dimanche 20 juillet 2008

Victoire

Bon ben voilà... Je l'ai, mon concours.
Oui, je sais, j'avais dit que c'était foutu, mort, impossible, infaisable, complètement foiré, trop dur, pas pour cette fois, jamais de la vie, hautement improbable etc... Mais une fois de plus je me suis trompée. Depuis le lycée je "rate tout" et je réussis finalement tout. C'est très irritant pour les personnes qui m'entourent. D'autant que je les bassine bien avec mes pseudos échecs.
Mais tout est bien qui finit bien.
Champagne.

Je l'ai appris une fois de plus par téléphone. Il était quelque chose comme 19h, S. m'appelle pour me proposer un cinéma. Je lui demande si ça va, il me répond "ben, mouais". Je lui demande de préciser, pourquoi "mouais" ? Il me répond que mouais parce qu'il n'a pas le Capes, et ajoute qu'il a vu mon nom sur le site.

Blanc.
Je retiens ma respiration, tout va très vite, des frissons, aux papillons dans le ventre, à la bouche ouverte incapable de prononcer un mot. Première idée : c'est impossible. Les résultats sont prévus seulement dans cinq jours, je ne peux pas l'avoir, je me suis plantée à l'oral, il me fait une blague.

-Allo ? Tu m'entends ?

Blanc.
Non, quand même, c'est trop gros, il ne me ferait pas une blague aussi cruelle. Me faire croire qu'il a raté passe encore, mais me faire espérer que je l'ai c'est impossible, il n'est pas aussi sadique ni aussi stupide. Mais alors c'est vrai ? Non ce n'est pas vrai, il ment.

-Allooooo ?

Les idées se bousculent dans ma tête. J'évalue la situation, je dois avant tout garder mon calme, et gagner du temps... Je prétends que je l'entends mal, lui demande de se déplacer. En attendant je saute sur l'ordinateur, je n'écoute déjà plus ce qu'il me raconte au téléphone. Je dois faire vite, en avoir le cœur net : le site est dans les favoris et mon numéro d'anonymat a été mémorisé par l'ordinateur. En à peine quelques secondes une nouvelle fenêtre s'ouvre. J'ai la gorge sèche, mais ça ne m'empêche pas de déchiffrer et d'interpréter les trois mots qui s'affichent Vous Êtes Admis(e). C'était donc vrai.

-Et là tu m'entends ?

Je prends une grande bouffée d'air, j'ai envie d'exploser de joie, mais je suis toujours au téléphone avec quelqu'un qui a échoué. Je ne sais comment j'arrive à me maîtriser, mais je parviens à faire comme si de rien n'était, et tente de consoler mon interlocuteur, avec le ton le plus neutre possible. Je range mes émotions dans un coin, on convient d'une heure et d'un lieu de rendez-vous comme d'habitude, puis je raccroche. Abasourdie, je re-consulte le site, vérifie qu'il ne s'agit pas d'une erreur. Ce sont maintenant les émotions qui se bousculent, l'incrédulité, la surprise, le soulagement, la joie, l'angoisse face à l'inconnu, le bouleversement de mes projets, la fierté enfin...
Durant la suite de ma soirée, j'ai essayé de réaliser ce que cette réussite implique, mais ne voulant pas de suite céder à la panique, je me suis contentée de savourer cet instant, avant de redescendre de mon nuage.

Je l'avais oublié. Lui qui redouble ne l'a pas, alors que je l'ai réussi du premier coup. Il est triste, il me fait de la peine. Ses yeux habituellement pétillants sont ce soir emplis de mélancolie, son visage ne reflète aucune émotion autre que l'amertume.
Il me raccompagne à ma voiture, comme la dernière fois nous marchons de nuit. Mais aujourd'hui il n'est plus attentif à moi, il ne lève pas son bras en bouclier pour m'empêcher de traverser alors qu'une voiture déboule. Il ne veille plus sur moi tel un ange gardien. Pensif, lunatique, il n'arrive pas non plus à se décider, il hésite à me rendre visite le lendemain : une fois oui, une fois finalement non. C'est à moi de trancher, je décide que ça sera non. J'imagine qu'il a envie de s'isoler.
Je ne suis pas forte pour consoler les gens, je n'ai pas le contact facile : je suis incapable de prendre naturellement une personne dans mes bras, incapable de l'inviter à pleurer sur mon épaule. Tout ce que je sais faire, c'est tendre un verre rempli d'une substance alcoolisée à quelqu'un de malheureux. De plus, je suis fort maladroite lorsqu'il s'agit de trouver les mots appropriés. C'est frustrant d'être capable de coucher des centaines de phrases sur papier (ou plutôt sur écran) mais d'être inapte à l'expression orale des sentiments : excuse-moi.

Je préfère le silence. Je dis que je comprends qu'il ne soit pas bavard en de telles circonstances, je tente un brin d'humour. On est arrivés à ma voiture. Bon...
C'est à moi de trouver quelque chose à dire. Spontanément, j'ai envie d'au moins lui toucher le bras ou lui frotter affectueusement l'épaule, mais il est en retrait, et j'ai peur que mon geste soit maladroit. Je finis par lâcher quelques pudiques paroles que j'espère réconfortantes, mais je le sens très mal à l'aise. Je l'ai déjà vu pleurer il y a quelques semaines, et j'ai l'impression qu'il a ce soir encore les larmes au bord des yeux, donc pour lui rendre service j'abrège et lui souhaite néanmoins de passer une bonne nuit tout en ouvrant la portière.
Il esquisse alors un sourire, avant de me tourner le dos.



4 commentaires:

Anonyme a dit…

Précédemment, j'avais eu envie de laisser un commentaire pour dire quelque chose comme : "avec un concours tout est possible, parfois on pense à tort avoir échoué (et vice versa), attend les résultats avant d'être certaine de ta défaite". Je ne l'ai pas fait parce que je sais aussi que c'est pénible d'entendre "mais si tu as réussi !" quand on est soi-même sure du contraire.

En tout cas maintenant, je peux écrire : félicitations ! On ne se connaît pas et c'est mon premier commentaire ici, pourtant bizarrement cette bonne nouvelle me fait plaisir... Peut-être par identification aussi, parce que je connais les insomnies liées aux examens, ce genre d'angoisse.

Par ailleurs, je crois que consoler une personne, même un proche, c'est très difficile en général. Un verre d'alcool et surtout une présence, c'est toujours quelque chose et quelquefois ça peut suffire...

Monday Morning a dit…

Merci !

Oh tu sais, mes amis ont subi des centaines de "mais j'te juuuure cette fois j'ai VRAIMENT foiré", et moi j'ai entendu des centaines de "mouais, tu dis toujours ça, t'es plus crédible !". Je crois que je préfère me préparer à l'échec, puisque j'ai beaucoup de mal à vivre la fausse joie, et que pour ça je commence par convaincre les autres...

Merci aussi d'avoir pris la peine de laisser un commentaire, ça me fait d'autant plus plaisir que j'apprécie énormément ton blog et ton style. Mais je viendrai te le redire sur ton blog une prochaine fois :)

Anonyme a dit…

Félicitations !!!

Tu vas faire quoi alors l'année prochaine ?

Monday Morning a dit…

Eh bien je vais me battre avec des collégiens de ZEP pour tenter de leur apprendre de la physique-chimie. J'aime les défis :)