lundi 29 décembre 2008

Faire partie du passé

C'était comme revenir sur le lieu de son crime. Une foule de personnes dont je connais la tête mais dont je ne me rappelle plus le prénom. Oui, je me souviens de cette fille avec les poches sous les yeux. Je me rappelle avoir débattu avec elle des ondes de four à micro-onde entre deux verres, avant de lui demander une aspirine. C'est drôle comme on se souvient toujours du moment où on arrive chez les gens, avec un peu de bonne volonté on visualise même le canapé où on a posé ses fesses, mais jamais du moment où on a levé ces mêmes fesses pour repartir.
Toujours est-il que quand j'ai poussé la porte métallique qui étouffait les basses de cette "musique de sauvages" je me suis sentie en terrain hostile.
On me jetait des coups d'œil en coin. J'ai néanmoins claqué la bise à quelques personnes qui se souvenaient de moi, me contentant d'un "salut ! ça va et toi ?". Mal à l'aise parmi des gens que je n'avais pas vus depuis au moins deux ans, et qui commençaient tous leur première phrase par "tiens, t'as coupé les cheveux !".
Oui, j'ai coupé les cheveux, j'ai un boulot à vie, j'me suis rangée les gars.

Soudain, une fille avec une doudoune fuchsia m'agrippe le bras avec un grand sourire "Salut, tu te souviens de moi ?" Non je ne me souviens absolument pas d'elle. Je le lui avoue piteusement. Elle me dit être une amie de Machin et Chose mais je ne la remets pas, ce qui n'est pas bien grave. Il faut dire que quand j'étais avec N. j'ai du faire un gros effort pour mémoriser d'un coup des dizaines de prénoms, et vu le contexte souvent alcoolisé ce n'était pas chose évidente.
Après de longues minutes de solitude, je me décide à m'approcher de S. pour lui faire la bise. Toujours aussi décharné, ses traits sont tirés, et les rides de son visage semblent encore plus marquées que "jadis". A le voir sous cet éclairage ingrat, on lui donnerait facilement dix ans de plus. C'est marrant mais je n'avais pas l'impression qu'il avait l'air si vieux...
Au bar, je connais le type qui me sert ma bière. Il me dit, tout en surveillant la mousse "on s'est déjà vus quelque part". Je confirme, juste avant qu'il ne retrouve mon prénom. C'est marrant mais à l'époque, il parait que ce type m'adorait, je n'ai jamais compris pourquoi. La première fois qu'on nous avait présentés et que nous avions échangé quelques paroles, je lui avais fait extrêmement bonne impression, et il était surexcité les rares fois où l'on se croisait. C'est drôle que je sois passée de ce statut d'idole à celui de la fille qu'on a déjà dû croiser quelque part.
A part ça, je suis seule, on ne s'approche pas de moi, d'ailleurs on s'en fout de moi. Je prends alors conscience que si tous ces gens voulaient bien me parler, c'est parce que j'étais "la nouvelle copine de". Un temps, j'ai voulu croire qu'on avait certaines choses en commun, mais maintenant j'ai compris qu'en fait je n'étais qu'une pièce rapportée.
Enfin, une de ses exs qui à l'époque semblait me vouer un mépris indécrottable s'approche de moi pour me faire la bise. Charmante, elle demande de mes nouvelles, s'enquiert de ce que je deviens. Je lui raconte un bout de ma vie et elle m'écoute gentiment.
Enfin quelqu'un qui semble ne plus avoir de rancœur. C'est que nous avons un point commun maintenant : nous faisons toutes deux partie du passé.


dimanche 21 décembre 2008

Bientôt Nouvel an

Ça fait maintenant un peu plus d'un an que j'ai commencé ce blog. Et voilà que le temps des bilans arrive... avec Nouvel an.
Je me souviens que l'année dernière, à la même époque, je me posais aussi la question du bilan. J'en parlais d'ailleurs avec L. dans ce fameux bar où il y a mon prénom sur un mur (si si je vous assure, c'est vrai). J'évoquais le Nouvel an, et nous avons entamé toute une conversation debout en attendant que de la place se libère. Je lui expliquais que je n'aime pas le 31 car je n'aime pas me sentir obligée de faire la fête. Je supporte mal devoir faire semblant de m'amuser.
Et en plus je me sens contrainte de me bourrer la gueule pour me détendre.
J'ai de très mauvais souvenirs de Nouvel an. Cette période représente un stress pour moi, le fait de devoir s'incruster à une fête de peur de passer la soirée chez ses parents à regarder un film et se coucher à 23h.

C'est aussi à cette occasion que j'ai trouvé les mots pour raconter à L. cet étrange sentiment que j'avais de me sentir en dehors de tout ça, de ne pouvoir m'empêcher d'adopter un regard extérieur et distant, comme si je planais au-dessus de la foule :
il m'arrive de me sentir soudain comme une étrangère. Alors je m'enferme dans le silence, et mes pensées défilent à toute allure, et j'ai envie d'être devant mon ordinateur et de l'écrire sur mon blog parce que ça sonne vachement bien.
Tandis que je déballais tout ça, je me suis sentie libérée, c'était la première fois que je trouvais une oreille attentive et qui avait l'air de me comprendre. Je m'accrochais à lui comme à une bouée de sauvetage. A chaque fois que L. et moi retournions dans ce bar, j'étais étrangement bien .
Avec le recul, je crois que nous ne nous aimions pas, nous aimions juste ce bar, nous aimions ces murs avec mon prénom dessus.

Nouvel an 2008... Quelques jours après, je me baladais dans les rues avec une fille, j'avais une bouteille de champagne à la main, et elle essayait de me convaincre de rester dormir chez elle. J'étais heureuse parce que cette fille m'invitait à des soirées avec des gens cools. J'aime côtoyer des gens cools et même si au final je ne les connais jamais vraiment, je me contente d'avoir l'honneur de les reconnaître et saluer. Pendant quelques semaines j'ai ainsi fait la connaissance de beaucoup de nouvelles têtes, puis la fille est partie
dans le sud de la France recommencer ses études et je suis retournée me cacher dans ma tanière, loin des gens cools.

Que dire de 2008 de toute façon ? On aimerait tous plus ou moins avoir une vie extraordinaire et finalement on se contente de ce que l'on a. Cette année, la mienne a essentiellement consisté à raconter ma vie à qui voulait bien m'écouter, un verre à moitié vide en main, creusant des cernes sous mes yeux.

mardi 16 décembre 2008

bibelot

Mais c'est qu'il devient prévoyant, le coco : il ne sort plus qu'avec sa chère et tendre. Ça doit être le seul moyen qu'il a trouvé de ne pas céder à la tentation, une façon de prendre les devants depuis qu'il m'a confié être attiré par moi. Alors plutôt que de me fuir, il se met des menottes. Plus de tête à tête alcoolisés, rares instants de liberté où il pouvait oublier ses engagements, et se laisser aller à des confidences. Il ne s'autorise plus le doute, il est allé trop loin.
Assis entre nous deux, il tient la main de sa chérie mais passe une bonne partie de la soirée à discuter avec moi. J'aime cette situation, c'est mon côté sadique.
C'est marrant mais j'ai souvent l'impression d'être un accessoire. Une sorte de bibelot vaguement convoité, que certains aimeraient louer et poser sur un coin d'étagère pour faire joli, l'avoir sous les yeux et pouvoir utiliser quand bon leur semble. J'ai déjà été utilisée comme oreiller, comme mouchoir, on a voulu m'emprunter, me voler, on a voulu déjeuner en ma présence pour me montrer, on a même voulu me payer. Récemment un barbu a voulu me kidnapper pour m'empêcher de prendre la voiture après toutes les bières à 8° que j'avais commandées.
Et au lieu de suivre les bons conseils du barbu, je me suis une fois de plus échappée dans la rue, seule dans le froid avec mes mitaines fabriquée à partir de vieux gants et d'une paire de ciseaux. J'ai erré un moment tel le petit papillon de nuit à la recherche d'un peu de lumière, pas encore d'humeur à rentrer. Et là j'ai atterri devant ce que j'appellerais une boite à deux balles pour bobos de droit ou HEC. Des filles toutes habillées pareil, et des mecs tous habillés pareil qui fumaient sur le trottoir. Je me suis arrêtée un instant, faisant semblant d'attendre quelqu'un qui ne venait pas, pour écouter leur conversation. On parlait de crise financière en riant.
Et soudain j'ai eu une envie viscérale de jouer les vrais bibelots, de me mêler à ces gens dont le milieu est à l'opposé du mien, rien que pour voir comment ça fait d'être puant. J'avais envie de jouer un rôle, d'échanger la bière contre le Martini, de renier Interpol pour David Guetta, le temps d'une soirée.
Mais il aurait d'abord fallu que je changeasse de chaussures...

mercredi 3 décembre 2008

les humeurs

Comment ça j'ai "la veine molle" ?! Mais je ne vous permets pas de porter un jugement sur mes veines, madame ! Et d'abord elles sont en pleine forme !
Quand je vois mon sang pourpre couler dans le tuyau, ça me fait penser au vin chaud que j'ai goulument lampé deux heures plus tôt... les quartiers d'orange en moins. Tiens, c'est peut-être à cause de ça que j'ai la "veine molle", va savoir.
Sauf qu'en ce moment, ça me plait assez de ramollir mes veines et mon cerveau par la même occasion. Je suis trop à bloc tout le temps, trop préoccupée parce que je ne sais pas m'organiser et que je fais tout à l'arrache. J'adore traverser la ville dans un drôle d'état. Immédiatement, les mots me viennent, comme tout le monde, j'ai l'impression d'être poète un court instant, de ressentir les choses différemment. Toujours avec un regard narquois et ironique, mais apaisé.
J'aime me sentir douce, comme passée à la pierre ponce, moi qui d'habitude suis si rêche, qui agresse mon entourage, impatiente et intransigeante, impitoyable, infernale enfin. Pouvoir m'émerveiller de rien mais rire de tout, regarder le ciel avec de grands yeux innocents. Juste relativiser, ne plus penser à mon exil futur dans des contrées froides et hostiles (genre les Ardennes...).
Quand mes veines sont enfin molles, j'ai une irrésistible envie de rouler une pelle à la vie.
Je m'étais pourtant juré de ne jamais ressentir le "besoin" de me vider la tête. Je ne sais que trop bien jusqu'où ça peut mener. Et je sais que la pente a beau être douce, ça n'en reste pas moins une pente.
Ah bien, la poche est pleine, je peux repartir. Aujourd'hui j'ai partagé un peu de mon sang, un peu de ma vie, un peu de mes très
passagères bonnes humeurs.

