dimanche 15 mars 2009

Des journées comme ça

Hier Alain Bashung meurt, au même moment j'achète une voiture et tombe amoureuse du vendeur. Il y a des journées comme ça, tout va de travers.
Ça avait pourtant bien commencé. J'ai fait le tour des concessionnaires, journée portes ouvertes oblige. Je sers les habituels "Ahlalala je sais pas, j'hésite... Vous savez, c'est ma première voiture, et vous concurrents me font une meilleure offre...." Puis je vais chez le concurrent et je redis la même chose, jusqu'à faire baisser les prix.
Et là, je tombe sur un jeune-homme charmant dans tous les sens du terme. Je pourrais passer des heures à trouver des qualificatifs, mais pour faire simple on pourra dire qu'il correspond à 100% à mon idéal masculin. En fait, jusqu'à présent je ne pensais pas avoir d'idéal masculin et trouvais même l'idée stupide. Mais je n'avais pas encore rencontré "Machin". Quand il m'a
vue, il a vite compris qu'il lui serait utile d'user de tous ses charmes pour me convaincre.
Oh, il n'avait pas grand chose à faire de toute façon. Un sourire modeste et une petite blague et c'était gagné. Tout l'art du commercial : faire croire qu'on laisse une liberté totale au client, aller jusqu'à vanter les mérites de ses concurrents, le meilleur moyen pour que le client vous estime "honnête" et revienne vers vous au final.
Faire croire au client qu'on lui fait une fleur exceptionnelle, qu'on va se faire engueuler par le patron mais qu'on lui fait quand même la remise... Et quand on est au téléphone avec ledit patron, flatter le client en disant des choses comme "Et la cliente est charmante, elle est étudiante, il faut
l'aider !" ('tain j'ai une gueule d'étudiante... tu m'étonnes que mes élèves soient familiers avec moi)
Et là j'ai honte mais je n'ai pas réussi à ne pas me faire avoir. C'en était trop. Le sosie français de Wentworth Miller mais en moins poseur qui vous qualifie de "charmante", il m'était impossible de ne pas craquer. Seule avec le beau gosse dans la concession illuminée par le soleil qui a enfin fini par percer, je me sentais apaisée.
C'est un peu comme le syndrome de Stockholm : je tombe amoureuse du tortionnaire qui vide de façon cruelle mon compte
en banque. Mon côté masochiste qui ressort encore une fois. Après il a fallu choisir la couleur de la voiture. Alors on a fait un tour dehors pour regarder les différentes teintes au soleil, mais le nuancier en mains, c'est la couleur des yeux du jeune-homme que je redécouvre. Ils avaient l'air bleus mais en fait ils sont verts. Avec un sourire en coin, je glisse "ah oui, au soleil c'est autre chose quand même". Dehors il fait bon. On parle de météo. Le jeune-homme est détendu, il a fait une affaire aujourd'hui. Quant à moi, je fonds comme un côné glacé sorti du réfrigérateur.
Retour dans son bureau, on plaisante, puis je signe et me dirige vers la sortie, il m'accompagne dehors, je suis éblouie pa
r le soleil. En baissant les yeux vers la flaque poisseuse que je devenue, il dit qu'il ira peut-être faire du vélo après avoir fermé boutique. Moi aussi j'aurais aimé faire du vélo par ce temps-là. Là je me dis que si je ne m'étais pas liquéfiée j'aurais déjà tenté quelque chose, ou au moins jeté une perche, mais je ne suis pas assez audacieuse pour me lancer à la conquête d'un commercial charmeur et manipulateur qui a été recruté pour ses beaux discours et son physique avantageux, qui selon toute probabilité doit vivre depuis six ans avec une fille au physique de top model qu'il a rencontré à son club de gym.
Alors il me dit "à bientôt !", me tend une main que je m'empresse de saisir. C'est l'heure de le quitter, alors je m'en vais mais me retourne une dernière fois pour le saluer en secouant la main comme je le ferais si c'était un ami, et lance "bonne soirée !" avec un grand sourire avant de retrouver ma morne existence, un poids en moins sur le compte en banque mais un poids en plus sur le cœur.

Le soir, c'est concert. Comme d'ha
bitude j'y vais toute seule, j'achète trois tickets pour commander des bières, et je me promène d'une salle à l'autre. J'évite des jeunes ados surexcités qui regrettent que "personne ne pogote", déplorant que "c'est même pas marrant". J'ai un pincement au cœur lorsque je compte qu'il y a cinq ans j'étais à leur place, mes premiers concerts, déjà seule. J'étais alors pas loin d'être la plus jeune du public, et j'avoue que j'en retirais une certaine fierté. Maintenant je ne découvre plus les groupes locaux car je les connais déjà. Je me fais d'ailleurs la réflexion que je les ai découverts dans des salles qui sont maintenant fermées. Misère... J'me fais vieille, je pense au passé. Chercher une bière, me frayer un passage dans le public, me renverser une bonne partie de la boisson dessus à cause d'un inévitable coup de coude, ces gestes sont devenus des réflexes. Mais toujours silencieuse. Personne à part le videur ne me parle. D'ailleurs je ne parle à personne non plus. C'est d'une logique infaillible. Je me contente d'écouter les chansons des groupes locaux, mais j'ai plus l'impression d'écouter des reprises d'artistes dont ils sont fans que leurs propres compositions.
On est en mars. Bientôt je déménagerai. Je m'installerai quelque part en Ile de France. J'irai seule à d'autres concerts voir d'autres groupes locaux. Ça ne me changera guère d'ici finalement. Et au moins j'aurai
une voiture. Couleur "sable bivouac". Comme sa veste.

1 commentaire:

postmodernism a dit…

hehe moi je redecouvre le plaisir a aller aux concerts seule, et je dois dire que j'apprecie.
si un jour tu veux venir, seule, en californie, hesite pas! (t'as le permis en plus = c tout ce dont tu as besoin ici!)