dimanche 9 mars 2008

ça ne se refuse pas

Je frissonne, et j'ai comme une boule au ventre. L'album d'Under Byen que j'écoutais en conduisant n'y est peut-être pas totalement pour rien.... Je me sens néanmoins étrangement tendue, comme la toute première fois que je suis allée seule à un concert. Un coup d'œil vers l'écran lumineux, il est encore un peu tôt, je peux me permettre de rester un peu au chaud dans la voiture en attendant la fin du morceau. Cinq minutes plus tard, je sors.
Il y a déjà un peu de monde dans la salle. Je salue les têtes connues, puis je me prends une bière au bar. Réflexe de survie : ça occupe les mains, ça donne une contenance et ça embrume agréablement le cerveau.
Je commence à passer un agréable moment.
Même si je suis toute seule.
Je me marre bien en regardant les mecs qui sont sur scène, puis je me prends une autre bière. C'est marrant, on ne me rend pas la même monnaie qu'avant. Je ne fais pas de commentaire et j'empoche. En soirées j'ai tendance à tout empocher, n'importe quoi n'importe où, et le lendemain matin je retrouve plein de ferraille et de petits papiers au fond de toutes mes poches : blouson, pantalon, au fond du sac à main, sur le côté du sac à main... C'est comme les œufs de Pâques.
Bref, j'empoche et je sors fumer.

Un mec déjà passablement éméché m'aborde. Il me raconte n'importe quoi sur la façon que j'ai de recracher la fumée, il a un accent bizarre, je ne comprends pas tout. Il me demande comment je m'appelle. "
Je m'appelle pas". Lui non plus ne s'appelle pas. D'ailleurs on ne sait jamais qui on est. Je peux être quelqu'un aujourd'hui et quelqu'un d'autre demain. On part dans un délire alcoolique qui se veut philosophique jusqu'à ce qu'il conclue qu'il est un mauvais dragueur. -Personne n'est parfait-. Il me demande ce qu'il peut bien dire pour draguer, à part raconter n'importe quoi. Je lui dis qu'il n'a qu'à inventer, après tout on s'en fout.
Le pauvre doit penser qu'il est encore tombé sur une folle. Il me demande ce que j'ai pris comme drogue ce soir, mais que lui n'en prend pas.
Lassée, je finis par lui expliquer que je vais rentrer, que je préfère qu'il ne m'accompagne pas, que je sais que je suis méchante, que même les jolies filles sont méchantes, que c'est plus facile d'être méchan
t que d'être gentil, et que de toute façon je ne suis pas là pour ça, être gentille. Je le plante sur le trottoir, un peu désorienté, un peu intrigué.

Je frissonne toujours, ça doit être la fatigue. Je reprends une autre bière tout en me disant que c'est pas raisonnable puisque je prends la voiture après. J'écoute la musique, j'admire les personnes sur scène, j'envie leur apparente confiance en eux.

En ressortant pour fumer une clope, j
e croise S. C'est le seul homme que je connaisse qui a vraiment envie de savoir si ça va bien. Avec lui, on ne balaye pas cette question rituelle d'un revers de "ça vaaa et toi?" Il ne dit pas ça pour ouvrir le dialogue avant de s'en débarrasser vite fait, lui il écoute la réponse, et perçoit très bien les émotions. Je ne sais pas très bien si c'est parce qu'il est hypersensible qu'il est devenu alcoolique, ou si c'est parce qu'il est alcoolique que ça l'a rendu hypersensible.
Il m'accompagne dehors, je grelote tellement avec ma bière froide à la main qu'il me frotte le dos amicalement. Je lui dis que ça va aller, et bizarrement il a l'air de mal le prendre, m'expliquant qu'il fait ça naturellem
ent, que je n'ai pas à être gênée, mais que si ça m'embête il arrête.
Je ne sais pas très bien si c'est parce qu'il est parano qu'il est devenu alcoolique ou si c'est parce qu'il est alcoolique que ça l'a rendu parano.
Il fait mine d'enlever sa veste, je l'arrête. Oui, je suis sure, ça va aller, c'est le contraste avec l'intérieur.
On rentre. Je regrette de ne pas avoir pris un café à la place d'une nouvelle bière.

J'erre un peu dans la salle, légèrement grisée par l'alcool. Je ne rencontre personne à qui parler, je m'ennuie et il est tard. Je décide a
lors de ressortir, je ne sais plus très bien ce que j'avais l'intention de faire : sûrement fumer ma dernière cigarette avant de rentrer.
Je fouillais maladroitement dans mon sac à la recherche du paquet, les yeux à demi clos, l'air fatigué, lorsqu'un garçon vient vers moi, un verre dans chaque main et m'en tend un. Allons bon. Merciiiii. Un verre, ça ne se refuse pas. Comme je suis de plus en plus fatiguée et de moins en moins claire, je deviens bavarde, même si je claque des dents à cause du froid. On parle de musique. On a les mêmes goûts, on était aux mêmes concerts. Il a l'air très gentil, pas vraiment canon mais très gentil. Je lui demande ce qu'il fait, et je
tire la conclusion que je suis encore tombée sur un glandeur. Comme 90% des gens, il lâche un "ouahouuu" qui sous-entend "merde, t'es une tête toi !" lorsque je lui raconte ce que je fais. Alors qu'il me dit qu'il compte maintenant rentrer chez lui, il me demande tout naturellement s'il peut m'inviter boire un verre un de ces soirs.
Passablement pompette je couine entre deux hoquets quelque chose comme ben ouiii pourquoi paaaas et lui dicte mon numéro de téléphone.
En ressortant, je recroise S. et lui fais le petit signe de main typiquement féminin signifiant "je m'en vais" avec un grand sourire. Il me répond laisse moi te faire un gros poutou et m'enlace avec son affection câline d'alcoolique qui n'est plus à jeun, se reculant ensuite pour me regarder dans les yeux tout en me tenant les deux manches : et surtout porte-toi bien.


Sur le chemin du retour, je pense que merde, c'est quand même super facile de m'extorquer mon numéro !

Maintenant, j'attends qu'il me contacte. Le seul problème c'est que j'ai oublié son prénom...




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