samedi 29 novembre 2008

folk et électro

La tête contre la vitre froide du bus, je déchiffre, mélancolique, des chiffres lumineux 26/11/2008 20:35. Les caractères tremblotent sous les vibrations de la carcasse du bus à l'arrêt, à moins que ce ne soit une fois de plus sous l'effet des quelques bières que je me suis enfilées en un temps record avant de courir jusqu'à mon arrêt.
Une blonde est assise non loin en diagonale. Elle s'emploie à engloutir un hamburger sans pour autant saccager son rouge à lèvres, tâche ambitieuse que je ne peux qu'admirer.
"En tout cas, ça m'a fait très plaisir de te voir" ai-je coassé au téléphone tout à l'heure. Phrase que je n'ai fait qu'imiter, car entendue de la part de mon interlocutrice quelques minutes plus tôt.
La blonde me jette à présent des coups d'œil, tandis que je fixe la bande d'arrêt d'urgence de l'autoroute. Blanc-noir-blanc-noir.
Et Matt Elliott crie dans mes oreilles. Matt Elliott, putain ! Mon héros. Cet homme parfait que j'ai vu pour la deuxième fois en concert quelques jours plus tôt. Le genre de mec, lorsque je l'entends jouer, je me dis "lui il a compris quelque chose". A la fin du concert, je voulais lui faire dédicacer mon album. Tout le monde avait quitté la galerie d'art dans laquelle il a joué, et lui-même était en train de ranger son matériel. Timide et (très) impressionnable comme je suis, j'ai passé cinq bonnes minutes à faire semblant d'être captivée par les photos trônant sur les murs de cette galerie d'art avant d'oser m'approcher du "Maître". Après avoir commandé plusieurs bières, connaissant à présent les moindres détails des monochromes exposés, j'ai enfin trouvé le courage de lui parler.
Au final, je crois que ça lui a fait très plaisir. Cette nuit-là, à mon grand bonheur, j'ai rêvé de lui : Matt Elliott à la piscine, nageant le dos crawlé...
Ca fait quelques années qu'il me fascine. D'ailleurs N. en était jaloux. Lui qui aurait tant aimé que je sois une de ses fans. Que j'aime SA musique à lui. Mais j'ai toujours émis une réserve, n'osant porter un jugement de ma propre initiative, ou me contenant d'un "ouais, c'est chouette" les rares fois où il me soumettait un extrait de ses morceaux.
Parachutée dans son monde électro, je hochais la tête en rythme comme le faisaient ses amis qui avaient l'air d'apprécier. Au bout d'un moment, trop saoule pour être critique, je me laissais moi aussi bercer par le bruit ambiant.
Le sol collait à mes chaussures, avant de coller à mes fesses. De cette période comme de cette musique, je ne me souviens de presque rien, sauf de bruits sourds et de l'impression que mon cerveau dansait la carmagnole. De cette période où quand on me disait "hey, t'as déjà vu [...] en concert ?" j'étais incapable de trancher : "Peut-être..."
J'aime Matt Elliott parce qu'il mêle sans complexe la folk la plus mélancolique à l'électro parfois bruyante. Et que la rencontre de ces deux univers a priori opposés me rappelle vaguement quelque chose : une alchimie complexe dont lui seul est capable de tirer du bon.



samedi 15 novembre 2008

Plus rien à dire

Le moment que je craignais est arrivé : je crois que je n'ai plus rien à dire.

Il fallait bien que cela arrive un jour. Ça me fait penser à un jeune-homme que j'ai croisé une seconde il y a des années puis dont j'ai retrouvé la trace par hasard sur Internet, et avec qui j'ai brièvement lié une amitié virtuelle. Un jeune-homme qui, quand je l'avais croisé à ce festival, m'avait fasciné par son look et son appareil photo. Je l'ai tout de suite repéré dans la foule, son corps chétif, son allure maladive avait attiré mon attention. Il avait à l'époque le crâne presque rasé. J'essayais de me rapprocher discrètement de lui mais il ne m'a pas remarquée, l'œil vissé à son appareil photo. Même lorsqu'à force de le coller, il m'a un peu bousculée en reculant et que je lui ai légèrement marché sur le pied, il n'a pas quitté la scène des yeux à travers son objectif.
Des mois plus tard, je naviguais sur la toile quand je suis tombée pour la première fois sur la page "myspace" du jeune-homme. Aucun doute : c'était bien lui, je l'ai tout de suite reconnu malgré la crête qu'il avait à l'époque de ses photos. Prenant mon courage à deux mains, et risquant le ridicule, je l'ai contacté et lui ai écrit que je m'excusais de lui avoir marché sur le pied la première et dernière fois qu'on s'est croisés.
Par chance, le jeune-homme est spirituel et assez ouvert pour s'amuser de ce genre de messages. On a donc échangé nos adresses mail puis MSN et des mois durant, avons correspondu régulièrement.
Le jeune-homme m'a initiée à myspace. Il tenait également un blog que je consultais régulièrement. Il écrivait avec un français impeccable et un esprit que j'appréciais beaucoup.
Le jeune-homme est obsédé par la musique, c'est lui qui m'a fait connaitre certaines choses bien curieuses et originales, je l'en remercie.
J'ai donc appris à le découvrir via le virtuel. J'aimais son côté artiste refoulé et souffreteux qui pense trop. Pour la première fois, j'ai rencontré quelqu'un qui se lasse bien plus vite que moi de toutes les choses nouvelles. Nous partagions la même tendance à l'obsession pour des choses dont nous nous lassions quelques temps plus tard, nous partagions la même incapacité à nourrir des sentiments durables pour quelqu'un.
Mais aussi pour la première fois j'en ai moi-même fait les frais car battue sur mon propre terrain, il s'est lassé de moi avant que je ne me lasse de lui. Il s'est aussi lassé de sa page myspace, puis s'est lassé de MSN, puis enfin, s'est lassé de son blog. Il a usé de la touche "Suppr" comme moi j'avais brûlé mes propres journaux intimes d'adolescente.
J'ai donc perdu sa trace. Il s'est évaporé quelque part dans la nature, aussi naturellement qu'il m'était apparu. Quelque part c'est mieux. Ça m'évite de me faire des films. Sauf que j'aime me faire des films, ça occupe l'esprit.

Mais c'est à mon tour de me lasser.
J'aimerais avoir des choses nouvelles à raconter, des choses originales, des choses drôles, mais non, je tourne toujours en rond. Quelque chose s'est brisé.

Et pourtant, j'aime aussi certaines habitudes.
J'aime toujours autant sortir avec L. et boire des coups, boire des coups à sentir tous les muscles de mon visage, avoir l'impression que mes traits sont tirés, mais peut-être le sont-ils, figés dans le rictus béat qu'affiche le visage des filles qui boivent trop. Je me dis comme d'habitude. Une soirée avec L. qui ressemble à une soirée avec L.
Une soirée à boire et à parler, moi avec ma retenue maladive, lui avec sa franchise déroutante. Je me dis encore une soirée où je vais rentrer je ne sais comment en bagnole, avalant la route comme j'ai avalé tout cet alcool : avec une assurance et une habitude dangereuses. Une soirée où une fois dans mon lit je me dirais mais merde, on est fait pour être ensemble, mais merde, qu'est-ce que je fais, il est trop vieux merde, mais pourtant c'est avec lui que je m'entends le mieux. Et je me dis que peut-être lui aussi aura un doute, mais qu'en faisant l'amour à sa copine il ne pensera plus à tout ça. Il ne pensera plus à moi, il m'aura effacée.

Alors quitte à être effacée, autant m'effacer moi-même.

mercredi 29 octobre 2008

A Paris

Et toujours cette eau qui ruisselle dans le caniveau. Où qu'on marche dans Paris, j'ai remarqué que les bouches d'égout vomissent de l'eau qui finit toujours par couler à flots dans les rues. Il ne pleut pas particulièrement, pourtant il y a toujours de l'eau qui dévale le long des trottoirs sans qu'on sache trop d'où elle vient. C'est comme les tickets de métro par terre, on dirait que la seule végétation qui pousse comme rien sur le bitume c'est des tickets de métro usagés. Et F. qui râle toujours, elle ne sait faire que ça, se plaindre et ronchonner. Emmitouflée dans ma parka molletonnée bien chaude, je commence à avoir des doutes quant à l'étanchéité de mes chaussures, subissant déjà les désagréables conséquences de la remontée par capillarité de l'eau du caniveau le long de mon pantalon. Et pourtant on n'a à peine honte, ma parka énorme et moi, bien que faisant tache au milieu des bobos parisiens branchés. Je n'avais encore jamais réalisé à quel point les bottes-collants-veste courte en laine-queue de cheval-frange en diagonale étaient à la mode cette année. Alors je suis peut-être totalement ringarde avec mon pantalon au-dessus de mes chaussures et ma parka-bibendum, mais au moins ça tient chaud...
F. est malade, pourtant on arpente toujours les rues dans le froid à la recherche d'un endroit où se poser bar dessus-bras dessous. Enfin, on retrouve son copain devant l'Opéra et on marche jusqu'aux Halles ; eux main dans la main, moi mains dans le froid. Je commence à en avoir assez de perpétuellement tenir la chandelle, ras le bol du déguisement de cowboy solitaire qui me colle à la peau.
F. tousse et moi j'éternue. On me souhaite, merci. En général, après "à tes souhaits" vient "à tes amours" mais je n'éternue jamais deux fois de suite.


