jeudi 3 juillet 2008

Dans les nuages

Ce ne sont même plus des volutes de fumée, c'est un véritable nuage qui s'élève dans les airs au-dessus de ma tête. Un champignon atomique aux puissantes senteurs suspectes. Il est 11h40 et il y a cinq minutes j'étais angoissée, d'ici vingt minutes ça devrait s'arranger. Je n'arrive pas à me concentrer.
En relisant mes cours, je venais encore de m'apercevoir que j'ai fait des erreurs. Comme pour enfoncer le couteau dans la plaie, j'ai ressorti le sujet de dessous une pile de papiers brouillons raturés, griffonnés, où s'étalent des formules, des schémas, des flèches. Les parenthèses dansent devant mes yeux, les numérateurs se superposent aux dénominateurs, je n'arrive pas à fixer mon regard sur une ligne de calcul sans que celle-ci se dérobe. Je fourre donc le tout dans la corbeille, saisis le sujet, l'ouvre à la bonne page, et, le cœur battant, constate une fois de plus que je me suis gourée. J'ai répondu totalement à côté, j'ai confondu... Remarque, je savais que je n'étais pas au point à l'époque. Avec une curiosité malsaine, comme pour en avoir le cœur net, j'en profite pour tourner d'autres pages, relire d'autres questions, les trouver maintenant d'une évidence presque enfantine, consternée devant ma propre bêtise. Comment ai-je pu répondre à côté ? Je crois que c'est l'angoisse, la panique, le manque de pondération. Je me revois encore parcourir avec fébrilité le sujet, sauter des lignes, tourner violemment les pages, cherchant désespérément des données qui figuraient pourtant dans l'en-tête que j'avais omis de lire, flanquant ma trousse par terre, perdant des morceaux de brouillon, rajoutant une troisième couche de Typex sur la même ligne, gravant une dernière version au Bic bleu... Ce putain de stress qui fout tout en l'air, qui m'empêche de travailler sereinement et efficacement.
Alors je me réfugie dans des volutes qui ne ressemblent à rien. Comme ces heures de travail évaporées, toujours le même incendie amorcé par l'angoisse et entretenu par la panique.

La fumée tourbillonne et mon angoisse s'envole, entraînant aussi toute mon énergie dans son élan pour laisser la place à la lassitude.
Quand on est un peu défoncé on devient tendre. Je regarde d'un œil vide mon portable, et envisage d'envoyer des messages dans les airs. Seules des ondes électromagnétiques sont capables de percer ce voile de nuages car je n'ai plus la force de le disperser... Des phrases, des mots comme on est capable d'écrire avec mélancolie, des "j'ai envie de te voir". Et puis finalement non. Encore trop lucide pour ça.
Je m'écroule dans le fauteuil à côté de la fenêtre et regarde les nimbus et les cirrus. Besoin d'agir mais trop assommée pour ça, je me relève avec effort pour m'étaler deux mètres plus loin dans mon lit.
J'ai vraiment envie de le voir. Mais pas avec eux, juste nous deux, je n'ai pas envie de te partager, je suis trop égoïste pour ça.

F. me reprochait de "fractionner" mes amis et relations, de ne pas les mélanger. Lui il adore réunir tout le monde, faire se rencontrer des gens, moi non. J'aime trop me faire chouchouter, j'aime qu'on s'occupe exclusivement de moi, qu'on ne parle qu'à moi, je ne veux pas être perdue parmi un tas de personnes dans un brouhaha ambiant. Je m'arrange donc toujours pour quitter un rendez-vous pour un autre, tout recommencer pour encore revivre la rencontre, multiplier les bises, les quoi de neuf, les comment tu vas, et remettre le compteur de bières commandées au bar à zéro.
Je préfère donc que tu ne les voies pas encore, je veux te garder pour moi toute seule encore un peu, avant que F. ne te mette le grappin dessus l'an prochain quand il aura rejoint notre promo. J'aimerais pouvoir te voir sans qu'il nous rejoigne, sans qu'il "s'incruste" avec ses gros sabots, lui qui trouve tellement naturel de tout partager, tout vivre ensemble.
Je ne veux pas exister "ensemble".

Je finis par chasser la fumée, balayant l'air de gestes amples avant de me résoudre à ouvrir la fenêtre malgré la chaleur de ce midi. Je n'ai d'ailleurs pas très faim.

Je passerai tout l'après-midi dans un état d'errance pitoyable, essayant de travailler malgré mes neurones embrumés, devant attendre 20h avant de retrouver un peu d'énergie. Mais à quoi ça sert d'avoir de l'énergie pour aller se coucher ?



>C'est une photo un peu retouchée que j'ai prise alors que mon appareil rendait l'âme...<

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