samedi 7 novembre 2009

Prévoyance et imprévu, des gens connus et un inconnu

En faisant ma valise pour repartir une semaine à Strasbourg, sélectionnant les tenues que j'allais emporter et étudiant ma silhouette dans le miroir, je n'ai pu que constater que j'avais bien maigri. Peut-être même trop maigri. Et pourtant je ne fais pas exprès de m'affamer comme j'aurais pu a priori le prévoir. Non, je mange à ma faim et quand j'ai faim. Ainsi il m'est parfois arrivé de me faire à dîner pour 18h ou à déjeuner pour 15h. Mais c'est comme ça.
Autre phénomène étrange, depuis que je vis seule j'arrive enfin à faire des grasses matinées, à n'émerger qu'à onze heures alors que chez mes parents je ne dormais jamais au-delà de 10h même si je m'étais couchée à 5h du matin. Peut-être qu'inconsciemment je me réveillais car je savais que cela serait très mal perçu de se lever tard. Car chez moi on ne faisait pas de grasses matinées, car d'abord on ne se couchait pas tard et qu'ensuite il fallait être frais et efficace dès le matin pour travailler dans les meilleures conditions. Chez moi on n'avait jamais la tête dans le pâté, on n'avait jamais la gueule de bois (quelle horreur), on travaillait beaucoup et on méprisait par dessus tout l'oisiveté. On prévoyait tout à l'avance, avait une vénération pour le verbe "anticiper". Il fallait prévenir les hautes autorités au moins trois jours à l'avance si on n'avait pas l'intention de prendre le repas à la maison car il n'y avait pas de place pour l'improvisation ou l'imprévu.
Mon problème à moi c'est que j'aime l'improvisation, ces petits challenges quotidiens, ces agréables surprises, ces invitations à la dernière minute. Toujours partante pour la "fête", pour boire un coup au lieu de rentrer, pour prolonger la soirée encore un peu et partager ces instants avec des gens que je connais depuis quelques heures. Alors forcément mes petits yeux, ma voix enrouée et ma mauvaise humeur consécutive à une nuit trop courte choquaient.
Heureusement tout cela est fini et c'est avec pla
isir qu'en rentrant chez mes parents pour les vacances je retrouve cette organisation, la bouffe cuisinée toute seule et prête à midi pétantes. J'ai donc passé beaucoup de temps à manger avec ma famille même si je n'avais pas faim, et énormément à boire avec mes amis même si je n'avais pas soif. Retrouver enfin des lieux familiers où la bière n'est pas à un prix exorbitant, se retrouver chez F, commencer la soirée comme toujours et finir la soirée comme toujours à compter les cadavres de bouteilles sur la table tout en écoutant les garçons chanter et jouer de la guitare. Sourire car c'est comme ça qu'on est heureux, en reproduisant les mêmes rites, les mêmes habitudes, les mêmes blagues, toujours les mêmes mais toujours hilarantes. Chacun tient son rôle : B. fait le pitre, P-L fait de l'esprit, F. rigole et moi, la seule fille, je les aime. Ces rôles, nous nous les sommes attribués depuis des années et jamais cela ne changera. Car même si notre vie à côté part complètement en live, même si on déprime, même si on est triste, qu'on fait n'importe quoi, qu'on file un mauvais coton, on devra tenir nos rôles quoiqu'il se passe et cela nous fera oublier un moment l'autre personne qu'on tente d'être en société, ce qui n'est pas plus mal.Certaines personnes ne changent pas et c'est un soulagement quelque part d'avoir quelques certitudes.

Depuis quelques semaines j'ai appris à faire face à de nombreuses situations tendues avec un détachement et un calme étonnant. Ainsi hier soir lorsque ce type ébouriffé et portant un masque chirurgical a surgi des banquettes du métro pour se diriger d'un pas énergique vers moi et s'asseoir à mes côtés je n'ai pas bougé d'un poil. Lorsqu'il m'a adressé la parole pour critiquer le groupe de
touristes se photographiant à grands coups de flashes qui étaient derrière nous et qui ne "donnent jamais rien" j'ai acquiescé d'un air compréhensif. Lorsqu'il m'a demandé où on était, je lui ai aimablement répondu. Lorsqu'il a commencé à frapper la tête d'une des touristes derrière nous et lui intimant de dégager d'un signe de la main, je ne me suis qu'à peine tassée sur mon siège, me demandant toujours pourquoi il fallait qu'il vienne se poser à côté de moi alors que la rame était presque vide. Ok tout ça est parfaitement normal, un type portant un masque chirurgical vient de se réveiller dans le métro, il est complètement à l'ouest et commence à devenir violent, et alors ? Il en faut plus pour m'effrayer et mieux vaut ne pas trop se faire remarquer... Alors je ne bouge pas d'un pouce, j'attends. Et finalement il finira par bondir hors de la rame quelques stations plus loin. Et c'est seulement quand sa tignasse blonde sera hors de ma vue que je prendrais conscience de la boule dans ma gorge et de ma difficulté à respirer normalement.Pourtant lorsqu'il était là tout allait bien, j'avais conscience des regards lointains tous tournés vers nous, va-t-il agresser la jeune-fille ou pas ? En le regardant de près je le trouvais même plutôt mignon sous son masque. Ma curiosité et ma faiblesse me perdront un jour...

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