samedi 25 octobre 2008

toujours seule

Comme dans un film, deux femmes se croisent dans le tram, l'une reconnaît l'autre et lui adresse la parole : quatorze ans auparavant elles étaient dans la même classe, préparant toutes deux un BEP quelconque. Maintenant l'une est mariée et a deux enfants (8 et 5 ans) ; l'autre non, rien. La femme mariée finit par quitter le transport en commun, laissant son ancienne camarade un sourire poli aux lèvres. Ce sourire s'estompe à mesure que le tram prend de la vitesse, et à présent elle regarde dans le vide. Moi aussi, car je me demande quel effet ça doit faire d'avoir un mari et des enfants. Je repense à une phrase lue un jour dans le manga dont j'étais fan ado (oui j'avoue j'étais fan de Nana, ne vous moquez pas....) qui disait à peu près "à force de faire la fière tu finiras seule". Mais qui voudrait d'une fille qui en pleine rue hurle "raaaah putain de bordel de merde fait chier !!" quand elle trébuche sur un pavé ?
Tout m'énerve en ce moment, à commencer par cette même litanie, ces "Strasbourg, ici Strasbourg, le TER numéro 96 843 en pro
venance de ......" qui bourdonne dans mes oreilles, et résonne lorsque je passe sous la verrière. A cet instant, la voix enchaîne généralement en Anglais et quand vient l'Allemand, je quitte la gare. Là, je suis agressée par le vent froid et les "ROUGE PIETONS ....... ROUGE PIETONS" du passage protégé (les gens qui connaissent la gare de Strasbourg voient de quoi je veux parler). Je trouve ça d'une ironie monstrueuse : on aide les aveugles à traverser, mais on les largue ensuite dans une gare avec 8 quais, et là personne pour leur lire les panneaux et les horaires de départ des trains.
Avec la fièvre et la fatigue, le matin je ne sais j
amais dans quel lit je me trouve, dans quelle maison j'ai passé la nuit, dans quelle ville je suis entre Strasbourg et Saint-Louis. Une chose est sûre : je suis toujours seule. Et je suis toujours en train de squatter chez quelqu'un.
Hier j'ai pourtant fait une tentative d'approche auprès de Monsieur "de toute façon je n'ai pas d'attaches ici". Manque de bol, j'avais oublié qu'avec mon début de bronchite j'étais sous traitement Exomuc. Ils auraient quand même pu rajouter dans les
Contre-indications / Précautions d'emploi : ne pas prendre en cas de rencard avec un mec : celui-ci pourrait finir par être dégoûté de vous voir évacuer en masse vos sécrétions nasales et bronchiques.

Et en
plus il pleut.

mardi 21 octobre 2008

la pédagogie

La pédagogie, ou comment braquer une dizaine d'élèves en leur balançant, tremblante de fureur, le contrôle qui était prévu seulement 4 jours plus tard.
Mai 68 dans la salle E01 les amis !
Des petits péteux qui croient encore à la révolution, à l'esprit de solidarité ("personne n'écrit rien !") comme moi-même j'ai tenté d'y croire il y a de ça quelques années. Mais il y aura toujours des personnes qui sauront les réponses et auront peur d'avoir un zéro. C'est facile de ne rien écrire "par principe" lorsqu'on ne sait rien.
Encore un peu et ils taguaient "No pasaran" sur mes murs parce qu'ils font face à un contrôle surprise.

La pédagogie, ou comment essuyer un vent de fureur qui souffle dans la E01. Les bras croisés il faut subir des "Madame vous n'avez pas le droit" "c'est n'importe quoi" "de toute façon on n'a rien révisé, on aura tous zéro" "Madame vous pouvez pas faire ça", les "Sérieux, il faut faire quelque chose, on ne va pas la laisser faire ça !"
Et au bout d'un moment la tornade semble passer, certains se penchent quand même sur le sujet. Mais ce n'est que l'oeil du cyclone, avant que certaines filles se retournent ostensiblement pour se communiquer les réponses, m'ignorant totalement. Tenir bon, faire face et ne rien lâcher, bouillir intérieurement mais garder son sang froid... Avoir envie de claquer une fille insolente, de lui faire bouffer son piercing, de l'électrocuter et de lui verser de l'acide sulfurique concentré sur les cheveux... C'est un combat psychologique qui se mène dans la E01. Des regards noirs, du mépris, du dégoût.
La pédagogie, ou comment ne pas baisser les yeux alors qu'on peut lire "la salope" dans tous les yeux des élèves. Ne pas rire lorsque certains me sortent "si on rate notre brevet on saura à cause de qui !"
La pédagogie, ou avoir les couilles de mettre une heure de colle au bon moment à un élève qui dépasse les bornes;
La pédagogie, ou avoir le sentiment que la situation peut s'envenimer au point de déraper à tout moment.
La pédagogie, ou à la fin faire une leçon de morale à 29 élèves basée sur leur "manque de respect" à mon égard.
La pédagogie, ou ne pas s'écrouler lorsqu'à la question "alors est-ce que oui ou non vous acceptez de faire un effort et de vous tenir correctement à partir de maintenant ?" le plus effronté répond "non !" suivi par une majorité de petits péteux bourgeois qui sont persuadés que les profs sont à leur service et sont dans l'obligation de leur donner des notes excellentes sans qu'ils aient à fournir le moindre effort, tout ça parce qu'à la maison ce sont les rois, que leur maman leur donne toujours raison et que par tradition ils ont une haine du corps enseignant.
La pédagogie, ou monter à leur place les chaises sur leur tables quelques minutes après que, furieux, ils se sont élancés dehors pile à la sonnerie...

samedi 11 octobre 2008

Blanc et rouge

Eh merde, qu'est-ce que je fais encore chez moi ? Je devrais plutôt être dans une salle où il fait noir, avec du son trop fort qui me rendra sourde avant l'âge.
Un martini, aucun effet. Un deuxième martini, blanc, rouge, blanc, rouge, j'essaye au moins de trouver un équilibre quelque part.
L'autre matin, je me suis assise en face d'un beau gosse dans le bus. Le genre de mec chemise blanche sous pull gris, godasses légèrement pointues, cheveux bruns trop longs, teint hâlé. Je me dis que j'adorerais lui apporter un café le matin.
Je ne sais même pas pourquoi je pense à ça, mais c'est tout ce qui m'est venu à l'esprit. Quelques secondes après, je réalise que c'est pitoyable, cette histoire de café. Ça me fait sourire. En sortant du bus, j'ai presque envie de le suivre, je m'imagine lui courant après, une cafetière à la main et oublie l'idée. Je poursuis ma route vers le deuxième transport en commun. En une journée il m'arrive de me taper 2h30 de transports en commun entre bus, train, tram...
C'est paradoxal mais j'ai l'impression de ne plus trop exister. Je ne parle plus à beaucoup de gens, je rigole beaucoup moins dans une journée. Je suis souvent préoccupée. La rencontre avec les gens me manque. Et en plus, comme je me laisse à nouveau pousser les cheveux j'ai une coupe de merde. Je me suis fait une raison : je n'aurai jamais de crête rouge.
De toute façon, c'est bon, c'est plus la peine de rêver. Moi qui croyais être "originale" ou tout au moins un peu plus originale que mes deux sœurs-chiantes-et-conventionnelles je dois bien admettre que je suis tout aussi chiante qu'elles. Le petit vent de révolte qui avait soufflé un temps est à présent essoufflé. Ou c'est qu'elle est, ma bouteille de Martini ? J'en étais au rouge ou au blanc ? Chais plus.
Ah oui, je sais, je suis quand même plus originale qu'elles, parce que moi je picole.
Tu parles d'une "créative" comme disait ma mère. "Tu devrais écrire, je l'ai toujours dit". Hahaha... Bonne qu'à rêvasser dans son coin sans rien faire, ouais.
Putain, je me fais honte, aucune initiative, que dalle. Le vide intersidéral. Avec ma nouvelle belle éraflure sur le ventre. Maintenant il y a une croûte mais ça ne pique plus.
En ce moment je dors bien. La "fatigue saine" comme disait S. la dernière fois que je l'ai croisé au bar. Qu'est-ce qu'il en connait de ce qui est sain, lui ?!
Tout ça, ça fait chier, je vais me coucher pour oublier, tiens. Bonne nuit mes amis blanc et rouge.


mardi 7 octobre 2008

transformation


Alors c'est ça qu'on appelle le stress ?
Ce métier qui me colle à la peau, une vraie saloperie. "On a du mal à s'en débarrasser, on met du temps à déconnecter le soir, einh ?" me disait Guy en me ramenant à la gare hier soir.
Le matin quand je me lève, je me dis qu'il faut absolument que je pense à dire aux 5èA que je ramasserai leur classeur la fois prochaine. Quand je me couche, je pense que j'ai encore oublié de vérifier les signatures sur les contrôles des 4èD. Dans la journée, je suis rongée par l'angoisse d'avoir déjà trois semaines de retard sur ma progression en 4è, et je me demande comment diable je vais bien pouvoir accélérer sans en paumer les 3/4 au passage. A midi, je m'en veux d'avoir encore crié sur Filip sans lui avoir donné de punition. Je passe mon temps à ressasser, à focaliser sur mes erreurs jusqu'à en avoir la nausée.
Quelques fois je reste dans l'embrasure de la porte, adossée au chambranle les bras croisés, rêveuse, et je contemple le flot d'adolescents qui dans ce contexte particulier portent chacun le même nom "d'élève". Toute cette vie qui grouille de partout dans le couloir. Lorsque j'en reconnais certains, ça me fait plaisir parce que ce sont "mes" élèves. D'ailleurs quelque part je les aime tous, même les plus pénibles. Je souris quand je les vois rouler des mécaniques, des fois il m'arrive même d'en trouver l'un ou l'autre craquant.
Alors je les regarde évoluer avec bienveillance en cachette, jusqu'à ce que "ma" classe soit au complet, en tas comme il se doit devant "ma" salle. La sonnerie a déjà retenti depuis cinq bonnes minutes mais je gagne un peu de temps, encore un peu de paix, avant de me redresser puis j'avance vers eux et leur dis "allez, rangez-vous !" avant d'ajouter "vous pouvez rentrer".
Je ferme la porte et me transforme.


dimanche 28 septembre 2008

Apprendre à se connaître

Il m'a fallu pénétrer dans sa chambre, que dis-je, son lieu de culte dédié à sa copine pour enfin comprendre.
Partout des photos, des cartes postales pleines de cœurs, des cadres entourés de cœurs, d'autres carrément en forme de cœurs, des photos d'eux à la plage...

