mardi 7 octobre 2008

transformation


Alors c'est ça qu'on appelle le stress ?
Ce métier qui me colle à la peau, une vraie saloperie. "On a du mal à s'en débarrasser, on met du temps à déconnecter le soir, einh ?" me disait Guy en me ramenant à la gare hier soir.
Le matin quand je me lève, je me dis qu'il faut absolument que je pense à dire aux 5èA que je ramasserai leur classeur la fois prochaine. Quand je me couche, je pense que j'ai encore oublié de vérifier les signatures sur les contrôles des 4èD. Dans la journée, je suis rongée par l'angoisse d'avoir déjà trois semaines de retard sur ma progression en 4è, et je me demande comment diable je vais bien pouvoir accélérer sans en paumer les 3/4 au passage. A midi, je m'en veux d'avoir encore crié sur Filip sans lui avoir donné de punition. Je passe mon temps à ressasser, à focaliser sur mes erreurs jusqu'à en avoir la nausée.
Quelques fois je reste dans l'embrasure de la porte, adossée au chambranle les bras croisés, rêveuse, et je contemple le flot d'adolescents qui dans ce contexte particulier portent chacun le même nom "d'élève". Toute cette vie qui grouille de partout dans le couloir. Lorsque j'en reconnais certains, ça me fait plaisir parce que ce sont "mes" élèves. D'ailleurs quelque part je les aime tous, même les plus pénibles. Je souris quand je les vois rouler des mécaniques, des fois il m'arrive même d'en trouver l'un ou l'autre craquant.
Alors je les regarde évoluer avec bienveillance en cachette, jusqu'à ce que "ma" classe soit au complet, en tas comme il se doit devant "ma" salle. La sonnerie a déjà retenti depuis cinq bonnes minutes mais je gagne un peu de temps, encore un peu de paix, avant de me redresser puis j'avance vers eux et leur dis "allez, rangez-vous !" avant d'ajouter "vous pouvez rentrer".
Je ferme la porte et me transforme.


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