samedi 15 novembre 2008

Plus rien à dire

Le moment que je craignais est arrivé : je crois que je n'ai plus rien à dire.

Il fallait bien que cela arrive un jour. Ça me fait penser à un jeune-homme que j'ai croisé une seconde il y a des années puis dont j'ai retrouvé la trace par hasard sur Internet, et avec qui j'ai brièvement lié une amitié virtuelle. Un jeune-homme qui, quand je l'avais croisé à ce festival, m'avait fasciné par son look et son appareil photo. Je l'ai tout de suite repéré dans la foule, son corps chétif, son allure maladive avait attiré mon attention. Il avait à l'époque le crâne presque rasé. J'essayais de me rapprocher discrètement de lui mais il ne m'a pas remarquée, l'œil vissé à son appareil photo. Même lorsqu'à force de le coller, il m'a un peu bousculée en reculant et que je lui ai légèrement marché sur le pied, il n'a pas quitté la scène des yeux à travers son objectif.
Des mois plus tard, je naviguais sur la toile quand je suis tombée pour la première fois sur la page "myspace" du jeune-homme. Aucun doute : c'était bien lui, je l'ai tout de suite reconnu malgré la crête qu'il avait à l'époque de ses photos. Prenant mon courage à deux mains, et risquant le ridicule, je l'ai contacté et lui ai écrit que je m'excusais de lui avoir marché sur le pied la première et dernière fois qu'on s'est croisés.
Par chance, le jeune-homme est spirituel et assez ouvert pour s'amuser de ce genre de messages. On a donc échangé nos adresses mail puis MSN et des mois durant, avons correspondu régulièrement.
Le jeune-homme m'a initiée à myspace. Il tenait également un blog que je consultais régulièrement. Il écrivait avec un français impeccable et un esprit que j'appréciais beaucoup.
Le jeune-homme est obsédé par la musique, c'est lui qui m'a fait connaitre certaines choses bien curieuses et originales, je l'en remercie.
J'ai donc appris à le découvrir via le virtuel. J'aimais son côté artiste refoulé et souffreteux qui pense trop. Pour la première fois, j'ai rencontré quelqu'un qui se lasse bien plus vite que moi de toutes les choses nouvelles. Nous partagions la même tendance à l'obsession pour des choses dont nous nous lassions quelques temps plus tard, nous partagions la même incapacité à nourrir des sentiments durables pour quelqu'un.
Mais aussi pour la première fois j'en ai moi-même fait les frais car battue sur mon propre terrain, il s'est lassé de moi avant que je ne me lasse de lui. Il s'est aussi lassé de sa page myspace, puis s'est lassé de MSN, puis enfin, s'est lassé de son blog. Il a usé de la touche "Suppr" comme moi j'avais brûlé mes propres journaux intimes d'adolescente.
J'ai donc perdu sa trace. Il s'est évaporé quelque part dans la nature, aussi naturellement qu'il m'était apparu. Quelque part c'est mieux. Ça m'évite de me faire des films. Sauf que j'aime me faire des films, ça occupe l'esprit.

Mais c'est à mon tour de me lasser.
J'aimerais avoir des choses nouvelles à raconter, des choses originales, des choses drôles, mais non, je tourne toujours en rond. Quelque chose s'est brisé.

Et pourtant, j'aime aussi certaines habitudes.
J'aime toujours autant sortir avec L. et boire des coups, boire des coups à sentir tous les muscles de mon visage, avoir l'impression que mes traits sont tirés, mais peut-être le sont-ils, figés dans le rictus béat qu'affiche le visage des filles qui boivent trop. Je me dis comme d'habitude. Une soirée avec L. qui ressemble à une soirée avec L.
Une soirée à boire et à parler, moi avec ma retenue maladive, lui avec sa franchise déroutante. Je me dis encore une soirée où je vais rentrer je ne sais comment en bagnole, avalant la route comme j'ai avalé tout cet alcool : avec une assurance et une habitude dangereuses. Une soirée où une fois dans mon lit je me dirais mais merde, on est fait pour être ensemble, mais merde, qu'est-ce que je fais, il est trop vieux merde, mais pourtant c'est avec lui que je m'entends le mieux. Et je me dis que peut-être lui aussi aura un doute, mais qu'en faisant l'amour à sa copine il ne pensera plus à tout ça. Il ne pensera plus à moi, il m'aura effacée.

Alors quitte à être effacée, autant m'effacer moi-même.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Paradoxal de ne plus rien avoir à dire et pourtant d'écrire un article si délicat et si touchant.
Cette sincérité qu'on sent dans tes textes, tu sais la renouveler et je crois que c'est suffisant.

Dans ton premier article, tu disais "Le Monday morning est la seule décharge électrique qui nous fait prendre conscience de notre situation, et c'est pour cette raison que j'ai créé ce blog,pour y consigner toutes les décharges électriques que je reçois (...) celles qui font que chacun est différent parce qu'à ce moment précis, on a des pensées et qu'on ressent des émotions."

Cet article, peut-être vu comme l'une de ces décharges électriques et il me fait voir la vie derrière tes mots.
Il n'aurait pas de sens s'il devenait auto-lytique ;)

Ps: J'ai personnellement lu tes derniers articles avec beaucoup de plaisir.

Monday Morning a dit…

Salut !
Tout d'abord un grand merci pour tes messages, ça me fait vraiment plaisir lorsque je découvre qu'il existe des gens quelque part qui lisent régulièrement mon blog.

Je te rassure, je reçois toujours des décharges électriques, mais en ce moment ce sont souvent les mêmes, et du coup même pour moi c'est lassant.
Enfin, comme on dit quand on ne sait plus quoi ajouter : "on verra"

A bientôt dans le monde magique des blogs !

postmodernism a dit…

l'electricite, ca va, ca vient...parfois on se court circuite...mais ca repart apres...
faut chopper la bonne resistance, et ca, c vraiment dur

Anonyme a dit…

Change d'avis, Monday Morning !
Moi aussi je te lis toujours avec plaisir, même si je ne commente pas toujours car tes textes sont si bien écrits qu'on ne sait quoi dire de pertinent après leur lecture.
Je te souhaite beaucoup de nouvelles décharges électriques.

postmodernism a dit…

oui oui! continue!! je suis bien d'accord avec candy

Monday Morning a dit…

Merci merci les ami(e)s ! Ça me touche beaucoup...