Depuis qu'il est persuadé que je suis (aussi) attirée par les filles, il ne me laisse plus tranquille. Il me bombarde d'allusions, auxquelles je ne réponds pas, il m'assomme de sous-entendus.

Son obsession à essayer de me caser avec n'importe qui (si possible de déjà pris) a laissé place à son obsession à en découvrir plus sur ma sexualité.
Comme il m'a abandonnée dans sa chambre-sanctuaire, je quitte son appartement que je ne reverrai certainement pas avant un très long moment. Il y a quelques minutes, il faisait semblant de vouloir me mettre dehors. Par jeu, on a simulé une conversation proche d'une rupture qui m'a rappelé de mauvais souvenirs.

Mon cœur se serre lorsque je me souviens de l'autre appartement qui ressemblait fort à un squat et où je passais mes week-ends entre les bouteilles de vin, les cafards et les cendriers. Lorsque je l'avais quitté celui-là, j'avais essayé d'enregistrer le plus de détails possibles : la place de tel poster, le commencement de cette fameuse lézarde au plafond que j'étais condamnée à fixer pendant des heures le temps qu'il daigne se réveiller.
Et ce fameux jour où une fois de plus je l'attendais depuis 15mn dans le bar, assise à la table face à la porte. Ce jour où je n'ai rien ressenti lorsque celle-ci s'est enfin ouverte, laissant apparaître sa petite personne. Ce jour là, j'ai su que c'était fini, même si, pour citer Morrissey, ça n'avait jamais vraiment commencé.

A la crémaillère, on fait une contre-soirée dans le couloir de l'appartement, comme il se doit. Les couloirs sombres et étroits sont bizarrement les meilleurs endroits pour avoir une conversation "intime" et bien souvent les vérités les plus embarrassantes s'y dévoilent naturellement, entre la cuisine et la salle de bains. Adossés à la cloison, un verre qu'on vient de nous tendre à la main, on discute.

J'apprends ainsi que je "manque de tact". Cruelle nouvelle, même si malheureusement pour mes congénères, je l'ai parfois déjà remarqué. Je demande néanmoins des précisions. On me rappelle la soirée juste après les résultats du Capes, soirée au cours de laquelle je me suis "plainte" d'être dernière du classement, de n'avoir aucun points, et d'avoir une chance certaine de me retrouver loin de la maison. Le problème c'est que je m'en suis "plainte" à mes camarades qui avaient échoué.
La honte m'envahit. Je m'en souviens. J'ai de la peine car je me souviens très bien de la rue dans laquelle je leur ai infligé ça, entre le bar et le cinéma, mais que je ne me souviens absolument pas du visage de mes camarades.

Égocentrique que je suis, je ne me suis même pas rendue compte que c'était terriblement cruel. On me dit qu'on avait envie de me dire "ta gueule". Je réponds qu'il fallait me le dire, mais évidemment c'est maintenant trop tard.

Ce soir, j'ai décidé de décrocher. Fini le personnage de la prof qui donne des ordres toute la journée et qui utilise presque uniquement le mode impératif. "Notez, écrivez, écoutez, taisez-vous, sors tes affaire, donne-moi ça, regarde par ici, dépêche-toi un peu, ne me réponds pas, rends-toi utile, distribue-moi ça, obéis maintenant, retourne-toi, calme-toi, viens au tableau, arrête de jouer, posez vos stylo, prenez votre stylo rouge, copiez, ramassez ça, lève-toi, asseyez-vous, apporte-moi ton carnet de correspondance, prenez votre classeur, soulignez, encadrez, sautez une ligne....."
J'ai terriblement besoin de sortir de la peau de cette personne que je n'apprécie guère qui est apparue début septembre et qui est en train de prendre le dessus sur moi. Difficile d'être agréable avec son entourage lorsqu'on commande toute la journée.


Ce soir j'enfile mon "jean festival" qui n'est qu'un vieux jean moulant comme on en faisait à l'époque, plus vraiment noir et déchiré consciencieusement sur le genou et sous la fesse gauche, ainsi que sur le côté droit, le tout tenu par quelques épingles à nourrice juste pour le principe.
Je me souviens quand j'étais bien plus jeune, et qu'avant de sortir, j'avais droit à l'inspection de ma mère qui contrôlait ma tenue et mon apparence. J'enfilais alors un deuxième pantalon par-dessus mon "jean festival" que j'ôtais une fois dans la voiture.


Ce soir, une nana déjà bien défoncée à 22h30 me caresse le dos et je m'accroche à la barrière pour empêcher mon estomac d'éclater sous la pression du public qui pousse au rythme de la musique.

C'est aussi à cette occasion que j'ai pris ma première claque dans la gueule, mon premier "coup de vieux". Je sais que ça va en énerver certains que je prétende avoir un "coup de vieux" étant donné mon très jeune âge, mais c'est pourtant ce que j'ai ressenti en voyant toutes ces minettes à frange et blouson simili s'extasier devant un concert que je qualifierais de nul à chier et sans aucun intérêt. La foule se met en branle tandis que je reste impassible, limite consternée.

Je quitte les lieux bien vite, sauvée par L. qui va à ma rencontre et m'offre une part de cake gras et sucré, garni de graines de quinoa pour la santé et de Nutella pour le goût, tandis que des mecs beuglent et titubent autour de nous. Lui il s'en fout si je n'ai pas de cœur, si je suis sans tact, si je suis autoritaire, si je suis élitiste.
Ou alors il ne me connaît pas encore assez.


dimanche 21 septembre 2008

Courir après des culs

C'est le matin.
Je suis dans la salle de bains, encore en sous-vêtements lorsque je m'aperçois qu'il est déjà largement l'heure. L'heure de filer d'urgence. Alors j'enfile mon pantalon, un pull, j'embarque mon sac, je dévale les escaliers, j'aggripe ma veste, je plante mes pieds dans mes pompes et, les lacets défaits, je fonce dans la rue en petites foulées. N'ayant aucune endurance je ralentis quelques mètres plus loin, rouge et suffocante dans la montée, martelant le sol tout pieds devant dans la descente.
Encore un bout de chemin et j'arrive au coin, je sais que j'ai une chance sur deux de voir le bus pointer le bout de son nez de l'autre côté du virage.
Comme tous les matins, je cours après le cul du bus.

J'ai toujours couru après des culs de toute façon. Des culs de bus, des culs de trains, un gros cul d'avion qui a failli m'échapper une fois.
Le mien me suit toujours, avec une certaine fidélité malgré le mépris que je lui voue, mais bizarrement personne ne court après.

mercredi 10 septembre 2008

Le saule pleureur

Hier j'ai fait un tour dans mon jardin. Celui que je devrai bientôt appeler "le jardin chez mes parents". Stupéfaite, j'ai constaté que du lierre atteignait maintenant presque le sommet du saule pleureur. Moi qui croyais connaitre ce jardin comme ma poche...
Le temps a passé et l'arbre sous lequel j'allais me réfugier est maintenant envahi par ce lierre que je suis en train de découvrir. Je contemple un moment les branches du parasite serpenter sur le tronc, s'entrecroiser et poursuivre leur ascension.
Comment ai-je pu passer à côté de ça ?

Le temps a fait un énorme bond ces dernière années. Il faut dire que j'ai passé pas mal de temps à courir, je n'ai rien vu passer, ou si vite ! Comme après un voyage en train, il ne me reste que de vagues souvenirs, des images fugitives et entremêlées de pièces sombres, d'amphithéâtres, de lumières qui clignotent, de spots de toutes les couleurs, de verres à moitié vides, de fumée de cigarette, de fenêtres ouvertes, et de mes Dc Martens noires. Bizarrement j'associe nombre de ces images à mes pompes, je ne sais pas pourquoi. Peut-être que je regarde bien souvent mes pieds, trop souvent en fin de soirée. Je vérifie alors qu'ils sont toujours bien au bout de mes jambes que je croise et décroise fébrilement, et tortille autour des pieds de ma chaise.
J'ai l'impression que ça fait une éternité qu'on n'a plus le droit de fumer dans les bars. Sans réfléchir, je dirais au moins deux ans alors que c'est encore tout récent ! J'ai perdu toute notion du temps, on est déjà en septembre mais j'ai l'impression de faire un rêve, étant donné la vitesse avec laquelle tout s'est précipité.
Maintenant je passe cinq heures par semaine dans un train, le paysage défile tandis que je pense à ces dernières années, mes années d'études que j'ai torchées vite fait bien fait pour me retrouver propulsée dans le monde du travail. "Terrifiant" me disait mon ex à ce sujet. Il faut croire que l'idée que si jeune je sois déjà embarquée dans le "système" l'épouvante, comme si gagner des sous était une forme de décadence.

