyait le soir, lorsqu'il avait déjà pris "l'apéro".
Par la suite, je pouvais savoir l'heure rien qu'en regardant ses mains, je pouvais deviner combien de verres il avait déjà bu en évaluant la fréquence de ses tremblements. Tiens, plus rien ne bouge à l'horizon, il doit être 18h, cinq kirs et peut-être deux verres de vin.
J'avais l'impression qu'il passait sa vie enfermé chez lui ou dans des cafés, sa putain de vie n'était qu'une suite "d'apéros" ...
Comment nier que t'as un problème alors que tu ne contrôles même plus tes propres mains ?!
Quand je le voyais trembler, j'imaginais son foie se battre contre l'éthanol et autres dérivés polyglycoliques, j'imaginais ses reins fonctionner à plein régime, son coeur tenter d'assainir le bazar, son sang transporter des triglycérides qui seront planqués en vain sous le tapis. Je disais en plaisantant que ce n'était pas le moment de rechercher les Gamma GT dans une analyse sanguine...

Quand j'ai maladroitement essayé de lui expliquer pourquoi j'avais décidé qu'on devrait arrêter notre relation, j'ai une fois de plus fixé ses mains, n'osant cette fois pas le regarder dans les yeux. Il était 15h, et peut-être deux verres de rouge.





samedi 26 avril 2008

Comme une voleuse

Si tu ne viens pas avec nous, c'est comme si tu partais comme une voleuse.
Oui mais moi je ne suis pas vraiment encore prête pour tout ça. Déjà, je n'aurais jamais dû me retourner, je n'aurais pas dû prêter attention à cette fille à l'extérieur du bar, un Picon à la main, et qui m'a invitée à la rejoindre de l'autre côté de la rue pour lui parler. J'aurais mieux fait de poursuivre mon chemin vers ma voiture, déjà qu'il était tard, au lieu d'entrer dans son jeu et de me laisser embrasser. J'aurais dû faire mine de résister lorsqu'elle a plaqué mon petit corps tremblant contre une porte bleue d'un immeuble à côté du bar, où habite un certain "Antoine" d'après la sonnette.
Toutes ses copines lesbiennes gloussaient à côté de nous. Elles se demandaient pourquoi maintenant j'avais ma
langue dans la bouche de leur copine alors qu'il y a 5mn je n'existais pas.
D'ailleurs moi non plus je ne comprenais pas trop. En plus, pour une fois j'avais pas trop picolé. Enfin sur le coup je m'en foutais un peu. Ça faisait longtemps que quelqu'un ne m'avais pas fait des baisers dans le cou, alors pour une fois que ça arrive j'ai tendance à en profiter.
N'empêche, ça ne me ressemble pas en gé
néral de me laisser allumer comme ça en pleine nuit à la sortie d'un bar...

Toujours est-il que la fille qui m'a mis le grappin dessus insiste pour que je l'accompagne elle et sa bande de filles en chaleur, continuer la soirée. Pour moi, il en était hors de question.
Ça fait au moins une heure que je rêve d'être enfouie dans mes draps. Un type rencontré au concert m'en a déjà empêché. " Alors comme ça, toi qui est fan du groupe, tu te casses à la dernière note de mu
sique ? Ben viens donc, on va fumer une clope avec eux ! "
Donc j'ai fumé une clope avec eu
x. Quelle faible créature influençable !
Les gens ont décidé que ce soir c'est le grand soir, il ne fallait surtout pas que je rentre me reposer. C'est beaucoup plus intéressant de faire la fête.

La fille m'empêche de passer. Elle ne cesse de vouloir m'embrasser, me câliner. Lassée, je tente de me dégager. Je lui explique qu'il est absolument impossible que je l'accompagne ce soir. Elle mendie mon numéro de portable.
Je bloque : le ferai-je ou ne le ferai-je pas ?

Je rétorque que je ne la connais même pas, que d'habitude je sais le prénom des gens avant de leur rouler une pelle....
En outre, ce que je ne lui dis pas, c'est que je n'ai pas vraiment envie de justifier à tous mes amis et camarades le fait que
je sorte avec une fille. Je n'ai pas le courage d'assumer ça pour l'instant. Je n'ai pas encore analysé la chose. Je ne sais pas s'il est socialement admis qu'on puisse être amoureux indifféremment d'un homme ou d'une femme, fait qui me semble pourtant depuis un bon moment hautement logique et naturel.
Pourtant, je sais par avance que même si une aventure (brève ou non) avec la miss me semble plutôt attirant, je serai obligée de cacher notre relation, ce qui me semble compliqué étant donné qu'elle est étudiant
e sur le Campus comme moi....

