mardi 5 mai 2009

se servir de cobaye

Je suis arrivée devant le bar avec 40mn de retard. Je savais que ça allait finir comme ça à la minute où je suis entrée dans ma salle de bain pour me changer. J'étais alors comme engourdie. J'avais passé une bonne partie de la journée devant un écran, à conduire des voitures et à tirer sur des gens. Je n'avais pas vu le temps filer. Aucune idée de rien, ni de la température dehors, ni du temps, ni de la façon avec laquelle je voulais m'habiller. C'est avec une sorte de désespoir que j'ai saisi un pull rayé à capuche dans l'armoire, que je l'ai enfilé sur un autre pull noir, puis finalement sur un T-shirt blanc, puis finalement encore sur un autre pull noir, et enfin sur un T-shirt noir. J'étais alors presque à bout de nerfs. Mes cheveux n'étaient pas très propres mais il était trop tard pour y remédier. Et les minutes passaient et j'étais presque paralysée. Mes mouvements étaient inutiles, comme dans un cauchemar. On aurait dit que je faisais tout pour arriver en retard. Sur le chemin, j'ai voulu faire la maligne et je me suis égarée en voiture, j'ai tourné presque quinze minutes avant de trouver une place à plus de dix minutes à pieds du bar.
Presque au bord des larmes, je me suis dépêchée, j'ai marché le plus vite que mes jambes maladroites me le permettaient. Et bien sûr j'ai battu le record absolu de la nana en retard. J'étais tout à fait déconnectée du monde réel. Je ne me reconnaissais plus, j'avais l'impression de vivre ailleurs. Un sentiment de culpabilité m'a envahie. J'avais envie de pleurer.
Mais je crois inconsciemment j'avais envie que cela arrive. J'avais sûrement envie que quelqu'un m'attende, oui ça devait être ça. Comme je l'ai fait remarqué alors au cours de la conversation, j'ai l'impression d'être nulle part, de flotter entre deux eaux. Dans ma tête j'anticipe mon déménagement, ma modeste nouvelle vie, à tel point que je commence à me détacher de mon ancien mode de vie pour tendre vers celui que j'imagine avoir d'ici quelques mois. Et sur quoi est basé ce nouveau mode de vie me demanderez-vous ? Sur de la merde. Je crois que je rassemble tous les clichés que je connais sur les gens un peu décalés qui vivent seuls et que je les adopte les uns après les autres. Alors je me suis mise aux jeux vidéos, je traîne dans les rayons alcools des supermarchés pour regarder ce que je pourrais m'acheter, et je me complais dans un bordel ambiant. Parce que j'imagine que je vivrai ainsi. Peut-être car c'est le modèle que j'ai rapidement eu sous les yeux lorsque j'ai commencé à fréquenter des gens qui vivaient seuls. Je ne vais pas pouvoir m'empêcher de me détruire un peu. C'est sûr. Je vais sûrement me remettre à fumer pour de bon, acheter essentiellement des soupes et de la salade et manger des céréales bio. Mais comment puis-je savoir tout cela ? Est-ce ce que j'ai vraiment envie de devenir ? Comment est-ce possible de se demander comment on réagira, de ne pas se connaître à ce point ? Pourquoi est-ce que je passe tant de temps à me servir de cobaye ? Je crois que c'est trop tard pour être une gentille fille parfaite, comme mes sœurs, mais pourquoi forcément aller dans l'excès inverse ? Chercher la merde tout le temps, friser la catastrophe de justesse...
Toujours sur une corde raide, je peux tomber d'un côté comme de l'autre, entre les deux mon cœur balance. Et forcément avec le temps que je mets à me décider, je ne peux qu'arriver en retard.


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