Pourtant, je n'ai pas changé, du moins pas encore. J'ai parfois zappé quelques trucs. Je suis passée assez vite devant pas mal de choses, comme en coup de vent sans jamais trop m'attarder. J'ai exploré quelques horizons différents, épiant à travers le trou de la serrure, par curiosité. On m'a ouvert des portes mais je suis raisonnablement restée sur le palier. Je me balade et profite du paysage sans prendre le temps de l'analyser, de me demander si tout va bien, si les autres sont réellement heureux.

Et après, quand je daigne enfin être attentive, il ne me reste plus qu'à constater les dégâts, le lierre a déjà atteint le sommet : il est trop tard.

mardi 9 septembre 2008

Filip

J'ai donné une punition au petit Filip qui a un an de plus que les autres. On aurait dit qu'il n'attendait que ça, que je lui dise "tu viendras me voir à la fin du cours", le petit Filip avec ses yeux tout noirs et pétillants qui me dévorent, son regard sournois et son irrésistible sourire de séducteur slave.
Ne pas se laisser attendrir par sa petite gueule d'ange.... Ne pas se laisser avoir.... L'ignorer..... Faire semblant de ne pas avoir vu qu'à la place de son prénom trônait ostensiblement un "Let me love you" sur la feuille de papier posée devant sa table. Ne pas se laisser déconcentrer, surtout pas déstabiliser.
Il me cherche mais je n'arrive pas à l'engueuler, et il le sent. Il sait qu'avant même de commencer il a déjà gagné la partie avec son sourire.
"Tu viendras me voir à la fin du cours", on ne s'est croisés que deux fois et on a déjà rendez-vous. Machiavélique le petit Filip.
L'élève typique qui ne mériterait qu'une bonne paire de claques, qui demande sans arrêt la parole pour dire une connerie. "Quand vous dites qu'on peut illustrer le classeur, ça veut dire qu'on peut dessiner des papillons et des petits cœurs dedans ?"
Filip, le petit provocateur malin. L'élève qu'on repère au bout d'à peine un quart d'heure, celui dont on parle en rentrant chez soi, à qui on repense encore dans le train, avec qui on cherche une solution... jusque dans son blog.
Il a compris le truc lui, il provoque sans agresser, sans insolence, mais toujours avec une fausse innocence et une grande familiarité. Il connait parfaitement les limites, il sait où s'arrêter, il sait que sur le papier on n'aura pas grand chose à lui reprocher, à part de "perturber". Un joueur, sans doute élève médiocre qui n'apprend jamais ses leçons mais qui me jure qu'il est resté concentré toute l'heure alors que je l'ai très bien vu s'agiter. Celui dont il faut se méfier car si on ne le maîtrise pas dès la rentrée, il sera totalement incontrôlable toute l'année.
Et son regard noir qui me brûle, t'arrêtes de me regarder putain ! T'arrêtes de me sourire comme ça, avec ton faux air d'ange !

Ça y est, tous les autres sont sortis.
Seule avec le petit Filip qui est néanmoins un peu plus grand que les autres.
"Inadmissible blablabla comportement blablabla je trouve que tu es très familier blablabla... et donc je dois te punir"
Noooooooon pourquoi j'ai dit ça bordeeeel ! Pas ça ! Il a gagné... Je l'ai dit, j'ai dit "je dois" au lieu de "tu mérites une punition". Lui c'est un malin, il a compris. Chaque mot a un sens, et au moment où j'ai prononcé ces mots, je l'ai regretté. "Je dois te punir" c'est comme si j'avais dit "Je suis désolée mon petit chéri mais je suis obligée de te punir, c'est le règlement, mais si ça ne tenait qu'à moi je te laisserais tranquille parce que moi je t'aime bien mon Filipounet, et j'ai toujours eu un faible pour les sales gosses"
Pour tenter de rattraper le coup, j'ai rajouté "et si je ne l'ai pas dans mon casier demain, ça va mal se passer".

A part ça, c'était la première punition que je donnais. En une semaine je suis passée du statut de la fille détendue qui quand elle sort chez des potes a son sac à main qui fait "gling-gling" au son des bouteilles qui s'entrechoquent, à celui de la prof qui, quand la classe bavarde, hurle "Maintenant ça suffit ! Le prochain qui bouge je lui prends son carnet de correspondance !"
Malheureusement, je crois que le petit Filip a trop vite deviné le côté fille détendue.

lundi 1 septembre 2008

Vidée

Je suis vidée, lessivée, crevée, tout ce que vous voulez, tout ce qui rime avec "prérentrée".
Il faut dire que c'était pas très malin de faire la nouba deux jours de suite avant la rentrée à l'IUFM samedi matin. Je l'avais prévu le coup du "je ne m'y éterniserai pas" qui finit en "j'ai fait la fermeture du bar". Mais lorsqu'on m'a vue me battre contre la machine à café à 8h15 du matin, les yeux plissés en couinant "putaiiiin j'comprends rien, comment ça marche cette merde, bordel, kess qui faut faire pour avoir un cafééé bordeleuh !" j'ai compris qu'il fallait que je me repose avant de perdre totalement la face.
D'autant que ce café était vital pour moi, celui qui allait, je l'espérais, m'ôter définitivement l'arrière goût de la bière que j'avais eu tant de mal à finir la nuit dernière. La fameuse bière de trop, celle dont on sait en la commandant qu'on fait une terrible erreur, celle qui fait qu'on n'est pas vraiment fraîche et pimpante le lendemain (à moins que ce soient les cinq autres verres d'avant...)
Lire la critique du concert dans le journal, se souvenir vaguement qu'on y était, se souvenir surtout que machin m'a renversé de la bière dessus dans les toilettes.

Ce matin j'avais ma prérentrée dans le collège où je suis affectée en tant que stagiaire de physique-chimie. Comme dans mon cauchemar, je me suis totalement égarée sur la route. J'ai demandé mon chemin deux fois, j'ai foncé à 70 km/h dans les villages, j'ai téléphoné au collège tout en conduisant pour signaler que je suis un gros boulet qui arrive déjà en retard le premier jour, et pour demander accessoirement à la secrétaire de m'indiquer la route... J'ai fait crisser les pneus dans le parking et j'ai couru dans la cour pour débouler en trombe dans la salle de réunion, serrer la pogne du principal adjoint tandis que de grosses gouttes de sueur perlaient sur mon front. Plus ça va et plus je suis bordélique et irresponsable.
Mon bureau est un chantier pas possible où trainent des dizaines de papier qu'il faudrait que je remplisse, des post-it de toutes les couleurs, des documents, des prospectus, des feuillets, des fiches, des pochettes, de la paperasse enfin.

Je suis submergée.

dimanche 24 août 2008

Tout et rien


Ça y est, j'ai fini par me résoudre à ranger tous mes cours, quoique ce terme est optimiste : il serait plus juste de dire que j'ai déplacé tous mes cours, d'un endroit à un autre, plus discret. En fait, j'ai simplement caché mon bordel...
Au départ j'avais vraiment l'intention de trier, de classer, et finalement je n'ai réussi à rien jeter. Au lieu de tout balancer aux vieux papiers, j'ai enfermé certains cahiers dans un carton sur lequel j'ai inscrit au crayon "Cahiers inutiles". Puis quand j'en ai eu marre de remettre les nombreuses feuilles volantes à leur place, j'ai tout ramassé, et empilé sur une étagère au fond d'un placard. Advienne que pourra.
Je parie que je n'aurai plus jamais besoin de tous ces "Cahiers inutiles" d'autant qu'ils contiennent de simples exercices et que je ne sais même pas où j'ai bien pu fourrer tous les énoncés correspondant. Ailleurs en tout cas.
Bientôt, je déménagerai. Dans à peu près un an, si on me valide mon stage, je serai probablement nommée en région parisienne. Ou ailleurs. Fini le bus, la maison des parents. Hier j'ai croisé S. à une terrasse de bar. Alors que je m'apprêtais à filer, il m'a lancé "c'est marrant, t'as toujours un bus à prendre". Lui qui a onze ou douze ans de plus que moi et son propre appart depuis longtemps est bien loin de tout ça, comme devoir être à la maison à l'heure des repas...
Avant d'atterrir sur cette terrasse, avant que le soleil réapparaisse, je me baladais en ville, une main brandissant le parapluie au-dessus de ma tête, l'autre serrant mon petit sac à main contre mon flanc gauche. J'attends un message qui ne vient pas. Et comme il ne vient pas, j'ai du temps à perdre avant de savoir où et quand je vais pouvoir le retrouver, l'autre là, l'ex. Instinctivement, je flâne du côté de la fac. J'ai parcouru ce chemin des centaines de fois, qu'il vente, qu'il neige, qu'il pleuve, en suant à grosses gouttes ou en grelottant de froid, en fumant une cigarette ou en mâchouillant un chewing-gum. Toujours à pieds alors que j'aurais pu prendre le tram, afin d'effectuer ma demi-heure de marche conseillée par jour. A une époque j'ai cru que ça m'aiderait à perdre du poids, ensuite je le faisais simplement par plaisir, ça me détendait et me réveillais. Et j'aimais passer devant l'école des Arts décoratifs, parce qu'il y a toujours des étudiants ultra lookés et que là-bas le pourcentage de beaux gosses était bien plus élevé qu'à la fac de physique.
En parlant d'artiste, un type chevelu et barbu me croise à vélo. J'affiche un sourire narquois à la vue de sa veste en velours côtelé verte, son chapeau, et son pantalon râpé. Peut-être l'a-t-il remarqué car trois minutes plus tard, il me dépasse cette fois, se retourne tout en pédalant et me lance un grand sourire, manquant de heurter des passants. Cette fois, je le snobe. Je n'ai pas de temps à perdre aujourd'hui, puisque je suis, aux dernières nouvelles, toujours supposée boire un verre. D'ailleurs cette situation m'exaspère, je sors mon portable toutes les cinq minutes du sac. Lorsqu'il est tout contre moi, je ne sais pas si c'est mon ventre qui gargouille ou le portable qui vibre.
Lui il s'en fout que j'attende. Pendant plus d'un an j'ai passé mon temps à l'attendre, à poireauter, à trépigner devant chez lui, j'ai même dû attendre dans une autre pièce qu'il emballe vite fait mon cadeau d'anniversaire.

