lundi 23 mai 2011

Je compte les heures qui me restent avant les vacances.... Plus tellement en fait. Je compte les punitions non rendues, les heures de colles non faites, les gamins qui auraient vraiment besoin d'un meilleur psy. Marre des "enfants fous" "attardés" ou autres "hyperactifs". A chaque cas je me rends compte que je n'ai vraiment pas de cœur. Surtout quand on me "casse les couilles". Leurs histoires de me tire pas une seule larme, contrairement à ma collègue qui est très sensible, trop peut-être. Moi je reste froide, neutre, glacée, j'ai une âme d'assistante sociale car rien ne m'émeut... En fait, je m'en fous d'eux. Même si c'est pas totalement vrai. Je pense qu'on est plus facilement émus par des gens qui nous ressemblent, auxquels on s'identifie. C'est ça le principe de la "compassion". Souffrir avec. Mais je ne me reconnais pas en eux. Moi je n'ai pas été élevée par une mère fatiguée et démissionnaire, mon père ne me tapait pas dessus, je n'ai jamais été en garde à vue et aucun membre de ma famille n'a fait de la prison... sachant qu'environ deux-tiers de nos élèves remplissent au moins un de ces critères, si ce n'est plus...
En revanche je me sens proche de la fille d'une de mes collègues, petite angoissée, stressée par l'école et ses camarades de classes qui sont des pestes, certainement intelligente, très réservée à l'école mais extrêmement bavarde en-dehors. Chaque semaine elle va voir une psy à l'autre bout de Paris. 80€ la séance, la vache... Moi je n'ai jamais vu de psy mais je me dis qu'à elle ça lui évitera peut-être de devenir une gothique anorexique et dépressive pendant quelques années... Ca lui évitera peut-être de parler toute seule et s'inventer une vie parallèle, de se rouler par terre en pleurs dans sa chambre parce qu'elle fait plus de 41 kg, de se taillader les bras, les jambes, d'avoir plus tard une tendance à se jeter sur l'alcool ou les joints pour réussir à supporter sa vie minable... Je l'ai rencontrée, cette fille. Apparemment je lui ai beaucoup plu, elle s'est peut-être reconnue en moi. Moi je parle à sa mère et tente de dédramatiser, tu vois, moi j'étais un peu comme ta fille mais bon, ça va quoi, je m'en sors bien (si on occulte quelques années et quelques détails sordides). J'ai envie de lui dire "Tu sais, un jour, ta fille arrêtera de te parler, de te raconter toute sa vie, un jour elle s'éloignera de toi, peut-être même qu'elle te haïra. Il faut que tu t'y prépares, ça te fera mal, mais ça va aller... C'est une fille intelligente et un jour elle arrêtera d'en souffrir."

1 commentaire:

WaXou a dit…

Etrangement, ce que tu dis là me donne un plus fort sentiment de proximité (qui était déjà un peu là, mais moins palpable) avec toi.
Justement, je me sens tout de suite plus intéressé et proche des gens qui ont eu un passé compliqué, surtout concernant l'image de soi, et qui réussissent malgré tout à travailler, à jouer un rôle dans la société tout en restant eux mêmes, avec leurs questionnements... je ne connais que trop bien les efforts que cela demande. Ce n'est pas comme la majorité qui se définit voire se nourrit du rôle qu'elle joue, et qui ne connait que très peu de choses en dehors du paraître.
Par contre, je pense que l'on n'est pas obligé de se reconnaître en l'autre pour avoir de la compassion. Enfin, si, quelque part oui, mais cela peut-être plus simple: pour ma part, en général, je reconnais que peu importe son origine, la Souffrance est la même pour tous. Donc effectivement, quelque part, je reconnais ma souffrance chez l'autre. Là ou c'est plus compliqué, c'est vis à vis des gens qui nient leur souffrance, ou qui la fuient en s'agitant, en faisant du bruit, ou se servant des autres pour la dissimuler... là j'ai beaucoup plus de mal à éprouver une quelconque compassion lorsque je suis confronté à de tels patients.