Je lui présente donc mon fameux exposé habituel : un jour où l'autre je me rendrai compte que je ne suis pas vraiment (ou vraiment pas) attirée par toi, alors autant oublier tout de suite.
J'opte en fait pour la solution de facilité : je m'enfuis effectivement comme une voleuse, sans lui laisser mon numéro de portable, sans prendre le sien. Cet épisode n'a jamais eu lieu, je ne suis qu'une passa
nte certes un peu immorale qui marchait dans le coin à ce moment. D'ailleurs personne n'envisage que je suis capable d'embrasser des filles dans la rue. On ne me croirait même pas...
Et pourtant, partout où je passe, je laisse traîner
mon prénom. Comme il est plutôt "original", les gens le retiennent bien. Je sème des morceaux de moi en ville, mais personne ne possède le puzzle complet : on me retrouve sous plusieurs étiquettes. Je commence quelque chose, puis soudainement je tourne le dos et poursuis ma route vers d'autres horizons qui n'ont rien à voir.

Alors en tournant le dos à cette fille, la laissant désappointée sur un bout de trottoir à 2h40 du matin, j'espère juste que l'alcool qui l'a rendue décontractée et décomplexée au point de m'allumer comme ça, lui fera aussi oublier mon visage.


mercredi 23 avril 2008

Mon coeuuuuur mon amour

Je suis assise sur le canapé, une Pina Colada à moitié vide dans la main, la paille en bouche, et j'aspire en coinçant celle-ci entre mes dents afin de limiter le flux d'alcool descendant dans mon gosier. A ma gauche, deux couples. En face de moi, deux couples. Ma soeur ne boit pas d'alcool. Je découvre pour la première fois ce sentiment d'énervement dû à la présence de quelqu'un qui refuse de boire, ne partageant donc pas ainsi l'ambiance d'ébriété commune. Elle ne peut pas comprendre, elle ne peut pas relativiser, ni oublier ; elle ne peut pas pardonner...
Le niveau blanchâtre descend régulièrement
dans mon verre, laissant une mousse de lait de coco collée sur les bords.
Du coin de l'œil, j'aperçois à ma gauche des mains qui se cherchent, des caresses. Ça m'exaspère. Irritée, je détourne le regard mais je suis cernée. En face de moi c'est pire puisqu'il s'agit de ma sœur et de mon "beau frère". Une semaine déjà que je subis les "mon cœur" "mon ange", les "moi aussi je t'aime mon amour". Je n'en peux plus.
Je commande une autre Pina Colada, ce qui ne passe pas inaperçu, les autres n'ayant pas encore bu la moitié de leur cocktail. On se
moque gentiment de moi et de ma descente inhabituelle pour eux. On m'appelle "Bob l'éponge". Ha-ha-ha.

Ce soir je suis mélancolique, je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce que déjà au dîner j'étais en bout de table, avec personne en face de moi, et mon voisin me tournant quasiment le dos pour causer avec le centre de la table. Et pour causer de quoi ? De sa chérie qui a mal pris une remarque d'une amie de ce groupe d'amis de ma sœur que je découvre depuis une semaine.

Ça m'énerve tous ces gens qui sont capables d'aimer au point de devenir fous si l'avion du retour a quelques heures de retard. Ils s'aiment tellement qu'ils vivent ensemble et envisagent d'acheter une maison. Lorsque mon "beau frère" se jette sur ma sœur pour lui faire plein de bisous bien sonores je craque. Je finis mon cinquième et dernier cocktail cul sec, et je prétexte une grosse fatigue pour quitter le lobby de l'hôtel et me diriger au plus vite vers ma chambre. Je me dépêche de l'atteindre, la frustration me dévorant les tripes. Après avoir fermé la porte, je m'écroule enfin, ne cachant plus mes larmes. Je me laisse aller au plus primaire besoin d'évacuer ma rage, ma jalousie, mon sentiment stupide d'injustice et d'abandon. Je pleure comme une gamine à qui on refuse un jouet que tous les autres possèdent.
Moi aussi je veux m'amuser !