Tout s'est précipité d'un coup. Quelques jours sont passés. Je sirote une sangria dans un bar branchouille, musique mexicaine ou chaispasquoi à fond, et je hurle pour me faire entendre de ma voisine d'en face. Quant à moi, je comprends un mot sur deux. J'aime mâchouiller les morceaux d'orange mais à cause de l'interdiction de fumer, je ne peux plus jeter les écorces dans un cendrier.

"
Je sais où je vais" comme dirait Arnaud Michniak. Et ça me coûte 143€ les cinq aller-retours. Comme j'en fais au moins deux par semaine, je n'ose même pas calculer combien il me restera de thunes à la fin du mois...
J'ai les pieds dans les starting blocks mais je regarde encore le sol, je compte les petits graviers par terre comme pour ne pas penser au départ de la course. Je connais la date, l'heure, je relève la poitrine et mes genoux ne touchent déjà plus la piste, tandis que je remplis encore mon verre de ce liquide rouge et poisseux. Pourtant, impossible de faire marche arrière. J'écoute des étudiants de mon âge parler de leur voyages au Mexique, en Afrique du Sud, à Berlin, en Espagne, en Italie, raconter leur séjour Erasmus et toutes leurs soirées folles, alors que je me demande s'il y aura de la craie dans les salles ou s'il faut que j'en achète.
Étudiante, on m'avait pourtant dit "profite".

vendredi 15 août 2008

Le dormeur

Lorsqu'on ne dort pas assez, on saisit à peine la moitié de ce qui nous arrive. Globalement, j'aime cet état de quasi somnambulisme, cette façon d'accepter que les heures, les jours filent à la vitesse grand V sans jamais essayer de se raccrocher à un quelconque indicateur de temps. Je ne suis même pas sûre de savoir quel jour on est, ni quelle date : je sais simplement qu'on est dans les environs de mi-août, et qu'il ne me reste plus beaucoup de temps pour profiter de mes vacances. Seul notre estomac nous indique quand nous nourrir, le "midi" est alors un concept dépassé.
Je sais qu'il me manque des heures de sommeil, que je ne suis bonne qu'à grossièrement éplucher quelques pommes
de terre, bonne qu'à passivement attendre que le temps passe.

Improviser, vivre au jour le jour sans se poser de questions... toute forme d'anticipation quelconque a été bannie de ma vie depuis ce dernier mois. C'est ainsi qu'hier j'ai organisé un barbecue pour 7 personnes chez mes parents, qui a duré jusque tard dans la nuit, et que ce matin à 11h j'étais confortablement assise dans un fauteuil de cinéma à attendre que le film Batman commence, aux côtés du fameux mec parfait déjà maqué. (Ca c'est bien moi de n
'aller au cinéma en tête à tête qu'avec des mecs non célibataires...) A cause de la fatigue, je ne lis pas tous les sous-titres, et je dois avouer que je n'ai pas tout suivi depuis le début... Mais sa présence, sa putain de présence qui remue encore et toujours le couteau dans la plaie me réconforte néanmoins.
Lorsqu'on croise deux personnes qu'il connaît, je ne peux m'empêcher de penser qu'ils pourraient croire que je suis sa copine, et cette pensée me réjouis quelques secondes, avant que je redescende lour
dement sur terre. J'ai honte d'être aussi puérile, et de me raccrocher comme ça à de simples fantasmes. Pourtant, j'avais cru réussir à me raisonner. Ce jeune-homme n'est de toute façon entouré que de filles tellement il est adorable et doux, et il a fini par en choisir une et une seule dont il semble amoureux. Non. Il ne "semble" pas, il faut que je me dise qu'il est amoureux d'elle, même si je n'ai pas de preuves. Je perds mon temps à attendre là, en embuscade, le premier signe de faiblesse de sa part, les premières disputes qui ne se sont pourtant jamais produites. J'ai l'impression d'agir avec lui comme si c'était un animal apeuré que je voudrais domestiquer. D'abord l'approcher, de loin, puis l'habituer à ma présence jusqu'à ce qu'un jour il accepte de manger dans ma main. Viens par ici, gentiiiiil.
En sortant du cinéma, encore dans le film, il a brandi son parapluie et m'a lancé "tu veux que je te sauve la vie ?" "Non, ça ira merci". Je pense "Finalement, heureusement que je ne suis pas ta copine Bruce, sinon je ne donne pas cher de ma peau" (pour ceux qui ont vu le film).
Je ne donne pas cher de ma peau car je serais complètement dingue de lui, avant de me rendre compte qu'il est finalement très banal. Je choisis souvent comme ça. J'aime les extrêmes, je passe du tac au tac d
es bad boys aux sain(t)s irréprochables.

J'ai une préférence pour les doux rêveurs comme moi qui ne savent pas ce(lles) qu'ils veulent. Je m'attache trop souvent aux girouettes. Car avec eux, on sort d'une histoire comme d'un rêve : on ne distingue plus nos vagues mais belles intentions, fondées sur des "si", des faits accomplis tellement on en a eu des projets et des "un jour"... On a alors trop dormi ou pas assez, on se demande si tout ça a bien été réel, on a la gueule de bois, on saisit à peine la moitié
de ce qui nous arrive. Et après on est bons qu'à grossièrement éplucher quelques pommes de terre, bons qu'à passivement attendre que le temps passe... jusqu'aux prochains "un jour, on le fera".


vendredi 8 août 2008

Attente entre un trottoir et un bar


J'ai les fesses sur le trottoir, les pieds dans le caniveau, et mes mains soutiennent mon menton, les coudes vissés sur les genoux. Mon dos est voûté comme à son habitude, je n'ai jamais su me tenir droite. Je suis donc assise sur le trottoir devant la maison et j'attends. J'attends que les minutes s'égrainent, que cette longue après-midi d'été tire sur sa fin, qu'il se passe enfin quelque chose. Je me souviens qu'il y a de nombreuses années (je devais être à l'école primaire) j'étais exactement dans la même posture, comme ça sur le trottoir à attendre. Sûrement qu'à l'époque je n'aimais pas les "grandes vacances". J'avais envie d'être une jeune fille, j'avais envie qu'il se passe enfin quelque chose...dans ma vie.
Maintenant je me contente de regarder passer les voitures, je préfère ne plus penser à tout ça. Et j'attends toujours. Je ne sais pas quoi, et je commence à trouver ça un peu longuet. On dirait que j'attends que le prince charmant débarque à vélo, ce qui est totalement ridicule puisqu'en fait il s'est déjà pointé ici la veille à l'improviste. Mais il est bien vite reparti.

Je repense donc à la soirée dernière. J'avais rendez-vous vers 21h30 avec L. qui est arrivé avec son quart d'heure habituel de retard. Avec le temps j'ai appris à ne plus attendre fébrilement les retardataires. Je ne sais pourquoi, ça me met tant mal à l'aise d'attendre seule quelqu'un.
A l'époque, un peu plus timide, je n'osais pas entrer dans un bar et faire le tour des tables à la recherche de quelqu'un. Sûrement la peur de ne pas voir cette personne et d'être ridicule. Jusqu'il y a encore peu, je me démenais pour faire croire que je venais juste d'arriver alors que ça faisait dix minutes que j'étais sur place. Je me planquais derrière un arbre, ou au coin de la rue, il m'arrivait même de revenir sur mes pas, m'éloignant du lieu de rendez-vous pour mieux pouvoir guetter au loin la personne. Comme par hasard j'arrivais pile quelques secondes après elle. Je me revois parfaitement faire plusieurs aller-retour dans la même rue, comme pour recommencer encore et toujours mon entrée sur scène jusqu'à ce que j'aie enfin un public. Maintenant je suis lasse de trépigner, et je me pose simplement à la première table venue, l'air le plus désinvolte possible.

Sur le chemin qui menait de ma voiture au bar, mes toutes nouvelles Dc Martens bordeaux couinaient, les passants marchant devant moi pouvant ainsi s'écarter au son des "scouiiic scouiiic" qui accompagnaient ma marche énergique. La soirée était agréable, ni trop chaude ni trop fraîche, à l'image de la bière que je sirotais en terrasse en compagnie de mes amis. Tout à coup, des jeunes gens arrivent, un brun ténébreux s'assoit en face de moi, seule place qui restait en terrasse, avant de tourner sa chaise en direction de la table voisine. Je crois qu'il m'a souri. Son visage m'est familier, mais je n'arrive pas à savoir où je l'ai vu. Tandis que je continue à papoter avec mes amis, je le regarde, et au fur et à mesure, des accessoires et un contexte refont surface depuis les tréfonds de ma mémoire. Je distingue le jeune-homme avec un foulard autour du cou, une basse entre les mains, je perçois même un hublot dans le coin gauche du tableau que mes souvenirs reconstituent. Ça y est, j'y suis presque... Ne me manque plus que le nom de son groupe.
Son groupe....
À regarder autour de moi je constate soudain que tous les visages me sont familiers ici. Normal, tout le monde (sauf moi) fait partie d'un "groupe". Lui c'est le chanteur de Machintruc, et elle là-bas c'est la guitariste de Chosebidule. J'ai par conséquent quasiment l'impression d'être une loseuse, avec mon Bac+4 et mon boulot à vie : l'éternel complexe de "l'intello". Je sens presque quelque chose m'échapper, cette désagréable sensation, cette peur de ne plus faire partie du doux monde des nocturnes qui m'autorisait les fins de soirées déglinguées. Je crains avec le temps de devenir sérieuse et chiante. Une larme d'alcool de trop et mon humeur est à présent chagrine.

