mardi 17 juin 2008

Loser

Je ne l'ai pas tout de suite remarquée, posée contre le mur intérieur gauche.
C'est une librairie où on vend des bandes dessinées d'occasion devant laquelle je m'arrête machinalement chaque midi. Comme tous les jours, mon regard parcourait les étagères à la recherche de nouveautés. La plupart du temps je ne connais aucune des BD qui sont présentées, à part les classiques Tintin qui servent à attirer le chaland.
On peut donc y laisser les bandes dessinées dont on ne veut plus contre une somme symbolique qui ne suffira même pas à acheter une autre œuvre dans la boutique.

Et donc à force de scruter les titres, mon regard a fini par se poser dessus. Elle était là, celle que je lui avait offert pour Noël. Faut-il croire au hasard ? Cette bande dessinée n'est pas si connue que ça, et je sais très bien qu'il fréquente la librairie. Sur le coup j'ai failli rentrer, j'aurais pu demander au vendeur à quoi ressemble la personne qui a voulu se débarrasser de cet ouvrage, mais c'était vraiment trop ridicule. Je n'ai pas envie de passer pour une cinglée paranoïaque.
D'un autre côté, je veux bien comprendre qu'il ait voulu se séparer de cette bande dessinée. Et d'une, c'est moi qui lui ai offert, et de deux, dans un contexte pas tellement réjouissant. Et de trois, il est tellement dans la dèche que je suppose que 5€ suffiraient à lui rendre la vie plus agréable (on peut presque se payer un café ET un kir avec !) S'en débarrasser et en retirer de l'argent, quel esprit pragmatique ! Je n'aurais pas fait mieux.

Sauf que moi je suis plutôt contente du bouquin qu'il m'a offert pour mon anniversaire. Mais mon cas est différent, et bien plus pervers : ça m'est totalement égal. Je regarde cet objet avec indifférence comme je regarderais une babiole et je le feuillette avec plaisir, détachée du moindre souvenir qu'il pourrait m'évoquer. Et ouais mec, moi je suis froide, je n'éprouve aucun sentiment et je n'en ai jamais éprouvé. D'ailleurs ne m'a-t-il pas jeté à la figure sur un ton glacial, alors que j'étais encore en train de m'excuser, qu'il me souhaitait quand même de tomber amoureuse un jour ? J'ai trouvé ça un peu narcissique sur le coup. Genre oh mec, t'es pas le centre du monde, c'est pas parce que je ne t'aimais pas que je ne pourrai jamais aimer personne !

Maintenant mon compte est réglé, il ne m'aime plus, il a vendu ma BD. De toute façon je le comprends, je l'avais bien choisie, avec beaucoup d'ironie, de raillerie et on pourrait même penser à un peu de mépris...
Finalement, il a bien fait de le vendre son Loser


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