vendredi 11 avril 2008

Sur le trottoir

Je suis restée un moment dans la voiture. Phares éteints, moteur coupé, simplement à la regarder. Au bout d'un moment, je remets le contact pour pouvoir ouvrir la vitre à moitié, afin de mieux l'observer. Il faut dire que je suis assez loin d'elle, garée sur le terre-plein central du boulevard. Je l'épie alors qu'elle s'approche des voitures qui ralentissent en arrivant à sa hauteur. Certains s'arrêtent.
Alors elle se penche à la fenêtre qu'on ouvre côté passager, puis elle se recule pour laisser la voiture repartir.
Ce petit jeu a lieu deux ou trois fois en à peine dix minutes. Entre temps, un type qui marchait dans la rue s'est approchée d'elle alors qu'elle ramassait ostensiblement son opulente poitrine pour mieux la fourrer dans son soutien gorge distendu par la masse graisseuse qu'il doit supporter chaque soir.
Ils discutent. Je plisse les yeux pour tenter d'apercevoir son visage, mais il fait trop sombre.
Le type finit par passer son chemin, balançant le sachet qu'il tient à la main au rythme de sa marche, tentant d'afficher un air décontracté.
Une autre voiture s'arrête. Puis repart. On dirait que les affaires ne marchent pas fort ce soir.

Fatiguée, un peu éméchée et curieuse, j'ai presque envie de sortir de ma cachette pour aller lui parler. Fascinée par la dame. Puis je me dis que c'est absurde.
Je m'apprête à démarrer lorsque je vois que le type au sachet retourne discrètement sur ses pas. Il hésite. Il se retourne. Regarde autour de lui.
Finalement il se décide à faire demi-tour pour revenir lui causer. Ils discutent un moment, puis il sort de sa poche de l'argent, le lui donne. Après quelques hochements de tête, il lui indique une direction, et tous deux s'en vont côte à côte.

Un sentiment de satisfaction m'envahit. Aussitôt j'en éprouve de la honte. Satisfaite de quoi au juste ? Rassurée de constater que le monde tourne rond ? Les putes trouvent des clients, les jeunes se saoulent et les vieux regardent la télé. Les riches sont encore plus riches et les pauvres encore plus pauvres : dormez sereins brave gens, la révolution n'est pas encore pour aujourd'hui ! Pour l'instant tout est normal, la vie suit son cours comme prévu, et ça fonctionne très bien ainsi depuis des siècles.

En passant à leur hauteur, je ne peux m'empêcher de ralentir pour voir son visage, croiser son regard. Elle est assez jolie, ses traits sont fins. Je crois percevoir une expression de lassitude dans ses yeux que je fixe dans mon rétroviseur. Mais ceci doit être simplement dû encore une fois aux automatismes de pensée nourris par les clichés habituels....

vendredi 4 avril 2008

Trop c'est trop

Je commence à en avoir marre de ces personnes qui vous font miroiter de belles amitiés pour se défiler et vous oublier vite fait. Dans ces cas là j'ai juste envie de me barrer, de m'enfuir loin loin loin, histoire de chercher quelque chose, n'importe quoi mais autre chose, ailleurs. Plus envie d'être déçue, d'avoir l'impression d'être dans une sorte de bien-être social beaucoup trop bancal.
La lassitude me gagne, un peu fatiguée de chercher avec espoir à contacter des
gens même si on sait qu'ils ont autre chose à foutre. Des SMS un peu comme des bouteilles à la mer : Is anyone there ?

Je ne supporte plus de traverser la ville toute seule, de manger seule à midi, de sortir seule le soir, de parler toute seule, de me coucher seule.

Marre de m'enfuir en permanence, de me dépêcher toute la journée pour rien : même pas pour moi parce que je m'en fous de moi. Marre de courir après quelque chose qui ressemble à une bonne conscience en me forçant à viser à peine plus loin que le bout de mon nez de peur d'être trop effrayée par les perspectives futures.
Je tourne tellement en rond que c'en est écoeurant, cette routine même pas encore bien établie m'exaspère.

Dans le bus, on parle d'avoir un appartement à soi. Je prétends que vivre chez les parents c'est vraiment le pied, mais je n'en pense malheureusement plus un mot. Je m'ennuie. J'ai envie d'avoir un frigo rempli de légumes, de pain complet, de yaourts 0% et de champagne. J'ai envie d'inviter des gens chez moi et d'attendre le lendemain pour faire la chasse aux capsules jaunes de Météor.

Je me sens parfaitement inutile, juste bonne à dépenser des thunes en photocopies de bouquins que je ne lirai de toute façon pas. Alors ça, pour le coup je suis devenue la reine de la photocopieuse, je maîtrise parfaitement le recto-verso deux pages sur une au format 1A4, deux colonnes-une ligne inversé images multiples pourcentage de réduction automatique le tout dans le chargeur si les feuilles ont le bon format, et roule ma poule.
Traitement des données en cours...
Veuillez patienter.