Me revoilà sur mon bout de trottoir, à contempler les graviers. Le ciel s'est assombri mais j'ai maintenant très envie de bouger, agir, me défouler sur quelque chose. Je promène mon regard aux alentours et aperçois des feuilles brunes de part et d'autre de mes fesses dodues nourries tous les jours à la glace à la vanille. Je me lève donc dans un ultime effort, et pars à la recherche d'un bon vieux balais.
Il est temps d'en finir avec toutes ces feuilles mortes.


jeudi 31 juillet 2008

Scandales


En m'engageant sur la bretelle d'autoroute, je prends conscience que ça doit bien être la millième fois que je conduis cette voiture pour sortir en ville, aller dans un bar, voir des gens, boire des coups... Il est environ 20h45, le soleil couchant diffuse une lumière qui
m'aveugle dans le rétroviseur.
Comme d'habitude, à vouloir trouver une place de parking proche de mon lieu de rendez-vous, je finis par t
otalement me paumer dans le quartier, et me gare n'importe où, pour arriver avec une bonne vingtaine de minutes de retard. Qui a dit que le mieux était l'ennemi du bien ?

Je retrouve mon "amie Sciences-Po" que je vois traditionnellement deux-trois fois par an, pour les vacances de Noël et celles d'été. Je l'ai connue au lycée, et déjà à l'époque, son obsession pour les cancans et les ragots m'irritait. J'ai fini par m'y habituer, et même par me prendre au jeu, guettant ses yeux qui grandissent et pétillent, sa bouche qui s'entrouvre lorsque je fais mine de lui confier un "secret". Car évidemment, si on veut que quelque chose reste confidentiel , c'est la dernière personne à informer car il lui faut à peine quelques jours pour répandre une rumeur. Et c'est sans exagérer, étant donné que mademoiselle la pipelette connait des centaines de personnes et que ça fait des années qu'elle entreprend de tisser sa toile à travers la ville. Cette fille ne se nourrit que de potins, et elle est toujours affamée.
On rejoint son frère et ses amis dan
s un bar. Ils me félicitent, puis on commande un verre avant de se dénicher une table.
Le garçon à côté de moi est très bavard, j'écoute ce qu'il raconte d'une oreille distraite. Ni son frère ni ses amis ne prêtent vraiment attention à nous. Bien qu'ils soient à peine plus âgés que nous, je sens une espèce de condescendance envers nous dans leurs propos. Cette désagréable impression m'interpelle, car je sui
s très habituée à fréquenter des trentenaires. D'ailleurs à y réfléchir, à part mes amis de fac ou de lycée, tous les autres sont trentenaires. Je suis donc étonnée d'être mal à l'aise avec eux, alors qu'ils n'ont que trois ans de plus que moi.
Je m'ennuie. Ils ne font que parler de leurs pseudos conquêtes. Mon amie est aux aguets. Elle lance des "rooooooooh" et des "Ohlalalaaaaaaa". Avec une certaine déception, je me sens
soudain très éloignée d'elle et de tout son univers superficiel, et j'ai l'impression d'être plus vieille que je ne le suis.
Elle commence à lancer des rumeurs sur son frère. Elle le fait passer pour un véritable tombeur. Un de ses am
is enchaîne, il commence une histoire qui a l'air fort croustillante. Enfin, je tends l'oreille.
Il nous raconte donc comment une nuit ils ont organisé un cache-cache dans la faculté de physique (faisant partie de l'amicale, ils en possédaient les clefs). Il se promenait donc dans
les couloirs, à la recherche de son camarade, et eut l'idée de regarder dans l'amphithéâtre principal. Il nous fait comprendre qu'il a surpris son ami avec une fille. Amusée, je demande des détails. Après plusieurs sous-entendus, il avoue enfin qu'il avait vu...... tenez-vous bien.... la fille qui tenait le bras (!!) de son pote.
Incroyable. J'étais déjà en train de m'imaginer la nana à poil accroupie sur le bureau, éclairée par le rétroprojecteur, avec le pendule de Foucault* dans le cul, mais je suis sûrement un peu trop tordue.

En tout cas, je ne les comprends pas. Quelque chose doit m'échapper... Toute la soirée continuera ainsi. Des scandales fondés sur des regards, des paroles. Je réalise enfin que depuis des années, cette fille se fout de ma gueule. Elle qui me racontait qu'elle "sortait' avec plein de mecs, devait en fait à peine leur avoir effleuré la main à une soirée. Je suis choquée, et me sens de moins en moins à ma place. Je regarde mon "amie" et c'est la première fois que je visualise mentalement ces guillemets. Leur discours me fait penser à des couvertures de Voici ou de Paris Match : "Scandale ! Une terrible épreuve ! Drame ! Des morts ! " pour des clopinettes.

Pour une fois ces gens boivent beaucoup plus que moi, ils en sont à leur troisième pinte lorsque je finis à peine mon demi. Ce soir, j'ai décidé par fierté d'être plus raisonnable qu'eux. Quelque part, leur normalité me fait peur. Pour eux, c'est la débauche totale que de boire des coups dans un bar. Je ne sais pas si j'ai envie de rire ou de pleurer. Alors qu'ils fantasment au sujet de leur quatrième scandale bidon, j'ai envie de hurler, de leur cracher qu'il y a deux ans j'ai accompagné des types chez un dealeur afin de chercher la coke qui ferait passer la descente de LSD de mon mec. De leur crier qu'il y a des choses plus graves dans la vie qu'une nana saoule qui caresse le visage de leur pote. J'ai envie de leur raconter qu'un type de cinquante ans et pété de thunes m'a clairement fait des avances dans un café, et que j'étais à l'époque tellement mal que j'ai hésité.
Au lieu de tout ça, j'ai sagement fini mon demi, et je me suis barrée. Il n'était même pas minuit.


Je sais ce qu'ils se sont dit : ell
e c'est vraiment une gentille petite fille modèle : troooop naaaaze !


*Le pendule de Foucault, c'est simplement un énorme pendule (c'est-à-dire un objet (généralement en forme de boule un peu allongée) assez lourd suspendu à un long fil costaud). L'expérience consiste à faire osciller le pendule assez longtemps pour constater au bout de quelques heures qu'il n'oscille plus dans le même plan (sa trajectoire tourne, il ne suit pas une seule ligne sur le sol) . C'est une conséquence de la rotation de la Terre sur elle-même.
Dans notre fac on en trouve un qui est suspendu juste sous le toit, le câble pend dans la cage d'escalier, et il oscille au niveau du sous-sol, t'imagines la bestiole ! Ça doit donc faire sacrément mal au fondement...




samedi 26 juillet 2008

Un coup

  • "Salut ! Si t'es libre ce week-end, on peut peut-être boire un coup, ou pédaler un coup à travers la campagne, ou tirer un coup..."

Non, je ne peux quand même pas lui écrire ça... Il va s'enfuir en courant, le pauvre, et ce n'est pas vraiment ce que je veux. Mais qu'est-ce que je veux au juste ? J'essaye de me convaincre que je ne veux rien, que je ne dois rien attendre de ce nouvel ami qui est de surcroît déjà pris. Mais malgré tout, mes pensées me ramènent toujours à lui. C'est de la pure torture.
Je ne sais plus quoi faire : si je le vois, il est tellement gentil que ça me fait du mal de le savoir rejoindre les bras de quelqu'un d'autre, et si je ne le vois pas, je me languis de lui. Alors je me répète en boucle "c'est un ami, c'est un ami, c'est un ami, ouiiiiinnnnn c'est seulement un ami, c'est un ami...." avant de me forcer à penser à autre chose.

  • "Salut ! Si t'es libre ce week-end, on peut peut-être se voir pour que tu me dises clairement qu'il n'y a rien entre nous, je t'assure que ça me rendrait service"

Bordel.

  • "Salut le sportif ! Si t'es libre ce week-end tu peux peut-être passer chez moi, pour faire du vélo ou se balader à travers champs (ne t'en fais pas, je n'ai pas l'intention de te violer entre les maïs)"

Non plus, c'est pas possible, je ne peux pas me contrôler deux minutes.... Même mes SMS se barrent en couilles. Encore un message que je n'enverrai pas, ni n'enregistrerai dans les Brouillons.
C'est désespérant. En plus, si je le harcèle il va se douter de quelque chose. En même temps, si je ne le relance pas, ce n'est pas lui qui fera spontanément un saut chez moi, même si je lui ai dit une bonne centaine de fois "Mais quand tu veux, y a pas de soucis, tu passes à la maison, c'est cool, nickel, top super méga génial (épouse-moi)".

J'ai l'impression que je fais des efforts, mais que je n'ai aucun retour. C'est comme pour mon prof de fac : dans l'enthousiasme de l'après résultat du Capes, j'ai enfin trouvé l'inspiration que je n'avais pas eue précédemment pour signer son livre d'or, et je lui ai donc écrit un très long mail élogieux et je dois l'avouer, plutôt bien torché. J'en étais assez fière, et j'ai mis un bon moment à le corriger et le peaufiner. Tout ce qu'il a réussi à me répondre c'est "Merci pour ton petit mot : il est très sympa et plein de bon sens. Bon vent pour la suite"

Génial ! Ohlala quelle joie d'apprendre que je suis "pleine de bon sens" ! Mais ça veut dire quoi ça, merde ?! C'est horrible... Plus insignifiant tu meurs, ce genre de compliment ça me donne juste l'envie de me tirer une balle dans la tête.

Lui aussi, il trouve que je suis une fille sympa et pleine de bon sens ? Après toutes ces heures à marcher en ayant des conversations tantôt profondes tantôt surréalistes, tout en étant souvent intimes, je pense plutôt qu'il a compris que ça ne tournait pas bien rond quelques fois. Ça doit être ça qui l'a poussé à chercher ma compagnie au début, quelque part je devais l'intriguer.
Mais parfois j'ai peur de l'effrayer avec mes foutues théories, mes paroles insatiables, mes mots, ma logorrhée éternelle et incohérente. Souvent, quand je sens que je vais trop loin, je m'interromps pour m'excuser. "C'est rien, t'es dans ton délire"
Et tout est résumé.
Je suis dans mon "délire". Et ça me bouffe la vie.


mardi 22 juillet 2008

Rideaux

Qu'est-ce qu'il y a de plus pénible qu'avoir une gueule de bois ?

>Avoir une gueule de bois et devoir repasser quelque chose comme 20m² de rideaux en acrylique.... Des fois je me passerais bien du côté maniaque de ma mère.

dimanche 20 juillet 2008

Victoire

Bon ben voilà... Je l'ai, mon concours.
Oui, je sais, j'avais dit que c'était foutu, mort, impossible, infaisable, complètement foiré, trop dur, pas pour cette fois, jamais de la vie, hautement improbable etc... Mais une fois de plus je me suis trompée. Depuis le lycée je "rate tout" et je réussis finalement tout. C'est très irritant pour les personnes qui m'entourent. D'autant que je les bassine bien avec mes pseudos échecs.
Mais tout est bien qui finit bien.
Champagne.

Je l'ai appris une fois de plus par téléphone. Il était quelque chose comme 19h, S. m'appelle pour me proposer un cinéma. Je lui demande si ça va, il me répond "ben, mouais". Je lui demande de préciser, pourquoi "mouais" ? Il me répond que mouais parce qu'il n'a pas le Capes, et ajoute qu'il a vu mon nom sur le site.

Blanc.
Je retiens ma respiration, tout va très vite, des frissons, aux papillons dans le ventre, à la bouche ouverte incapable de prononcer un mot. Première idée : c'est impossible. Les résultats sont prévus seulement dans cinq jours, je ne peux pas l'avoir, je me suis plantée à l'oral, il me fait une blague.

-Allo ? Tu m'entends ?

Blanc.
Non, quand même, c'est trop gros, il ne me ferait pas une blague aussi cruelle. Me faire croire qu'il a raté passe encore, mais me faire espérer que je l'ai c'est impossible, il n'est pas aussi sadique ni aussi stupide. Mais alors c'est vrai ? Non ce n'est pas vrai, il ment.

-Allooooo ?

Les idées se bousculent dans ma tête. J'évalue la situation, je dois avant tout garder mon calme, et gagner du temps... Je prétends que je l'entends mal, lui demande de se déplacer. En attendant je saute sur l'ordinateur, je n'écoute déjà plus ce qu'il me raconte au téléphone. Je dois faire vite, en avoir le cœur net : le site est dans les favoris et mon numéro d'anonymat a été mémorisé par l'ordinateur. En à peine quelques secondes une nouvelle fenêtre s'ouvre. J'ai la gorge sèche, mais ça ne m'empêche pas de déchiffrer et d'interpréter les trois mots qui s'affichent Vous Êtes Admis(e). C'était donc vrai.

-Et là tu m'entends ?

Je prends une grande bouffée d'air, j'ai envie d'exploser de joie, mais je suis toujours au téléphone avec quelqu'un qui a échoué. Je ne sais comment j'arrive à me maîtriser, mais je parviens à faire comme si de rien n'était, et tente de consoler mon interlocuteur, avec le ton le plus neutre possible. Je range mes émotions dans un coin, on convient d'une heure et d'un lieu de rendez-vous comme d'habitude, puis je raccroche. Abasourdie, je re-consulte le site, vérifie qu'il ne s'agit pas d'une erreur. Ce sont maintenant les émotions qui se bousculent, l'incrédulité, la surprise, le soulagement, la joie, l'angoisse face à l'inconnu, le bouleversement de mes projets, la fierté enfin...
Durant la suite de ma soirée, j'ai essayé de réaliser ce que cette réussite implique, mais ne voulant pas de suite céder à la panique, je me suis contentée de savourer cet instant, avant de redescendre de mon nuage.

Je l'avais oublié. Lui qui redouble ne l'a pas, alors que je l'ai réussi du premier coup. Il est triste, il me fait de la peine. Ses yeux habituellement pétillants sont ce soir emplis de mélancolie, son visage ne reflète aucune émotion autre que l'amertume.
Il me raccompagne à ma voiture, comme la dernière fois nous marchons de nuit. Mais aujourd'hui il n'est plus attentif à moi, il ne lève pas son bras en bouclier pour m'empêcher de traverser alors qu'une voiture déboule. Il ne veille plus sur moi tel un ange gardien. Pensif, lunatique, il n'arrive pas non plus à se décider, il hésite à me rendre visite le lendemain : une fois oui, une fois finalement non. C'est à moi de trancher, je décide que ça sera non. J'imagine qu'il a envie de s'isoler.
Je ne suis pas forte pour consoler les gens, je n'ai pas le contact facile : je suis incapable de prendre naturellement une personne dans mes bras, incapable de l'inviter à pleurer sur mon épaule. Tout ce que je sais faire, c'est tendre un verre rempli d'une substance alcoolisée à quelqu'un de malheureux. De plus, je suis fort maladroite lorsqu'il s'agit de trouver les mots appropriés. C'est frustrant d'être capable de coucher des centaines de phrases sur papier (ou plutôt sur écran) mais d'être inapte à l'expression orale des sentiments : excuse-moi.

Je préfère le silence. Je dis que je comprends qu'il ne soit pas bavard en de telles circonstances, je tente un brin d'humour. On est arrivés à ma voiture. Bon...
C'est à moi de trouver quelque chose à dire. Spontanément, j'ai envie d'au moins lui toucher le bras ou lui frotter affectueusement l'épaule, mais il est en retrait, et j'ai peur que mon geste soit maladroit. Je finis par lâcher quelques pudiques paroles que j'espère réconfortantes, mais je le sens très mal à l'aise. Je l'ai déjà vu pleurer il y a quelques semaines, et j'ai l'impression qu'il a ce soir encore les larmes au bord des yeux, donc pour lui rendre service j'abrège et lui souhaite néanmoins de passer une bonne nuit tout en ouvrant la portière.
Il esquisse alors un sourire, avant de me tourner le dos.



dimanche 13 juillet 2008

Cauchemar

Gare de l'est, métro, hôtel, pizza, hôtel, dodo.

Petit déjeuner, révisions, salade, café serré, RER, réunion au lycée, RER, sandwich, hôtel, révisions.... pas de dodo.

C'est là que ça se corse. La pire nuit de ma vie. Un véritable cauchemar. Quoique pour cauchemarder, il faut déjà dormir. Et ce n'était pas mon cas.
Pourtant, je n'avais pas l'impression d'être stressée. Mais il est 23h et je n'ai pas sommeil. Puis il est minuit et je n'ai toujours pas sommeil. Là je commence à m'énerver, je me vois déjà fatiguée pour mon épreuve du lendemain. J'allume la télé, il est 01h, puis 02h. J'éteins la télé et me concentre sur la fatigue. J'essaye de contrôler mon cerveau, de lui faire croire que je suis épuisée. Je suis tellement aux aguets, prête à sauter sur la moindre envie de dormir que je finis par être totalement à cran. La situation devient de plus en plus critique. Ma montre indique 3h du matin et mes yeux refusent à présent de se fermer.
Je me lève du lit, vais à la fenêtre, replonge sous les draps, cherche la position la plus propice à l'endormissement, ne bouge plus et attends. Il est maintenant 3h30. Je tente de contrôler mes pensées, de me forcer à rêver. J'invente donc des histoires invraisemblables, espérant que mon cerveau se croira dans un rêve et que mon inconscient prendra le relai. En vain...

D'habitude, il suffit que je fer
me les yeux pour m'enfoncer, mais là c'est inutile. Alors je guète le rêve, je guète le passage à l'autre monde, j'essaye de lâcher prise, mais c'est un cercle vicieux que de penser "ne pense plus à rien".
Il est 4h00 du matin et je n'ai toujours pas dormi la moindre minute. J'ai entrepris de m'auto-endormir et c'est un cuisant échec : j'en suis arrivée à me caresser moi-même la tête et les cheveux et murmurant "chu
uuuut" mais mes paupières se soulèvent toutes seules. Je me relève donc, à la recherche de mon foulard que je noue autour de mon visage pour me bander les yeux, me préparant pour un Colin-Maillard avec mon pote le sommeil.
Ça y est, il est 4h30. Je sais pertinemment que je suis incapable de décaler mon rythme et que quoiqu'il arrive je me réveillerai entre 07h et 08h le lendemain... Je prends conscience que "le lendemain" c'est dans trois heures. Prise de colère, je me dis "ça suffit maintenant ! Tu vas t'endormir oui ou merde ?!". J'ôte mon bandeau des yeux, il me gène, et pousse de gros soupirs entre deux bâillements
. Je regrette de ne pas avoir emporté de somnifère, et encore plus d'avoir pris un café dans l'après-midi. J'enfonce avec désespoir mon visage dans l'oreiller, me tourne et retourne dans le lit, m'interdisant à partir de cet instant de regarder l'heure.
Je suis frustrée, je sais que ça ne sert à rien d'attendre qu'il se passe quelque chose, pourtant je ne peux m'empêcher d'être aux aguets.


Ce fut une nuit épouvantable, flottant entre deux états, le conscient à la recherche désespérée de l'inconscient. Je me réveillerai le lendemain à 7h30, aurai mon épreuve à 15h, épreuve que je planterai lamentablement, offrirai un spectacle pitoyable et donnant l'image d'une candidate confuse, bafouillante, hésitante, presque au bord des larmes devant un jury n'arrivant pas à me faire dire ce que je sais, car dans cet état je ne saurai malheureusement plus rien.

samedi 5 juillet 2008

Pariiis

C'est parti pour l'aventure parisienne.
Je ne suis absolument pas au point, et pourtant il va falloir que je défende mes "chances" devant un jury impitoyable.
On va bien rigoler....